« La réponse à la crise de l’hôpital n’est pas à la hauteur », selon la droite sénatoriale

« La réponse à la crise de l’hôpital n’est pas à la hauteur », selon la droite sénatoriale

Les annonces du gouvernement pour l’hôpital sont jugées insuffisantes par une majorité de groupes au Sénat. Elles sont débattues ce week-end à travers la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.
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Après une première lecture chaotique et abrégée, mi-novembre, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dépassé par les annonces de l’exécutif pour le système de santé (relire notre article), le Sénat se remet à l’ouvrage en examinant ce 30 novembre le texte en nouvelle lecture. Il comporte cette fois une partie des mesures du plan pour l’hôpital, annoncées par le Premier ministre après des mois de mobilisation des personnels soignants. Le mouvement social se poursuit d’ailleurs aujourd’hui encore dans de nombreux établissements.

Le plan a été accueilli avec déception de la part d’une majorité de sénateurs. Pour le président (LR) de la commission des Affaires sociales, Alain Milon, ce PLFSS « laisse un goût d’inachevé au regard des enjeux inédits auquel fait face notre système de santé » (voir la vidéo en tête de l'article). Pour lui, « la réponse à la crise de l’hôpital n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Depuis six mois, que fait le gouvernement ? Il va de plan d’urgence en plan d’urgence […] Tout le système craque, il faut réarmer l’hôpital. Le gouvernement ne fait pas complètement ce choix ».

La droite votera contre la revalorisation « sous-dimensionnée » du budget pour les dépenses de santé

La rallonge budgétaire de 300 millions d’euros accordée par le gouvernement au système de santé, par rapport au texte initial, est jugée insuffisante sur de nombreux bancs de l’hémicycle. La droite, premier groupe au Sénat, s’opposera au niveau de l’Ondam, l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), inscrit dans le projet de loi, qu'il considère « sous-dimensionné par rapport aux besoins de l’hôpital ». Le groupe LR sera rejoint sur ce point par la gauche. Le socialiste Yves Daudigny n’a relevé « aucun rattrapage des tours de vis répétés depuis tant d’années », quand la communiste Michelle Gréaume a dénoncé un PLFSS « en dehors de la vraie vie ».

Seuls les groupes Union centriste, et la République en marche, et Les Indépendants (bienveillants à l’égard du gouvernement), devraient, à ce stade, accepter la revalorisation de l’Ondam proposée par le gouvernement et adoptée par l’Assemblée nationale. « Aucun autre budget public n'affiche une telle augmentation [...] Gardons ces chiffres en tête quand certains d'entre nous parlent de miettes », a fait savoir le rapporteur général du PLFSS, le sénateur (Modem), Jean-Marie Vanlerenberghe, rappelant que le financement de la Sécurité sociale augmenterait l’an prochain de 5,2 milliards par rapport à 2019.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a souligné lors de la discussion générale que le gouvernement avait entendu le message de la mobilisation du 14 novembre. « Elle a montré l’épuisement voire la colère des personnels soignants comme non soignants. » La ministre a insisté sur le besoin de « réinvestir » l’hôpital public, en lui donnant des « moyens nouveaux » et en rétablissant « dialogue et souplesse » dans sa gestion au quotidien. 1,5 milliard d’euros supplémentaires, au total, seront mobilisés d’ici la fin du quinquennat.

Agnès Buzyn défend le plan du gouvernement pour l'hôpital
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Prime pour les infirmiers franciliens : les sénateurs reprochent au gouvernement d’ « opposer les territoires »

L’annonce de la prime annuelle de 800 euros net pour 40.000 infirmiers et aides-soignants de la région parisienne n’est pas intégrée dans ce projet de loi – elle ne nécessitera qu’un décret du gouvernement – mais sa limitation à Paris et la petite couronne a suscité la réprobation d’une très grande partie du Sénat. « Les professionnels attentaient un plan de sauvetage. Les revalorisations se sont transformées en primes ponctuelles, soumises à condition […] Opposer les territoires n’est pas une bonne politique », a déploré le sénateur LR Alain Milon. La sénatrice (Mouvement radical) Véronique Guillotin a déploré une prime « inéquitable ». « Une manœuvre grossière pour affaiblir la mobilisation en cherchant à opposer les personnels entre eux », s’est écriée Laurence Cohen.

Par rapport à la première lecture, deux lignes rouges subsistent. Le Sénat entend batailler sur deux dispositions majeures, qui font presque l’unanimité contre elles. La plupart des groupes – notamment la majorité de droite et du centre – reviendra une nouvelle fois sur la sous-revalorisation des prestations sociales. La progression du montant des allocations familiales, comme des pensions de retraite (à l’exception des plus modestes), est en effet limitée à 0,3%, un niveau inférieur à l'inflation. Pour Alain Milon, il s’agit « d’économies faites sur le dos des familles et des retraités ».

Non-compensations de l’État au budget de la Sécu : le gouvernement s’engage à ne pas les reproduire en 2021 et 2022

Aux articles 3 et 7, les sénateurs ont supprimé une nouvelle fois les mesures de non-compensation des mesures d’urgence économiques et sociales, décidées fin 2018. Ces exonérations de charges se traduisent par des pertes de recettes pour la Sécurité sociale, que l’État a choisi de pas contrebalancer. « On ne saurait demander à la Sécurité sociale de financer toujours plus de dépenses de nature assurantielle tout en les privant des ressources, au nom de politiques gouvernementales d'augmentation de pouvoir d'achat », s’est indigné le rapporteur général centriste Jean-Marie Vanlerenberghe.

Le gouvernement s’est montré inflexible. L’Assemblée nationale devrait revenir une fois de plus sur ce vote du Sénat au terme de la navette parlementaire. « Nous savons l’opposition renouvelée du Sénat. Le gouvernement reste sur la position qui est la sienne », a précisé Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics. Le ministre de Bercy a d’ailleurs souligné que le plan pour l’hôpital ne remettait pas en cause « fondamentalement » les équilibres financiers du PLFSS.

Oliver Dussopt : sur la non-compensation, "le gouvernement reste sur la position qui est la sienne"
01:04

Citant un courrier du Premier ministre, le rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe a déclaré avoir « l’assurance » du gouvernement qu’ « aucun autre transfert ou non-compensation » ne sont envisagés pour 2021 ou 2022. « Nous ne l’oublions pas », a-t-il prévenu.

Jean-Marie Vanlerenberghe : "Edouard Philippe nous donne l’assurance qu’aucun autre transfert ou non compensation ne sont envisagés pour 2021 et 2022"
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