La colonisation, une « bénédiction », pour Zemmour : faut-il une loi pour sanctionner ses propos ?

La colonisation, une « bénédiction », pour Zemmour : faut-il une loi pour sanctionner ses propos ?

Lors d’une émission sur la chaîne Outre-mer la 1re, Éric Zemmour a qualifié la colonisation de « bénédiction ». Des mots qui ont fait réagir le sénateur socialiste de Guadeloupe, Victorin Lurel, qui dans un communiqué, demande une loi « pour condamner pénalement ce type de provocations outrancières ».
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« La colonisation a été une bénédiction ». La réponse d’Éric Zemmour à un jeune amérindien de Guyane dans l’émission Outre-mer 2022, a atteint son objectif : susciter la polémique. Le jeune homme expliquait au candidat de Reconquête ! qu’il n’était pas arrivé en France. « C’est la France qui est venue vers moi », précise-t-il. « Comme moi », a rétorqué Éric Zemmour en rappelant que ses ancêtres étaient issues « des tribus berbères qui se baladaient entre l’Algérie et le Maroc ». « Mais, la différence entre vous et moi, c’est que je suis heureux de cette colonisation », appuie-t-il.

« Condamner pénalement ce type de provocations outrancières »

L’ancien ministre des Outre-mer et actuel sénateur socialiste, Victorin Lurel dénonce dans un communiqué des « propos ignominieux » […] « entre glorification de la colonisation, négation des peuples autochtones et écrasement des cultures précoloniales ».

Dans un second temps l’élu de Guadeloupe estime qu’il est temps de faire évoluer « notre arsenal juridique » afin « de condamner pénalement ce type de provocations outrancières, ces apologies et banalisations des horreurs de la longue nuit coloniale ».

Ce n’est pas la première fois que l’histoire coloniale s’invite dans une campagne électorale. En 2017, Emmanuel Macron avait, à ce titre, provoqué une levée de boucliers en qualifiant la colonisation « de crime contre l’humanité ». « C’est le dernier grand tabou du XXIe siècle. Si vous voulez provoquer une dispute dans un repas de famille, il faut parler de l’histoire coloniale », rappelle l’historien Pascal Blanchard, co-auteur du livre « Colonisation et Propagande : le pouvoir de l’image » (ed le Cherche-Midi)

Si la loi Taubira de 2001 reconnaît « la traite » et « l’esclavage » comme crime contre l’humanité, Il n’en est pas de même pour la colonisation. Un article de la loi du 23 février 2005 sur les rapatriés, mentionnant « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » avait entraîné une guerre des mémoires pendant de longs mois avant finalement de voir la disposition déclassée par le Conseil constitutionnel, ouvrant la voie à sa suppression par décret.

« Ce n’est pas à la loi de faire l’histoire, c’est le travail de l’historien »

« En 2005, nous historiens, on s’est battus pour expliquer qu’il y avait un risque de voir le politique délimiter notre périmètre. Paradoxalement en rédigeant une forme d’Histoire officielle, on favorise les théories révisionnistes. La loi ne peut pas aborder par une lecture unique la colonisation qui est un objet complexe et vaste. Ce n’est pas à la loi de faire l’histoire, c’est le travail de l’historien », estime Pascal Blanchard.

Contacté par publisenat.fr, Victorin Lurel rappelle quant à lui ses tentatives passées pour que la loi Taubira « ne soit pas qu’incantatoire ». En effet, en 2016, à l’époque député, Victorin Lurel avait fait passer un amendement à la loi Egalité et citoyenneté. L’article punissait d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende « la négation, la minoration ou la banalisation de façon outrancière un crime de génocide, un crime contre l’humanité, un crime de réduction en esclavage ou un crime de guerre lorsqu’elles « constituent une incitation à la violence ou à la haine par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ».

« J’ai déposé un texte similaire dernièrement, mais il n’a pas passé le filtre de la Conférence des présidents en raison des difficultés juridiques qu’il entraînerait », explique-t-il.

En effet, son amendement avait été censuré par le Conseil constitutionnel en raison d’une atteinte jugée disproportionnée à la liberté d’expression. Le Conseil avait également souligné que la loi Gayssot de 1990 punit déjà d’un an d’emprisonnement et de 45 000 €, le délit de négationnisme, et la contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité, et ce, sans qu’il soit constitué d’une incitation à la violence ou à la haine.

Mais il est important de rappeler que la contestation des crimes contre l’humanité telle que visée par la loi Gayssot concerne la Shoah, les crimes des nazis car la loi reprend la définition établie dans les statuts du tribunal de Nuremberg. Ce n’est donc pas le législateur qui définit le crime mais une juridiction internationale.

« La loi ne peut se résumer à affirmer que la colonisation ce n’est pas bien »

Pour autant « une loi ne peut pas être dépourvue de portée normative. Elle doit obliger, permettre ou interdire. Elle ne peut se résumer à affirmer que la colonisation ce n’est pas bien. C’est tout l’enjeu des lois mémorielles. A mon sens, s’il s’agit d’être purement déclaratoire, une résolution est plus adaptée », estime le constitutionnaliste, Benjamin Morel.

Le mois dernier, le député de Guadeloupe Olivier Serva (LREM) a présenté une proposition de résolution « relative à l’incrimination des propos négationnistes portés sur la traite négrière et l’esclavage colonial ». « Il est urgent de rouvrir la question de l’évolution du cadre juridique et de la violente banalisation sociale vis-à-vis des propos négationnistes tenus au mépris de la souffrance et de l’histoire de millions de personnes d’ascendance africaine », avait-il expliqué lors d’une conférence de presse, l’Assemblée nationale, le mois dernier.

« Il y a un travail éducatif à faire sur la colonisation. C’est certainement l’action de la République la plus pertinente. Nous sommes un pays de musées. Pour autant, contrairement au Royaume Uni, aux Pays-Bas à la Belgique… La France n’a pas de musée de l’histoire coloniale. Un professeur qui veut organiser une sortie avec ses élèves pour parler de la colonisation. Il n’a aucun endroit où aller », regrette Pascal Blanchard.

 

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