L’Europe, dernier garant de la neutralité du Net ?
Les invités de l’émission « On va plus loin » analysent les conséquences de la fin de la neutralité du net aux États-Unis et ses possibles retombées en Europe.  

L’Europe, dernier garant de la neutralité du Net ?

Les invités de l’émission « On va plus loin » analysent les conséquences de la fin de la neutralité du net aux États-Unis et ses possibles retombées en Europe.  
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Aux États-Unis, la Commission fédérale des communications (FCC), le régulateur des télécoms, a mis fin à la neutralité du Net lors d’un vote le 14 décembre dernier. Résultat, c’est assurément la fin de  l’accès égalitaire au web pour tous. Et même si certains tentent de s’organiser en devenant leurs propres fournisseurs d’accès, le mal est fait.

Laurent Calixte, journaliste high-tech, explique la décision de la FCC : «C’était une forte demande de certains lobbies des opérateurs de télécoms qui étaient un peu excédés de voir que la valeur de l’internet était accaparée par  (…) les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon NDLR]  et que eux qui construisent les réseaux (…) qui tirent des câbles, de la fibre, font beaucoup d’investissements.  Mais au final, les revenus et les bénéfices, ce n’est pas pour eux, c’est pour les GAFA  (…) Ils ont eu gain de cause puisque Trump n’est pas très pro GAFA. »

Pour Monique Dagnaud, sociologue et directrice de recherche au CNRS, la décision de la FCC touche aux fondements même du Net : « C’est absolument un séisme. Car au départ le Net s’est construit sur un certain nombre d’utopies, de valeurs, de principes, et notamment le libre accès de tous à ce réseau (…) Finalement les amoureux de l’Internet des origines (…) voient, pas à pas, tout un ensemble de principes bafoués pour de la marchandisation. »

Benjamin Sonntag, cofondateur de la Quadrature du Net, une association de défense des droits et des libertés des citoyens sur internet, est inquiet des conséquences en Europe : « On craint, à la Quadrature, que cela déboule en Europe (…) On a très peur que cela donne des velléités à des sociétés comme Orange, qui récemment encore disait : « on a besoin d’enlever cette régulation européenne pour pouvoir faire les réseaux 5G » (…) Aux États-Unis, c’est très grave parce que ça va faire cet internet à deux vitesses. Ça va aussi empêcher l’innovation puisque ça empêche de nouveaux services de pouvoir accéder au réseau internet, donc aux abonnés finaux, de manière non discriminée. C’est une vraie atteinte aux libertés (…) de disponibilité de l’information. »

Jean-Baptiste Soufron, avocat spécialiste du numérique et ancien secrétaire général du Conseil national du numérique, voit l’Europe comme le dernier garant de la neutralité du Net : « Ce qui est en train de se passer et qui est très gênant pour nous européens, c’est que finalement dans l’ensemble du monde, on est les seuls à garantir la neutralité du Net. Notamment grâce aux régulations qui ont été passées par la Commission européenne et qui sont maintenant en train d’être mises en œuvre (…) On a, en gros, un internet chinois d’un côté, qui est totalement inaccessible pour à la fois les usagers, les entreprises françaises et européennes, [et] un internet américain qui maintenant va devenir inaccessible, à moins de passer des accords et donc de payer pour pouvoir y accéder. Par contre tout le monde va pouvoir se servir dans l’internet européen (…) On est un petit peu les dindons de la farce et ça montre surtout notre incapacité à pouvoir convaincre les partenaires américains ou les partenaires chinois de s’ouvrir et de nous laisser aussi proposer des services (…) Finalement, on se retrouve les seuls à avoir envie de protéger [le Net]. »

Pour voir le débat d'OVPL en intégralité :

Neutralité du Net : vers un internet à plusieurs vitesses ?
29:50

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