La réserve, une pratique longtemps opaque, devenue transparente mais toujours contestée

La réserve, une pratique longtemps opaque, devenue transparente mais toujours contestée

La suppression de la réserve parlementaire, enveloppe que députés et sénateurs distribuent aux communes et associations de leur...
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Par Fabrice RANDOUX

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La suppression de la réserve parlementaire, enveloppe que députés et sénateurs distribuent aux communes et associations de leur choix, est la pierre d'achoppement du projet de loi sur la confiance dans la vie publique, nombre de députés sur tous les bancs s'y opposant.

Le débat dans l'hémicycle devrait avoir lieu vendredi.

UNE PRATIQUE ANCIENNE

La "réserve parlementaire" est une pratique née en 1973 à l'Assemblée et en 1989 au Sénat.

C'est une enveloppe, négociée avec le gouvernement lors de l’examen du budget, pour permettre aux députés et sénateurs de financer divers projets d’intérêt local ou associatifs, de la rénovation d'une église à un club sportif. Les crédits sont versés par les ministères aux projets retenus par les parlementaires.

En 2016, la réserve s'est montée à 81 millions d’euros pour l’Assemblée et à 53 millions pour le Sénat.

OPAQUE JUSQUE 2012

Dans son "Manuel de survie à l'Assemblée nationale", l'ex-député PS Jean-Jacques Urvoas écrivait que "la réserve était le plus grand tabou à l’Assemblée", sa répartition entre députés relevant du "secret défense".

Ignorée de nombreux députés ou sénateurs, sa mise en œuvre était centralisée par les présidents et rapporteurs généraux des deux commissions des Finances, sans aucune règle.

Lorsqu'une association a obtenu en justice la publication de la réserve de 2011, on a ainsi découvert que le président de l'Assemblée Bernard Accoyer (LR) avait eu droit à près de 12 millions d'euros, celui de la commission des Finances Gilles Carrez (LR) à 3,8 millions et l'écologiste Yves Cochet à... 3.000 euros.

Aucune information ne filtrait non plus quant à l’utilisation des crédits par les parlementaires, certains ayant tendance à privilégier leur propre commune ou des associations de proches.

AUJOURD'HUI TRANSPARENTE

Sous l'impulsion de Claude Bartolone et sur fond de critiques sur l'opacité, l'Assemblée a mis en ligne, depuis la réserve de 2013, un tableau retraçant son utilisation avec le nom du bénéficiaire, le montant de la subvention, le nom du député étant intervenu.

La réserve a été répartie équitablement entre majorité et opposition. Chaque député dispose de 130.000 euros en moyenne. Les membres du bureau de l'Assemblée disposent de 140.000 euros, les vice-présidents, questeurs, présidents de groupe et de commission de 260.000 euros, le président de l’Assemblée de 520.000 euros.

QUI A SES DETRACTEURS

En dépit de la transparence, les critiques restent vives sur le risque de "clientélisme".

En 2014, La Cour des Comptes avait aussi épinglé la "gestion coûteuse" d'un "dispositif peu performant".

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, justifie sa suppression par le fait "que la Constitution ne prévoit pas que les parlementaires puissent disposer d’une dotation budgétaire" et qu'ils "ne sont pas des élus de leur circonscription mais ceux de la Nation".

ET SES PARTISANS

De nombreux élus voient la réserve comme un moyen d'exister dans leur circonscription, surtout après la fin du cumul des mandats.

Supprimer la réserve, "c'est s'en prendre à l'ancrage du député", argumente le président du groupe LR Christian Jacob. Pour Philippe Gosselin (LR), "c'est un coup de pouce qui donne de l’oxygène aux communes, pas du clientélisme".

Les socialistes souhaitent également son maintien avec la participation de "collectifs citoyens" dans la répartition des sommes aux associations, comme le font déjà certains d'entre eux.

Même dans la majorité (REM - Modem), qui a voté sa suppression en commission, le débat n'est pas clos. Certains nouveaux élus, ayant exercé des fonctions locales, semblent sensibles à l'argument de soutien aux communes.

Le Sénat, qui a examiné le texte avant l'Assemblée, a prévu en remplacement une dotation de soutien à l'investissement des communes. Le gouvernement a dit réfléchir à redéployer les crédits vers les collectivités, sans être plus précis.

ET LA RESERVE MINISTERIELLE ?

Face à des tirs croisés des oppositions, Mme Belloubet s'est dite favorable à la demande des députés de supprimer en parallèle la "réserve ministérielle", gérée par le ministère de l'Intérieur. L'exécutif finançait ainsi, de manière discrétionnaire, des projets dans des circonscriptions d'élus généralement de sa majorité. De 19 millions d'euros à 2013, elle a été ramenée à 5 millions en 2017.

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