Le grand débat, simple parenthèse pour Macron ?

Le grand débat, simple parenthèse pour Macron ?

Accusés d'incompétence et d'impuissance, Emmanuel Macron et son gouvernement sont confrontés au risque de voir le bénéfice...
Public Sénat

Par Laurence BENHAMOU

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Accusés d'incompétence et d'impuissance, Emmanuel Macron et son gouvernement sont confrontés au risque de voir le bénéfice politique du grand débat balayé par les nouvelles scènes de saccages observées samedi à Paris.

"Nous ne sommes pas encore revenus à la situation de décembre. Mais symboliquement samedi, entre les violences et le retour précipité du ski, c'est pour Emmanuel Macron un retour au réel très brutal", analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop. "C'est très révélateur. Comme en décembre, l'exécutif subit les événements. Cela montre un défaut d'anticipation et une sous-évaluation du degré de tensions", ajoute-t-il.

"En partant en week-end au ski, Emmanuel Macron a réédite l'erreur de Buenos Aires lors des émeutes du 1er décembre, en donnant à nouveau le sentiment que Paris était livré aux +gilets jaunes+. D'où le succès viral du montage photo où, sur un télésiège avec son épouse -- des images datant en réalité de 2017 -- , il survole les +gilets jaunes+ sur les Champs", renchérit le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

"D'autres décisions ces derniers jours montrent un retour à un certain amateurisme et un manque d'anticipation, souligne Jérôme Fourquet. Ainsi, pour répondre à la marche des lycéens sur le climat, Jean-Michel Blanquer organise en urgence des débats sur l'écologie dans les établissements, mal préparés et qui partent en quenouille. Le gouvernement envoie ses deux ministres les plus jeunes dans la manifestation sur le climat, comme pour dire +nous sommes avec vous+. C'est aussi le cas de la déclaration de candidature de Nathalie Loiseau, tombée comme un cheveu sur la soupe pendant son débat avec Marine Le Pen. Sans oublier les photos de Christophe Castaner en boite de nuit."

Tous les analystes estiment que l'effet du grand débat, lancé le 15 janvier pour répondre à la crise des "gilets jaunes", a été largement gommé, preuve qu'il n'a fait que repousser les problèmes.

- "Procès en incompétence" -

"Les images de samedi mettent à mal le début d'apaisement que le grand débat semblait avoir réussi à installer", a résumé Bernard Sananes, président de l'institut Elabe.

"Le grand débat a fait baisser la température. Il a aussi permis à Emmanuel Macron de gagner du temps et reprendre la main et à des centaines de milliers de Français de s'exprimer. La vie politique s'est de nouveau organisée autour de l'agenda présidentiel. Tout cela n'est pas perdu. Mais la parenthèse grand débat se referme", avertit Jérôme Fourquet.

Comment sortir de cette parenthèse ? "Les réponses à apporter comportent un risque de déception, surtout si les préoccupations se cristallisent sur la fiscalité et l'environnement. Les fractures existantes restent. Et la remontée du chef de l'Etat dans les sondages ces dernières semaines n'a pas été spectaculaire. Il n'a fait que retrouver son niveau octobre, déjà très bas", poursuit-il.

"Les images de ce week-end ne profitent ni aux gilets jaunes ni à Emmanuel Macron, mais créent un terrain favorable pour les populistes et le Rassemblement national", conclut M. Moreau-Chevrolet. L'analyste juge contre-productif d'avoir voulu encadrer le grand débat en évinçant certains sujets. Selon lui, "il a manqué un dialogue entre le président de la République et les +gilets jaunes+".

M. Macron a été interpellé à plusieurs reprises par des "gilets jaunes" dans le cadre des ses interventions lors des deux derniers mois mais la plupart ont été tenus écartés des débats marathon du chef de l'Etat.

"Ce week-end donne l'impression non seulement qu'il n'y a pas d'issue politique mais crée aussi des doutes sur la capacité de l'exécutif à maintenir l'ordre public et des critiques sur la gestion policière. C'est un procès en incompétence et en impuissance", tranche-t-il.

Dans la même thématique

Blois: Olivier Faure arrives at PS summer universities
7min

Politique

Après la nomination de Michel Barnier, les secousses continuent au PS

Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.

Le

Paris : Michel Barnier a l hopital Necker
12min

Politique

Quels ministres au gouvernement ? Michel Barnier face au « casse-tête » des nominations

Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.

Le

14th day of action against pension reform
5min

Politique

Réforme des retraites : face aux demandes d’abrogation, Michel Barnier joue la carte de l’« amélioration »

Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

Le

Paris: Passation Gabriel Attal et nouveau Premier Ministre Michel Barnier
4min

Politique

Après une journée de flottement, Michel Barnier finalement présent aux journées parlementaires d’Horizons et d’Ensemble pour la République

Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.

Le