Les républicains se déchirent au Congrès américain : « Cela illustre l’éclatement du parti »

Les républicains se déchirent au Congrès américain : « Cela illustre l’éclatement du parti »

Par trois fois, la Chambre des représentants, dominée par les républicains, a échoué mardi à élire son « speaker ». Le candidat favori, Kevin McCarthy, subit la fronde d’une vingtaine d’élus trumpistes, qui lui reprochent d’être trop modéré. Une illustration des divisions au sein du Parti républicain, selon Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Pour la première fois en cent ans, la Chambre des représentants a échoué à plusieurs reprises à élire un président. Quelle analyse faites-vous de la situation ?

Cela illustre l’éclatement du Parti républicain. Certes, les républicains ont remporté la Chambre des représentants lors du scrutin de novembre, mais les résultats ont été beaucoup plus serrés que ce qu’ils espéraient. Sur le papier, ils sont majoritaires par 4 voix d’avance, mais en réalité la désorientation de certains membres du parti fait qu’il n’y a pas de majorité républicaine claire. Le parti est aujourd’hui trop divisé et ne parvient plus à défendre l’intérêt général.

Quel est le rôle du speaker dans la démocratie américaine ?

Il s’agit d’une fonction très puissante, puisque c’est le troisième personnage de l’Etat. Si Joe Biden meurt ou qu’il ne peut plus exercer ses fonctions, et si Kamala Harris, la vice-présidente, est également empêchée, le speaker devient président des Etats-Unis.

Au quotidien, le speaker détermine l’agenda de la Chambre, décide sur quoi on vote et sur quoi on ne vote pas, organise le travail des commissions, rassemble les votes de son parti et fixe la ligne à adopter face à la Maison-Blanche. C’est une fonction politique essentielle : tant que le speaker n’est pas élu, le Congrès ne peut pas siéger. Cette situation peut théoriquement durer indéfiniment car les textes n’imposent pas de délai pour cette élection.

Qu’est-ce qui est reproché à Kevin McCarthy, qui a déjà échoué en 2015 à se faire élire speaker ?

Il est soutenu par les républicains « mainstreams », et attaqué par des élus d’extrême droite qui n’ont aucune idée de ce que gouverner signifie aux Etats-Unis. McCarthy s’est fait beaucoup d’ennemis au fil des années. Il brigue la fonction de speaker depuis vingt ans et a fait toutes les contorsions, tous les compromis possibles et imaginables pour y parvenir.

Lors de l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 par exemple, il s’était, comme beaucoup d’élus, réfugié dans le sous-sol de la Chambre des représentants. Il a tenté d’appeler la Maison-Blanche plusieurs fois pour demander à Donald Trump de calmer le jeu, mais le président l’a complètement ignoré. Dans les heures qui ont suivi, McCarthy s’est répandu dans les médias pour accuser Trump d’être derrière l’attaque du Capitole. Mais deux semaines plus tard, on retrouvait le même McCarthy à Mar-a-Lago faisant allégeance au président. En quelques jours, il était devenu le plus grand supporter de Donald Trump. Kevin McCarthy n’a aucune boussole idéologique !

Donald Trump a clairement appelé les élus républicains à soutenir la candidature de Kevin McCarthy. Quelle est l’influence de l’ancien président sur le Parti républicain ?

La vingtaine d’élus qu’on qualifie de « trumpistes » et qui ont torpillé l’élection de Kevin McCarthy n’obéissent pas à ses consignes. C’est tout le paradoxe. Donald Trump a inspiré toute une jeune génération qui a adopté ses méthodes. Mais comme le Golem, ces jeunes éléments échappent désormais au créateur. Ils sont ambitieux et individualistes et ne veulent rendre de compte à personne. Trump est toujours un inspirateur, mais il n’est plus un chef.

Leur objectif est de faire parler d’eux, et cela fonctionne. Tous les journalistes dressent actuellement leur portrait. Ils ont acquis en quelques heures une certaine notoriété et vont pouvoir en jouer pour obtenir une influence politique supérieure à leur influence réelle. Ils peuvent par exemple tenter de mettre la main sur certaines commissions au Congrès, ou décrocher des avantages pour leurs circonscriptions.

Au regard de la situation et des forces politiques en présence, faut-il redouter une paralysie du Congrès durant les deux prochaines années du mandat de Joe Biden ?

Les véritables négociations à la Chambre se font désormais au sein même du Parti républicain, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour Joe Biden. Si les choses continuent ainsi, le président n’aura pas face à lui d’opposition unie, solide et systématique. Il y aura une opposition à l’intérieur même de l’opposition, ce qui facilitera la tâche des démocrates. D’ailleurs, Biden a fait passer ces derniers mois des réformes avec des voix issues du Parti républicain, et cela pourrait bien se reproduire à l’avenir.

Dans la même thématique

Les républicains se déchirent au Congrès américain : « Cela illustre l’éclatement du parti »
6min

Politique

Agences de l’état : Laurent Marcangeli ne veut pas fixer d’objectif chiffré pour éviter la « formation d’anticorps »

Auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat, Laurent Marcangeli est revenu sur la méthode du gouvernement pour « simplifier » l’écosystème des agences et opérateurs de l’Etat. Les plans ministériels devraient être finalisés à la mi-juin et ce travail pourrait donner lieu à un projet de loi, voire une proposition de loi, a annoncé le ministre de la Fonction publique.

Le

Les républicains se déchirent au Congrès américain : « Cela illustre l’éclatement du parti »
7min

Politique

Présidence des LR : Laurent Wauquiez cible le « en même temps » de Bruno Retailleau

A 10 jours de l’élection du président des Républicains, Laurent Wauquiez laboure les terres de la droite pour aller chercher une victoire face au favori, Bruno Retailleau. Ce mercredi, dans un restaurant du XVe arrondissement de Paris, le chef de file des députés de droite a présenté sa candidature « de rupture » avec le pouvoir en place. Membre du gouvernement, l’élection de Bruno Retailleau à la tête des LR ferait prendre le risque, selon lui, d’une dilution de la droite dans le macronisme.

Le