Le pouvoir de contrôle du Parlement, l’oublié de la réforme constitutionnelle

Le pouvoir de contrôle du Parlement, l’oublié de la réforme constitutionnelle

De nombreux parlementaires ne cessent d’exprimer leurs craintes d’un affaiblissement des pouvoirs du Parlement avec la révision constitutionnelle à venir. Mais ce n’est pas tout : les nouveaux outils promis aux parlementaires, pour leurs missions de contrôle et d’évaluation, ne se retrouvent pas dans l’avant-projet de loi.
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Un avant-projet de loi « déséquilibré ». C’est le mot qui revient dans la bouche de nombreux parlementaires pour qualifier la réforme constitutionnelle, dont le texte a été envoyé pour avis au Conseil d’État avant d’être présenté en Conseil des ministres le 9 mai. Non seulement la réforme irait dans le sens d’un « affaiblissement » du Parlement avec certains changements dans la procédure législative, selon de nombreux parlementaires, mais elle serait en outre incomplète.

Ces modifications constitutionnelles favorables à l’action gouvernementale ne s’accompagneraient pas en effet des nouvelles prérogatives et des nouveaux moyens promis aux parlementaires, pour contrôler l’exécutif et évaluer les politiques publiques.

Ce mardi, les deux présidents des assemblées, François de Rugy (dans des propos rapportés dans Le Parisien) et Gérard Larcher se sont tous les deux émus de la teneur de la réforme. Ce texte « n'est pas celui sur lequel nous avions il y a 17 jours arbitré sous l'autorité du président de la République », a ainsi dénoncé le président du Sénat sur l’antenne de RTL.

Interrogation sur les « services de l’État placés auprès du Parlement »

Plusieurs annonces de l’exécutif en faveur des parlementaires ne se retrouvent pas dans l’avant-projet de loi. Dans ses propositions dévoilées en mars aux présidents de groupes, le Premier ministre avait par exemple évoqué « la possibilité que des services de l’État soient placés auprès du Parlement pour sa mission de contrôle ». Ce devait être notamment le cas de France Stratégie. Ce laboratoire de recherche spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques et adossé à Matignon aurait pu être rattaché à l’Assemblée et au Sénat. Il s’agissait d’une demande importante des parlementaires, soucieux de ne pas dépendre uniquement des données du gouvernement, et notamment de Bercy.

Pour le moment, il n’en est rien. Pas plus qu’une « mise à disposition de la Cour des comptes » au Parlement, idée qui était aussi mise sur la table au moment des consultations du mois de mars.

Quand le gouvernement proposait un « printemps de l’évaluation »

Dans l’avant-projet de loi, il n’est pas non plus fait mention du « renforcement des contrôles » au moment de la loi de règlement, cette loi de finance qui arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État. Devant chaque président de groupe parlementaire, le gouvernement avait également soumis l’idée d’un « printemps de l’évaluation », au cours duquel les ministres auraient présenté devant les commissions les conditions d’exécution de leur budget.

L’idée avait été pourtant été rappelée dans ses grandes lignes par Édouard Philippe, lors de la présentation de la réforme le 4 avril devant la presse. « Un temps plus long sera dédié chaque printemps à l'évaluation des politiques publiques et au contrôle de l'exécution du budget par les ministres », avait indiqué alors le chef du gouvernement. Dans l’état actuel des choses, aucune mention de ce dispositif de contrôle n’apparaît dans le texte. Il s’agissait pourtant d’une compensation au resserrement du calendrier des discussions budgétaires.

Selon le Parisien, il était aussi question de donner une meilleure visibilité au Parlement, en obligeant le gouvernement à communiquer aux deux assemblées, six mois à l’avance, son ordre du jour législatif.

Retoucher les textes de loi qui font l’objet d’une évaluation

Il existe en revanche un aspect qui a bien été écrit noir sur blanc dans l’avant-projet de loi. L’article 9 permettrait aux députés et aux sénateurs, durant leur semaine de contrôle (une fois toutes les quatre semaines), de modifier les textes faisant l’objet d’un rapport d’évaluation.

Alors que la colère gronde dans les rangs des parlementaires de droite et de gauche, les deux présidents des assemblées devraient manifester leur désapprobation à l’égard du texte. Le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, va s’exprimer ce mercredi matin. Quant à Gérard Larcher, le président du Sénat, il devrait faire « appel au président de la République » cette semaine pour que « ce texte soit réexaminé ».

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