La direction française de Lubrizol joue la carte du flou
Devant la commission d’enquête du Sénat, la direction française de Lubrizol a joué la prudence en éludant les principales questions notamment sur des points de non-conformité antérieurs à l’incendie qui n’ont pas été mis aux normes malgré les relances du préfet. Une attitude qui a irrité les sénateurs.

La direction française de Lubrizol joue la carte du flou

Devant la commission d’enquête du Sénat, la direction française de Lubrizol a joué la prudence en éludant les principales questions notamment sur des points de non-conformité antérieurs à l’incendie qui n’ont pas été mis aux normes malgré les relances du préfet. Une attitude qui a irrité les sénateurs.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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« Ce n’était peut-être pas votre question, oui mais c'est ma réponse ! » La réplique de Georges Marchais était finalement assez adaptée à l’atmosphère de l’audition de la direction française de Lubrizol. En effet, face à la commission d’enquête sénatoriale, mercredi, la directrice générale de Lubrizol France a soigneusement esquivé des questions d’importance au grand dam du président de la commission, Hervé Maurey. Rappelons que la commission sénatoriale a notamment pour mission d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen. Les conclusions du rapport apporteront « deux volets de préconisations : un premier concernant la gestion et la communication de crise, et puis un autre sur le renforcement de la réglementation Seveso », selon la sénatrice Catherine Morin-Desailly.

Lubrizol refuse de détailler son plan d’indemnisation

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Alors que l’usine Lubrizol de Rouen a repris son activité samedi, l’audition laisse des questions en suspens. Interrogée à de nombreuses reprises sur les conditions d’indemnisation, la directrice générale de Lubrizol France, Isabelle Striga, n’a pas apporté de réponses satisfaisantes aux yeux des sénateurs. « S’agissant de quelque chose que notre numéro 1 mondial a décidé de faire proactivement, sans que nous y soyons poussés d’aucune façon, je pense qu’on peut respecter le fait que l’entreprise ne veuille pas tout préciser dans les détails et donner toutes les informations chiffrées », a justifié Isabelle Striga. Une réponse qui a fortement agacé le président de la commission. « C’est un argument que l’on ne peut pas entendre », a-t-il balayé. La directrice générale de Lubrizol France a néanmoins assuré qu’elle leur transmettrait ces informations par écrit.

La question des indemnisations avait largement été abordée lors de précédentes auditions. L’avocat de générations futures regrettait qu’on ait laissé à l’exploitant « la faculté de déterminer les conditions d’indemnisation des victimes » dénonçant ici une faille de notre système juridique. « Il semblerait que les gens qui acceptent des indemnisations s’engagent à renoncer à un recours », s’alarmait, pour sa part, le président de l’association Respire (lire notre article). Se pose aussi la question de l’indemnisation des particuliers pour qui « rien n’est fait », selon le directeur de l’association d’aide aux victimes et d’information sur les problèmes pénaux (Avipp76) (lire notre article).

Des manquements antérieurs à l’incendie avaient été signalés à Lubrizol

Un autre sujet sensible a été évoqué lors de cette audition concernant là des points de non-conformité de l’usine Lubrizol avant l’incendie. « Le préfet de région nous a confirmé dans un courrier très récent, du 17 décembre, que parmi les non-conformités qui ont été relevées dans le rapport d’inspection du 28 octobre 2019, un certain nombre, qui datées d’avant l’incendie, avaient été à plusieurs reprises signalées sans que vous fassiez les diligences nécessaires pour y mettre fin », détaille Hervé Maurey. Des non-conformités qui touchent au plan de défense incendie qui ne prenait pas en compte la présence de récipients mobiles, d’une part. Et d’autre part, l’absence dans le plan de secours interne des actions à mener pour effectuer des prélèvements d’air en cas d’émissions accidentelles. Sur le premier point, Lubrizol avait reçu une lettre de rappel en avril 2018. Une lettre qui visiblement est restée sans effet.

Face aux demandes d’explications du président de la commission d’enquête, Isabelle Striga dit ne pas avoir connaissance de non-conformités antérieures à l’incendie mais seulement « d’un échéancier avec des projets d’amélioration qui était rattaché à l’arrêté de juillet 2019 ». L’information est pourtant publique et avait déjà été publiée par d’autres médias. La réponse de la directrice générale de Lubrizol France, là encore, a désolé Hervé Maurey : « Donc à la question que je pose pour savoir pourquoi deux points n’étaient pas en conformité au moment de l’incendie, vous me répondez qu’aujourd’hui tout est conformité, ce qui n’est pas tout à fait la réponse attendue ».

Cette audition clôt le cycle d’auditions de la commission d’enquête sénatoriale qui remettra son rapport dans les mois à venir.  

 

 

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