« La 5G pourrait ajouter entre 2,7 et 6,7 mégatonnes de CO2 en 2050 », prévient le Haut Conseil pour le Climat

« La 5G pourrait ajouter entre 2,7 et 6,7 mégatonnes de CO2 en 2050 », prévient le Haut Conseil pour le Climat

Les sénateurs de la commission du développement durable auditionnaient ce mercredi Corinne Le Quéré et Olivier Fontan, respectivement présidente et directeur exécutif du Haut Conseil pour le Climat. L’occasion d’évaluer les manques dans la stratégie bas carbone du gouvernement et d’avoir un aperçu de l’empreinte numérique de la 5G.
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Par Pierre Maurer

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Le Sénat et le Haut Conseil pour le Climat s’étaient donné rendez-vous, en mars 2020. Mais la rencontre a pris du retard, la faute aux moyens limités (seulement 6 membres) de l’organisme indépendant face à une quantité de travail considérable. Ce mercredi, les membres de la commission du développement durable ont finalement pu auditionner la présidente du Haut Conseil, Corinne Le Quéré, après la remise d’un rapport sur l’impact environnemental de la 5G en décembre 2020. Et cela tombe bien, à écouter le président de la commission, Jean-François Longeot (UC) : le rapport commandé par le Sénat et rendu par le Haut Conseil « semble aligné » sur les travaux des sénateurs, et notamment la proposition de loi sur l’empreinte du numérique adoptée la semaine dernière.

Le renouvellement de smartphones, catalyseur de pollution

Ainsi, l’organisme indépendant chargé d’évaluer « la stratégie du gouvernement en matière de protection du climat », s’inquiète des conséquences du déploiement de la 5G en émissions de gaz à effet de serre. « Nous avons développé trois scénarios de déploiement qui vont jusqu’en 2030 et nous les avons comparés à deux scénarios de non déploiement », a expliqué Corinne Le Quéré. Résultat : « L’impact carbone de la 5G pourrait ajouter entre 2,7 et 6,7 mégatonnes de CO2 en 2050 ». A l’heure actuelle, l’empreinte carbone du numérique s’élève à 15 mégatonnes de CO2 par an en France.

A quoi sont dues ces émissions supplémentaires ? Les « trois quarts » des augmentations anticipées de la 5G sont liées aux terminaux et réseaux, « comme le renouvellement des smartphones mais aussi davantage d’antennes et de data centers », et « un quart » à l’utilisation.

Le Haut Conseil recommande donc « d’agir sur les émissions importées », « d’imposer la maîtrise des émissions aux opérateurs » ; « d’informer et sensibiliser les usagers et les entreprises », et « d’évaluer les effets sur les émissions lors de l’allocation des fréquences ».

« Quant à des bénéfices éventuels de la 5G dans la baisse des émissions, ils s’appuient beaucoup sur des scénarios théoriques », a estimé la climatologue franco-canadienne.

« Le secteur du transport est le plus problématique et n’a pas diminué depuis 10 ans »

Du reste, l’état des lieux dressé par le Haut Conseil n’est pas mirobolant : avant la crise du covid-19, les émissions de CO2 de la France diminuaient mais de manière « trop faible ». L’empreinte carbone peine à diminuer à cause de l’augmentation des « émissions importées » causée par l’importation de produits électroniques et la France pointe à 11,5 tonnes de CO2 par habitant et par an. « Le secteur du transport est le plus problématique et n’a pas diminué depuis 10 ans », a déploré Corinne Le Quéré. Industrie, bâtiment, agriculture, les baisses dans ces secteurs sont globalement trop lentes. En outre, les climatologues ont identifié « un manque de pilotage de la stratégie bas carbone du gouvernement ». Seul horizon favorable, la crise du covid-19 entraînera une baisse de « 10 % des émissions ».

A cette occasion, le plan de relance du gouvernement, qui comporte un important volet « vert », sera-t-il efficace ? « Il risque de verrouiller la France dans des activités fortement émettrices », s’est inquiétée Corinne Le Quéré. D’autant que les premiers travaux faits par le gouvernement « ne permettent pas de s’assurer de la cohérence du plan avec l’objectif national de neutralité carbone en 2050 ». Et puis, « la partie du plan de relance qui ne concerne pas le bas carbone comporte des risques ».

Le Haut Conseil a donc recommandé « de renforcer la compatibilité du plan de relance avec des modes de production et de consommation bas carbone » et note tout de même « l’effort de verdissement » du plan de relance français qui est « parmi les mieux dotés à l’échelle mondiale ».

Mais sur le secteur du bâtiment par exemple, « les rénovations faites ne permettent pas l’amélioration des performances énergétiques », la faute à « peu d’efficacité dans les contrôles et un manque d’ambition ». Le nombre de rénovations performantes doit ainsi être multiplié « par 10 d’ici 2030 », intime Corinne Le Quéré.

Depuis son installation il y a deux ans, le Haut Conseil a-t-il été écouté par le gouvernement ? « On voit que la gouvernance climatique en France a été renforcée. On parle beaucoup de climat en France, c’est bien », s’est félicitée la climatologue. Mais au niveau des mesures et des évaluations, « ça a peu progressé ». « Nous avons dit que le gouvernement doit vraiment valoriser les propositions de la Convention citoyenne pour le Climat, et s’il en refuse, qu’il le justifie », a-t-elle notamment souligné. La Convention a obtenu un référendum qui doit être organisé d’ici la fin du quinquennat pour soumettre au suffrage des Français l’une des propositions issues de ses travaux : introduire « les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique » à l’article premier de la Constitution.

Aura-t-on un rebond des émissions de gaz « fatal » après la crise du covid-19 ? « La majorité des investissements sont faits dans une économie carbonée », a regretté Corinne le Quéré. « Donc oui, on s’attend à un rebond. Mais ce ne sera pas fatal ».

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