La majorité présidentielle tente d’accorder ses violons pour contrer Zemmour

La majorité présidentielle tente d’accorder ses violons pour contrer Zemmour

Après un certain flottement, la République en Marche a défini lundi soir une ligne de conduite face au polémiste d’extrême droite. S’il convient de « ne pas répondre à l’outrance par l’outrance », il faut plutôt aller chercher Eric Zemmour « sur le fond ». Reste que parlementaires et ministres sont encore partagés sur l’attitude à adopter, entre volonté de répondre et peur de lui donner plus de « visibilité ».
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Quelle attitude adopter face au phénomène Zemmour ? La question traverse depuis la rentrée la majorité présidentielle, partagée entre la volonté d’ignorer royalement le quasi candidat, ou celle de répondre frontalement à ses sorties médiatiques. A la sortie de l’été, l’heure était encore à l’observation face à la montée du polémiste d’extrême droite. Les ministres interrogés semblent alors un peu comme le lapin devant les phares d’une voiture. « C’est effrayant » lâche une ministre de poids. « J’ai mal au ventre quand je vois les sujets qu’il lance », dit une secrétaire d’Etat « écœurée ».

Du silence aux réactions indignées

Le silence laisse ensuite la place aux réactions, parfois indignées, jusqu’au tweet de Marlène Schiappa (voir ci-dessous), quand Eric Zemmour pointe une arme sur des journalistes, avec le sourire, lors d’une visite d’un salon sur la sécurité. Mais la ligne reste floue. « La tentation de réagir par Tweet existe, mais ce n’est pas la bonne méthode. On lui donne encore plus d’échos qu’il n’en a », met en garde un député LREM, quand d’autres aimeraient parler d’autres choses. « On ne peut pas sortir une tête sans qu’on nous demande de répondre à sa dernière connerie », s’agace un ministre.

Dans la majorité présidentielle, certains minimisent en se disant qu’il n’est pas une menace directe pour Emmanuel Macron. « Il n’y a pas d’effet sur notre électorat, c’est plus un problème pour les autres », selon un ministre. « Il prend beaucoup à la droite et à l’extrême droite » confirme un autre. Le même ajoute :

Après, c’est peut-être pour me rassurer, mais je ne sais pas comment il tient cinq mois de campagne. (un ministre)

« Les médias ont une responsabilité »

Reste que sa montée dans les sondages a surpris. La faute aux médias, pensent un certain nombre d’élus. « Quand on voit la place qu’on donne à cet homme… C’est sûr que lorsqu’on parle de lui matin, midi et soir, il monte dans les sondages. Les médias ont une responsabilité », lâche un membre du gouvernement, qui pense que « c’est très dangereux ce qui se passe. Et irresponsable ». « Son indice de bruit médiatique est de 910. Pour le Président, c’est 1200. Il a presque le même indice ! » s’indigne François Patriat, patron des sénateurs LREM.

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Qu’il soit aidé par une large couverture des médias – comme Emmanuel Macron en 2017, finalement – ou qu’il réponde à une part de l’électorat, Eric Zemmour est bel et bien installé dans la campagne. C’est un objet politique. « Il y a un plafond, mais sa capacité à influencer le débat est réelle », reconnaît un dirigeant de LREM. Un membre du gouvernement s’étonne de voir que « dans les milieux entrepreneuriaux, ça bruisse un peu, il y a un intérêt ».

« Faire rentrer l’équipe A sur le terrain »

« Il y a un moment, il faudra faire rentrer l’équipe A sur le terrain. On a encore l’équipe B, c’est-à-dire la droite et l’extrême droite, car il est sur leur terrain », expliquait il y a quelque temps un responsable de la majorité. L’équipe A, dans son esprit, ce sont les soutiens d’Emmanuel Macron. Ça tombe bien, l’équipe chargée de la contrattaque se met en place et finalise sa composition. Après un certain flottement depuis la rentrée, La République en Marche a décidé de s’organiser.

Le sujet était au menu de LREM, pas plus tard que lundi soir. « On en a parlé hier au bureau exécutif d’En Marche », nous explique le député LREM Roland Lescure, porte-parole du parti présidentiel. Une ligne a été établie : « Premièrement, on ne répond pas à l’outrance par l’outrance. Deuxièmement, quand un sujet rentre dans l’actualité, on répond sur le fond. Et troisièmement, on répond de manière positive, en mettant en avant tout ce qu’on a fait pour traiter ces sujets ».

