La CFDT a accompagné la plupart des réformes, y compris impopulaires, des précédents gouvernements, au risque d'apparaître comme leur "interlocuteur privilégié". Son rôle reste à définir pendant le quinquennat Macron, mais d'ores et déjà elle multiplie les mises en garde sur la réforme du code du travail.
1995, la CFDT soutient le plan Juppé de réforme de la protection sociale, vilipendé par la CGT et FO et à l'origine d'une crise sociale. Huit ans plus tard, elle signe une autre réforme impopulaire, celle des retraites également présentée par la droite, déclenchant un départ massif d'adhérents.
En 2016, pour la très critiquée loi travail, François Hollande a pu compter, lui aussi, sur l'appui de la CFDT, taxée par ses détracteurs de "relais" du gouvernement après avoir accompagné toutes les réformes sociales du quinquennat. A ses côtés, comme souvent, la CFTC et l'Unsa.
Mais comme pour prendre ses distances avec Emmanuel Macron, pour qui la CFDT a ouvertement appelé à voter afin de faire barrage au Front national, son numéro un, Laurent Berger, multiplie les mises en garde depuis deux semaines.
"Non, la CFDT ne veut pas être un interlocuteur privilégié. Elle est en capacité de contester lorsqu'elle n'est pas d'accord et de s'engager lorsqu'elle est d'accord", souligne-t-il.
L'une des premières réformes promises par le nouveau président va porter sur le code du travail, avec notamment davantage de place donnée à l'accord d'entreprise. Cette philosophie, portée par la CFDT depuis les années 1960, a déjà été mise en application dans la loi El Khomri pour ce qui concerne le temps de travail.
Mais la confédération se montre beaucoup plus critique sur une autre réforme: le plafonnement des indemnités prud'homales, une "ligne rouge" pour elle.
Et la logique même d'une réforme rapide du droit du travail "à la hussarde" hérisse la confédération, qui souhaite également des précisions sur les modalités de l'étatisation de l'assurance chômage et s'inquiète de la suspension du compte pénibilité.
"Le calendrier n'est pas tenable, sauf à passer en force ou de façon superficielle", s'inquiète M. Berger, qui promet qu'il n'y aura "ni complaisance, ni opposition stérile" avec le gouvernement.
- 'Sans l'aval des syndicats' -
Pour Guy Groux, chercheur au centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), il est "impensable de considérer que la CFDT puisse jouer un rôle secondaire ou périphérique si demain il y avait des négociations entre le gouvernement et le syndicalisme".
Mais "est-elle prête à s'engager toute seule? Tout dépendra jusqu'où veut aller le gouvernement dans la libéralisation du marché du travail", ajoute-t-il.
De leur côté, la CGT, FO et Solidaires promettent une mobilisation, après avoir mis des dizaines de milliers de personnes dans les rues en 2016 contre la loi El Khomri.
"Le risque que ces forces parviennent à mobiliser est réel", jugent l'avocat Jacques Barthélémy et l'économiste Gilbert Cette, dans une tribune parue dans le Monde cette semaine.
Dans ce contexte, le gouvernement devra s'appuyer sur "des forces réformistes" et élaborer des compromis: "parmi ces alliés possibles, la CFDT, devenue premier syndicat de France dans le secteur privé, est évidemment incontournable", jugent-ils.
En prenant en compte le secteur public, la CGT demeure la première organisation française.
La nomination de Muriel Pénicaud au ministère du Travail, sur laquelle M. Berger porte une "appréciation très positive", apparaît comme un gage donné par M. Macron.
Mais l'exécutif peut tout aussi bien passer en force sur les réformes sociales, estime Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques.
"La réforme des retraites de 2010 s'est faite sans l'aval des syndicats. Et s'il est clair que Macron escompte un soutien des réformistes, notamment la CFDT mais aussi la CFTC, la CFE-CGC et l'Unsa, il ne veut pas non plus être leur otage", ajoute-t-il.
Les élections législatives s'avèrent un point clé pour l'équipe Macron. "On y verra plus clair avec les rapports de force qui existeront au sein de l'Assemblée nationale. C'est ce qui déterminera la marche à suivre pour le gouvernement et le contenu des ordonnances" réformant le code du travail, souligne M. Groux.