L’abandon de l’écotaxe, un “échec de politique publique”

L’abandon de l’écotaxe, un “échec de politique publique”

L'abandon de l'écotaxe a été vivement critiquée mercredi par la Cour des comptes, qui dénonce, dans son rapport annuel, un "échec...
Public Sénat

Par Julie CHABANAS

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L'abandon de l'écotaxe a été vivement critiquée mercredi par la Cour des comptes, qui dénonce, dans son rapport annuel, un "échec de politique publique" et une "décision sans base contractuelle" qui coûtera à l’État près d'un milliard d'euros rien qu'en indemnisations.

"L'abandon de l'écotaxe poids lourds constitue un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables", déplorent les Sages de la rue Cambon dans leur rapport annuel publié mercredi.

"Coûteux pour les finances publiques et dommageable pour la cohérence de la politique des transports et son financement, l'abandon de l'écotaxe poids lourds constitue un gâchis", continue la Cour des Comptes.

Elle déplore un pilotage du projet "centré sur des objectifs de court terme", une suspension "prise dans la précipitation", une "décision sans base contractuelle", sans "aucune analyse préalable de la portée de cette décision".

"C'est un cas d'école, à partir du moment où c'est une décision qui avait été prise à la quasi unanimité du Parlement, et qui répondait a un objectif ambitieux", a commenté le président de la Cour Didier Migaud lors d'une conférence de presse, ajoutant qu'"au final, ce sont les automobilistes qui ont compensé" le manque à gagner.

"A un moment donné, la volonté politique a calé", a ajouté Évelyne Ratte, présidente de chambre.

La taxe sur les poids lourds était l'une des mesures phares du Grenelle de l'Environnement en 2007, pour financer et entretenir les infrastructures de transport.

Jamais mise en service, elle avait été suspendue en octobre 2013 après la fronde menée par les "bonnets rouges", et des négociations avaient été menées, avant la résiliation, le 30 octobre 2014, du contrat passé avec Ecomouv', consortium franco-italien chargé de la mise en oeuvre de cette taxe.

- 210 salariés licenciés -

Et l’État se retrouve au final avec une lourde ardoise: 957,58 millions d'euros d'indemnités à verser à Ecomouv' et ses partenaires, et 70 millions d'euros pour mettre en oeuvre l'écotaxe, puis la défaire.

A ces dépenses s'ajoutent des recettes manquantes: 9,8 milliards d'euros d'écotaxe entre 2014 et 2024, et 795 millions d'euros de taxe à l'essieu pour la période 2009-2024, cette taxe ayant été abaissée en prévision de l'arrivée de l'écotaxe.

L’État a également dû procéder à la dépréciation comptable des portiques et autres équipements, "initialement valorisés à 652 millions d'euros". Quelques équipements ont été vendus, pour des montants compris entre 2 et 30% de leur valeur initiale, rapportant seulement 2,19 millions d'euros à l’État.

La solution de remplacement adoptée, une hausse de la taxe sur les carburants (TICPE), suscite elle aussi les critiques de la Cour: "l'objectif indirect de rééquilibrage de la compétitivité relative entre les transporteurs français et étrangers en France, que portait l'écotaxe poids lourds, est mis en échec" puisque les poids lourds étrangers "se ravitaillent peu en France".

Sur le volet social, les 210 salariés d'Ecomouv' ont été licenciés, et la Cour des comptes précise que "les reclassements envisagés pour une partie d'entre eux dans des établissements publics de l'État n'ont pas prospéré".

"Le gouvernement a fait au mieux, c'est-à-dire a supprimé un système très coûteux pour le remplacer par un prélèvement tout simple sur la consommation de carburant", a réagi la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, dénonçant un système "très pervers" où l’État payait 220 millions d'euros par an de frais de gestion à Ecomouv', et évoquant "un détournement de fonds".

Ségolène Royal a toutefois reconnu que le gouvernement "aurait dû mettre en cause la responsabilité de l'entreprise" et qu'elle même n'était "pas favorable à une indemnisation aussi rapide" d'Ecomouv'.

Dans sa réponse à la Cour des comptes, le cabinet du Premier ministre affirme que cette décision a fait l'objet d'"analyses juridiques et financières" et est "réaliste et efficace sur le long terme".

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