« La question, c’est plus comment vous y répondez que de savoir si on y répond »

Pour Sacha Houlié, qui devrait se retrouver à la tête d’une cellule riposte de la majorité, contre l’ensemble des adversaires, selon les informations de France Inter et de RTL, le balai médiatique ne laisse en réalité peu d’alternatives. « Quand vous êtes à l’Assemblée ou au parti, de toute façon, le sujet vient sur les plateaux télé et vous n’avez pas véritablement le choix. La question, c’est plus comment vous y répondez que de savoir si on y répond », soutient Sacha Houlié. Selon le député LREM de la Vienne, « on a intérêt à déconstruire tous les discours des extrêmes droites, et de répondre à Zemmour comme à Le Pen. Il faut montrer l’anti-modèle que ça constitue pour nous, comme sur la question du droit des femmes et des minorités. Sur le régalien, il faut montrer que ses propositions n’ont aucun sens, quand ils disent qu’on va renvoyer tout le monde, ce n’est pas vrai ».

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La riposte passe aussi par les ministères, pour répondre aux propositions des candidats. Précision du côté de Bercy : « Ce ne sont pas les services, ce sont les équipes des ministres qui travaillent. On ne peut pas utiliser les moyens de l’Etat au service d’un parti ou d’une campagne. Ce qui n’empêche pas de faire de la politique ».

L’économie sera un angle d’attaque « encore plus évident ». La riposte de LREM compte s’appuyer sur les déclarations passées, parfois instructives, quitte à aller chercher un peu loin pour débusquer « ce que Zemmour propose en creux, sans l’assumer », explique Sacha Houlié. Exemple : « Le 26 juin 2013, au Echos, en Belgique, Eric Zemmour s’est prononcé pour la sortie de l’Euro, et donc pour la sortie de l’Union européenne. Derrière, ce sont tous les problèmes rencontrés avec le Brexit, les grandes pénuries, etc. On aurait aussi un effondrement de l’épargne des Français ».

« Si on lui répond, on lui donne de la visibilité »

Mais tout le monde est-il bien sur la même longueur d’onde, encore aujourd’hui, dans la réponse à apporter à Eric Zemmour ? Pas certain. « Le mot d’ordre entre nous, c’est de répondre le moins possible », lance François Patriat, qui semble avoir une vision légèrement différente du « burexe », auquel il a participé. « Eric Zemmour fait chaque jour une provocation. Elles vont finir par inquiéter l’opinion, avant de se retourner contre lui. Notre démarche n’est pas de répondre à ses provocations », soutient le président du groupe RDPI (LREM) du Sénat, qui ajoute : « Lui répondre, c’est lui faire beaucoup d’honneur. Eric Zemmour, ce n’est pas la faute des journalistes, mais c’est quand même un produit médiatique. Lui donner plus d’audience qu’il n’en a, n’est pas souhaitable politiquement, ni pour des raisons de salubrité publique ».

François Patriat continue : « Eric Zemmour est manifestement raciste, conservateur, il défend une ligne qui est celle de l’extrême droite et on n’a pas à répondre tous les jours à ses provocations. Si on lui répond, on lui donne de la visibilité ».

« J’ai plutôt tendance à penser qu’il ne faut rien dire » (un ministre)

Au gouvernement, encore aujourd’hui, certains prônent carrément l’abstinence. « J’ai plutôt tendance à penser qu’il ne faut rien dire », soutient un ministre, afin de « ne pas donner à Zemmour plus de visibilité qu’il ne devrait avoir ». D’autant que « ses outrances en amèneront d’autres ». Le même ajoute : « L’indignation et la riposte ont montré systématiquement que ça ne marchait pas ».

« J’entends cette question, c’est pourquoi il faut choisir sur quoi on lui répond », soutient Sacha Houlié. Un point semble assez partagé : attaquer Eric Zemmour sur le thème de la « peste brune » n’est pas le meilleur angle. « La dévalorisation morale, pour autant qu’elle soit vraie, ne fonctionne pas », confirme le député de la Vienne. Le même constat a souvent été fait pour Marine Le Pen. Dans une Macronie où beaucoup tourne autour du chef de l’Etat, un ministre mise avant tout sur Emmanuel Macron, pour être in fine la meilleure arme contre Zemmour : « Ce que fait le Président, d’être très en mouvement, est la bonne solution ». Autrement dit, jouer son jeu plutôt que réagir à celui de l’adversaire.

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