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Le jour où le Sénat a aboli la peine de mort (2/3) : comment le discours de Badinter a retourné la haute assemblée

Le 30 septembre 1981, le Sénat adopte l’abolition de la peine de mort en première lecture. La suppression de la peine capitale reste encore aujourd’hui un héritage emblématique de la présidence de François Mitterrand et une victoire majeure pour son ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter. Mais le Sénat, alors à droite, penchait plutôt vers une abolition limitée de la peine de mort. Dans « Il était une loi », l’ancien sénateur Roland du Luart raconte « l’ambiance électrique » qui secouait la haute assemblée.
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Par Aurélien Tillier

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Quand le projet de loi abolissant la peine de mort arrive au Sénat en septembre 1981, après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, son destin est incertain. La chambre haute du Parlement, dont la majorité était alors à droite, risquait en effet de le rejeter, entamant ainsi un long processus législatif d’allers-retours avec l’Assemblée nationale, ce qui aurait fait traîner le débat.

Des sénateurs divisés sur la question

Roland du Luart, alors jeune sénateur de la Sarthe, se souvient d’une « ambiance électrique et assez insaisissable ». Tout comme l’opinion publique, fracturée sur la question de la peine de mort, de nombreux sénateurs s’opposaient à ce projet de loi ou souhaitaient, au moins, l’encadrer : « une grande partie de l’assemblée était d’accord sur le fond, mais voulait préserver de l’abolition les crimes sur enfants et les crimes de nature atroce », explique Roland du Luart.

« Le talent oratoire de Robert Badinter a été déterminant »

Le sénateur radical Edgar Faure, ancien chef de gouvernement sous la IVe République, avait déposé un amendement en ce sens. Pour les abolitionnistes, cet amendement était dangereux car le caractère « atroce » de certains crimes, laissé à la discrétion des juges, était très flou et pouvait donc concerner un grand nombre d’affaires. Il revenait donc à conserver la peine de mort dans le Code pénal.
C’était sans compter le « talent oratoire de Robert Badinter », qui a convaincu les sénateurs réticents. Roland du Luart, qui soutenait l’amendement d’Edgar Faure, confie d’ailleurs avoir lui-même été emporté par le verbe du garde des Sceaux, qui fit de la peine de mort un « problème de conscience, et seulement cela », et de son abolition « le début nécessaire d’une nouvelle justice ». « Quand il a parlé, les gens ont posé leur crayon et ont écouté presque religieusement », raconte Roland du Luart. « Au fur et à mesure, ceux qui étaient partisans d’une abolition limitée ont été retournés par son pouvoir de conviction ». L’amendement de Faure fut rejeté et le projet de loi de Robert Badinter adopté : la peine de mort était enfin abolie en France.Regardez l’émission Il était une loi - quand le Sénat écrit l’histoire consacrée à la loi abolissant la peine de mort.

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