La liberté d’expression est un héritage de la Révolution française. Elle est inscrite dans l’article 11 de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Le constitutionnaliste, Jean-Philippe Derosier, « c’est la liberté la plus fondamentale car elle conditionne l’exercice d’autres droits démocratiques. C’est à partir d’une expression libre qu’on aboutit à la fabrication de la loi par le peuple souverain et donc à la démocratie ».
Trois siècles plus tard la liberté d’expression est toujours un droit inaliénable pour chaque citoyen français car la déclaration des Droits de l’Homme de 1789 est inscrite dans le bloc de constitutionnalité. C’est-à-dire qu’elle est située au sommet de la hiérarchie des normes, au même titre que la Constitution du 4 octobre 1958 ou encore la charte de l’Environnement de 2004.
Il est important de rappeler aussi que la liberté d’expression n’est pas une liberté absolue. Comme toute liberté, ses abus peuvent être sanctionnés dans la mesure où elles nuisent à autrui (article 4 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).
« On avait tendance à régler les différends sur le pré »
À la fin du 19e début du 20e siècle, la liberté d’expression était invoquée par les écrivains, les auteurs, les éditeurs… pour se protéger contre la censure de l’État. Aujourd’hui, les supports d’expression se sont démultipliés grâce aux réseaux sociaux et avec eux les abus de l’exercice de cette liberté, comme l’injure ou la diffamation. Ces limites à la liberté d’expression sont fixées dans une loi qui fêtera bientôt ses 140 ans. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi sanctionne les propos écrits ou oraux comme l’injure ou la diffamation tenues dans un cadre public.
« Avant la deuxième guerre mondiale, lorsqu’une injure allait trop loin, on avait tendance à régler les différends sur le pré lors d’un duel. On pouvait d’ailleurs injurier quelqu’un sans recourir à l’insulte, le faire de façon très littéraire sans outrance verbale. À l’image de cette phrase de Clemenceau à la mort de Félix Faure : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui » narre Bruno Fuligni, historien, auteur du « Petit dictionnaire des injures politiques » (ed. L’Éditeur 2011)
Irresponsabilité pénale pour des propos tenus par des parlementaires dans l’hémicycle
Autre principe hérité de la Révolution française, l’article 26 de la Constitution fixe une irresponsabilité pénale pour les propos tenus par un parlementaire dans l’hémicycle. « Pour que les élus n’aient pas peur de parler dans un hémicycle. Il assure la séparation des pouvoirs et la liberté du débat public » explique à publicsenat.fr le constitutionnaliste Benjamin Morel (voir notre article). Des sanctions disciplinaires sont néanmoins prévues dans le règlement des assemblées. Elles sont au nombre de quatre (article 92 du règlement du Sénat) : le rappel à l'ordre, le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, la censure, la censure avec exclusion temporaire.
Suite de notre série, mardi 3 novembre : La liberté d’expression : a-t-on le droit de tout dire ?