Le délit d’entrave à l’IVG sur internet adopté au Parlement

Le délit d’entrave à l’IVG sur internet adopté au Parlement

Après trois mois de débats houleux dans et hors de l'hémicycle rappelant ceux de la bataille du "mariage pour tous", le Parlement...
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Par Fabrice RANDOUX

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Après trois mois de débats houleux dans et hors de l'hémicycle rappelant ceux de la bataille du "mariage pour tous", le Parlement a adopté définitivement jeudi la proposition de loi socialiste visant à pénaliser les sites de "désinformation" sur l'IVG.

Ce texte, adopté par un vote à main levée à l'Assemblée, prévoit d'étendre au numérique le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, créé en 1993 et sanctionné par une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Tous les groupes de gauche et une majorité de l'UDI ont voté pour alors que Les Républicains ont voté contre "une atteinte à la liberté d'expression".

Conçu initialement pour les "commandos" qui venaient perturber les établissements pratiquant l'avortement ou menacer les personnels, le délit d'entrave s'appliquera aussi avec ce texte aux informations destinées "à induire intentionnellement en erreur" les femmes s'informant sur l'IVG "dans un but dissuasif".

Quarante ans après la loi Veil, "les adversaires du contrôle des naissances avancent masqués, dissimulés derrière des plateformes qui imitent les sites institutionnels ou des numéros verts d’apparence officielle", a dit la ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol.

"La toile est aujourd’hui la première source d’informations de santé pour les 15-30 ans" et donc "souvent le premier recours des femmes confrontées à une grossesse non désirée", a-t-elle affirmé. Le nombre d'IVG en France est d'un peu plus de 200.000 par an, avec un taux de recours stable depuis 2006.

Les militants anti-IVG "resteront libres d’exprimer leur hostilité à l'avortement. A condition de dire sincèrement qui ils sont, ce qu’ils font et ce qu’ils veulent", a-t-elle assuré.

"La liberté d'expression, ce n'est pas la liberté de tromper les personnes, la liberté de manipuler", a renchéri l'UDI Philippe Vigier.

Au contraire, pour l'orateur des Républicains Christian Kert, cette loi menace "la liberté de pensée". "Ce texte sera sans aucun doute censuré par le Conseil constitutionnel", a-t-il dit même s'il a assuré que son groupe ne souhaitait "pas permettre aux anti-IVG de marquer des points".

- "A droite, que des hommes!" -

Cette dernière lecture a conclu trois mois de débats houleux dans l'hémicycle où la droite, représentée notamment par plusieurs membres de l'Entente parlementaire pour la famille, a un peu rejoué la bataille du mariage homosexuel du début de quinquennat.

Le député LR Philippe Gosselin avait dénoncé "une vérité d'Etat sur l'IVG" et certains d'entre eux avaient relayé la position des évêques de France dont le président Mgr Georges Pontier avait écrit à François Hollande pour qu'il fasse échec au texte.

La gauche n'avait pas manqué de pointer l'absence de femmes à droite pour parler de l'avortement. "Vous avez rassemblé douze hommes pour parler de l'utérus des femmes", leur avait répliqué Mme Rossignol. Une remarque réitérée jeudi par Catherine Lemorton (PS): "à droite, que des hommes!".

A l'extrême droite, Jacques Bompard avait dénoncé "une promotion de la culture de la mort" et Marion Maréchal-Le Pen (FN) "un texte délirant".

Le débat s'était déroulé en parallèle sur internet, avec des rafales de tweets des opposants à l'avortement. Plus de 10.000 d'entre eux avaient aussi manifesté fin janvier à Paris.

La Fondation Lejeune a dénoncé jeudi "une loi liberticide" alors qu'Alliance VITA veut déposer une requête devant le tribunal administratif contre le ministère de la Santé concernant le site officiel dévolu à l'IVG.

"Tout au long du débat, la droite conservatrice et l’extrême-droite se sont alliées avec des arguments qui rappelaient les pires attaques proférées il y a quarante ans contre Simone Veil. L’influence du lobby intégriste dans la campagne du candidat Fillon n’y est sans doute pas étrangère", a déclaré le président du groupe PS Olivier Faure.

La présidente de la délégation aux droits des femmes Catherine Coutelle (PS) s'est réjouie des "avancées nombreuses" du quinquennat "pour la cause des femmes" en citant la promotion de l'égalité professionnelle, la loi sur la pénalisation des clients de prostituées ou encore la lutte contre le harcèlement sexuel.

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