Le Conseil d’Etat valide l’expulsion de l’imam Iquioussen : « Satisfaction » au Sénat
Le ministre de l’Intérieur a obtenu l’annulation de la suspension de l’expulsion du territoire de l’imam Hassan Iquioussen, accusé de propos antisémites et misogynes, désavouant une décision du tribunal administratif. Plusieurs sénatrices approuvent cette conclusion. Toutefois, Hassan Iquioussen, en fuite, n’a pas été retrouvé pour le moment.

Le Conseil d’Etat valide l’expulsion de l’imam Iquioussen : « Satisfaction » au Sénat

Le ministre de l’Intérieur a obtenu l’annulation de la suspension de l’expulsion du territoire de l’imam Hassan Iquioussen, accusé de propos antisémites et misogynes, désavouant une décision du tribunal administratif. Plusieurs sénatrices approuvent cette conclusion. Toutefois, Hassan Iquioussen, en fuite, n’a pas été retrouvé pour le moment.
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Par Clara Robert-Motta

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« C’est une grande victoire pour la République. », a tweeté Gérald Darmanin, ce mardi 30 août. Quelques heures plus tôt, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris qui suspendait l’expulsion d’Hassan Iquioussen, prédicateur musulman, vers le Maroc. Saisie directement par le ministre de l’Intérieur, la haute juridiction administrative a estimé que ses « propos antisémites, tenus depuis plusieurs années […] ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion ».

» Lire aussi : Pourquoi l’expulsion de l’imam Iquioussen a été suspendue ?

Dans sa décision, le Conseil d’Etat estime que son expulsion ne portera pas une « atteinte grave et manifestement illégale à [sa] vie privée et familiale ». C’est pourtant ce fondement qui était soutenu par la défense de l’imam Iquioussen, 58 ans, né en France (mais ayant gardé sa nationalité marocaine à sa majorité), cinq enfants et quinze petits-enfants. Ses enfants étant majeurs, et sa femme, marocaine elle aussi, le Conseil d’Etat a jugé que le respect de sa vie privée en France ne pouvait constituer un obstacle à son expulsion.

« Nous ne pouvons qu’être satisfaits de cette décision juste et équilibrée, commente Nathalie Delattre, sénatrice RDSE. Par cette conclusion, le Conseil d’Etat reconnaît que cet individu est une menace pour la stabilité de la République. » Le Conseil d’Etat a retenu les propos antisémites et misogynes comme les principaux motifs d’expulsion mais a réfuté les motifs présentés par le ministre de la remise en cause supposée des attentats terroristes de 2015 par l’imam Iquioussen.

Dans plusieurs vidéos sur sa très populaire chaîne Youtube (178 000 abonnés), l’imam Hassan Iquioussen a tenté de répondre point par point à ce qui lui était reproché. Il dénonce une « malhonnêteté intellectuelle », des « phrases prises hors du contexte » et des « fake news ».

Une expulsion compromise et dénoncée par les élus

Alors que le Maroc avait délivré dès juillet un laissez-passer consulaire permettant l’expulsion « manu militari » de l’imam, Gérald Darmanin assurait que « dès que les policiers ou les gendarmes l’auront interpellé, il sera exclu du territoire national sans possibilité d’y revenir ». Pour autant, cette expulsion promise risque d’être retardée. Tout d’abord, le Maroc aurait suspendu le laissez-passer consulaire délivré le 1er août, selon une information d’Europe 1. En outre, Hassan Iquioussen est introuvable.

L’imam Hassan Iquioussen n’a pas été retrouvé à son domicile lors de la visite des forces de l’ordre le 30 août après la décision du Conseil d’Etat. Le préfet des Hauts-de-France privilégie une fuite en Belgique. « On se demande comment on a pu le perdre de vue, interroge la sénatrice LR, Muriel Jourda. Peut-être n’a-t-il pas fait l’objet d’une surveillance assez poussée ? » Considéré comme en fuite, il est inscrit au Fichier des personnes recherchées (FPR) – il est fiché S depuis 18 mois a révélé le ministre de l’Intérieur au début du mois d’août.

