Laïcité en entreprise : la délicate équation
Invité de l’émission « On Va plus loin », Denis Maillard, spécialiste des mutations du travail, analyse le fait religieux au sein de l’entreprise.

Laïcité en entreprise : la délicate équation

Invité de l’émission « On Va plus loin », Denis Maillard, spécialiste des mutations du travail, analyse le fait religieux au sein de l’entreprise.
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Comment gérer les questions liées à la religion au sein des entreprises privées ? Et quelle est la place à donner à la religion en entreprise, lorsque l’on est dans le privé ?

Denis Maillard, spécialiste des mutations du travail, dans un cabinet de conseil spécialisé, s’est penché sur ces questions, dans son livre « Quand la religion s’invite dans l’entreprise », (éditions Fayard). Sur le plateau de l’émission « On va plus loin », il déroule son raisonnement : « Il y a un siècle, on était dans une situation où la religion était plutôt le fait de l’employeur, des patrons. Et le mouvement syndical, ouvrier se battait pour décrocher les crucifix dans les ateliers, dans les usines. Aujourd’hui, la chose revient, mais du point de vue des salariés. [Ils] cherchent à exprimer leur identité (…) Pour les personnes dont l’identité est religieuse, elles demandent à ce qu’elle soit respectée. Et c’est vrai que le Code du travail leur permet d’exprimer ça. »

Denis Maillard explique qu’il y a trois types de situations où « la religion s’invite dans l’entreprise » : les situations autour de l’organisation du travail, comme par exemple « des aménagements d’horaire, des demandes de jours fériés particuliers » ; des situations autour de la vie collective (« par exemple des salles de prières ») et des cas que Denis Maillard considère comme « plus problématiques », qui sont de trois ordres : « le rapport entre les sexes (…), la question du refus d’exécuter certaines tâches, (…) et les signes religieux » égrène-t-il.  

Le spécialiste des mutations du travail voit dans cette évolution du rapport à la religion dans l’entreprise, non pas une revendication politique mais  une revendication  « personnelle », « identitaire » : « Le fait religieux au travail est en fait le révélateur des transformations du travail et des transformations de l’individu au travail. Ça fait 40 ans que l’on demande aux salariés : « Venez comme vous êtes, investissez-vous subjectivement dans votre travail ». Et bien les personnes pour qui leur identité est religieuse, ces personnes-là demandent à ce qu’elles soient reconnues. » Denis Maillard parle de « rigidité identitaire » : « Le problème se pose quand le salarié ne veut pas être dans une négociation de son identité, en rabattre un peu sur son identité. C’est non négociable. »

Et si Denis Maillard rappelle que l’entreprise « n’est pas un lieu laïc», il considère que le Président de la République, qui va dans ce sens, et qui a préféré ne pas faire de discours sur la laïcité comme prévu, fait « une double erreur »: «  Si on s’en tient à ce qu’Emmanuel Macron aurait dit devant les représentants du culte au mois de décembre, notamment cette phrase : « La République est laïque mais la société est libre » (…), il fait une erreur sociologique. La société civile est travaillée par, ce que moi j’appelle, la « laïcité dans les têtes » (…) cette manière que l’on a de vivre les uns avec les autres (…) où notre identité est mise de côté. On ne fait pas trop subir aux autres nos convictions (…). La deuxième erreur est une erreur politique. C’est de ne pas voir que les questions autour de la religion ne sont plus dans la sphère politique (…) mais au contraire sont aujourd’hui dans la sphère civile et c’est ça qui pose problème. »

 

Pour voir l'entretien de Denis Maillard, en intégralité :

Laïcité en entreprise : interview de Denis Maillard (en intégralité)
08:37

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