« C’est un sujet trop grave pour qu’il soit instrumentalisé, dénonce-t-elle. Ce genre de mascarade peut radicaliser d’autant plus ceux qui étaient sur la crête. »

Dominique Vérien, sénatrice centriste

Pour Nathalie Delattre, il est souhaitable qu’un ministre de l’Intérieur s’exprime et s’empare du sujet. « Nous avons souffert de ce manque de courage politique. » A l’opposé la sénatrice, Dominique Vérien, s’interroge sur les raisons de cette « mise en scène » par le ministre de l’Intérieur. « C’est un sujet trop grave pour qu’il soit instrumentalisé, dénonce-t-elle. Ce genre de mascarade peut radicaliser d’autant plus ceux qui étaient sur la crête. » Pour la sénatrice centriste, pas besoin « d’hystériser » la vie politique. Dominique Vérien pose également la question du maintien des vidéos du prédicateur musulman sur les réseaux sociaux : une mesure moins « médiatique » mais peut-être aussi efficace selon elle.

D’autant que depuis les révélations de Mediapart, le ministre de l’Intérieur fait l’objet de critiques. En 2014, Hassan Iquioussen et Gérald Darmanin participaient à un dîner à Tourcoing. Alors député, l’élu UMP briguait la mairie et tentait de se faire bien voir de la communauté musulmane locale. « On peut regretter qu’il ait eu ces positions électoralistes en 2014, même si ce n’est pas le seul, reconnaît Muriel Jourda. Je préfère sa position actuelle de ministre de l’Intérieur, il est dans son rôle aujourd’hui. »

Darmanin avait annoncé que si le Conseil d’Etat n’allait pas dans son sens, il proposerait des modifications de la loi. Les avis des sénatrices divergent sur ce point. Pour Muriel Jourda du groupe des Républicains, la décision concernant l’imam Iquioussen montre « de facto » que les lois ont été suffisantes, mais Nathalie Delattre, sénatrice RDSE, s’inquiète de la largesse d’interprétation des juges. « Les décisions inverses sur ce dossier montrent que les interprétations peuvent être très différentes sur la balance entre vie privée de l’individu et sécurité de la République. » La sénatrice centriste Dominique Vérien estime, quant à elle, que les lois sont déjà « assez sévères, il faut simplement les appliquer ». Toutes les trois engagent, en tout cas, à « s’occuper » d’autres « cas » qu’elles estiment problématiques.

Pas de condamnation pénale

A gauche, les propos de l’imam sont majoritairement condamnés mais son expulsion est dénoncée. A l’image du député LFI, Louis Boyard sur Twitter. « Les propos de Iquioussen sont antisémites et homophobes. Il vit en France et doit donc être jugé en France. Expulser une personne sans jugement au motif qu’elle n’ait pas la nationalité c’est bafouer les droits humains. Comme tout le monde il a le droit à un procès équitable. » L’imam Hassan Iquioussen n’a, en effet, jamais été condamné pour des propos antisémites, homophobes ou misogynes.

Malgré des menaces de mort à son encontre (elle a porté plainte contre X), l’avocate d’Hassan Iquioussen, Lucie Simon, a assuré que le combat continuait. Le tribunal administratif dont la décision en référé a été annulée va être amené à se prononcer sur le fond dans les mois à venir. Maître Lucie Simon a également ouvert la porte à une nouvelle saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme, bien que la CEDH eût refusé de suspendre l’expulsion début août considérant qu’elle n’accordait des mesures provisoires de suspension « qu’à titre exceptionnel », lorsque le requérant était exposé à un « risque réel de dommages irréparables ».

La ligue des droits de l’Homme qui s’était porté intervenant volontaire dans ce dossier a regretté, sur Twitter, la décision du Conseil d’Etat « en ce qu’elle s’écarte de la stricte application des principes intangibles du droit et ouvre ainsi la voie à une extension du champ d’application des expulsions au détriment des droits fondamentaux ». La LDH avait précédemment fustigé une « instrumentalisation politico-médiatique du droit » pour « le bon plaisir d’un ministre qui, une fois de plus, donne des gages à l’extrême droite ».

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