« Le psychiatre et l’assassin » : la société a besoin de coupables

« Le psychiatre et l’assassin » : la société a besoin de coupables

On l’appelle communément « l’affaire de Grenoble », en 2008 un malade schizophrène tue en pleine rue un jeune homme, jugé irresponsable de ses actes, c’est son médecin qui est condamné. Peut-on être condamné pour les actes commis par un de ses patients ? Pourquoi a-t-on besoin de désigner un coupable ? Dans son film, Agnès Pizzini, s’interroge sur les relations entre la justice et la psychiatrie, et la place des malades psychiatriques dans une société qui les craint.
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Par Mariétou Bâ

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« Une semaine après le décès de Luc on savait déjà que ce monsieur avait agressé quelqu’un d’autre exactement au même endroit en 1995, qu’il avait agressé quelqu’un dans une maison de retraite en 2006… […] Sept personnes, je crois, avant de réussir à tuer quelqu’un, et c’était Luc », exprime, digne, la sœur de l’étudiant grenoblois mort il y a maintenant onze ans.

A l’automne 2008, Jean-Pierre Guillaud, atteint de schizophrénie paranoïde, sort sans autorisation de l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève à Grenoble, où il est interné. Il se rend dans le centre-ville, achète un couteau dans une quincaillerie, et poignarde un passant dans la rue. Luc Meunier, 26 ans, décède quelques heures plus tard.

La psychiatrie, une « science inexacte » ?

Assez rapidement, la justice déclare Jean-Pierre Guillaud irresponsable de son acte. La schizophrénie dont il est atteint le dépasse. Mais pour la famille de Luc Meunier, il faut trouver les responsables, un coupable. Elle mènera une bataille judiciaire pendant 8 ans. En 2016, le psychiatre de Jean-Pierre Guillaud, docteur Lekhraj Gujadhur, est condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis pour homicide involontaire. C’est la première fois en France qu’un psychiatre est reconnu coupable du le meurtre de son patient.

« On ne pouvait pas deviner ce qu’allait faire monsieur Guillaud », admet timidement le psychiatre Lekhraj Gujadhur. Ses propos soulèvent implicitement, très tôt dans le documentaire, les questions de l’imprévisibilité du comportement des malades, et de leur retour, une fois « stabilisé » dans la société. Des problématiques dont la famille de Luc Meunier est bien consciente.

"Il faut reconnaître que la psychiatrie est une science inexacte"
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La prise en compte de l’irresponsabilité médicale

Sur fond d’affaire dramatique Agnès Pizzini interroge avec beaucoup de nuances et de précaution les questions de responsabilités des malades psychiatriques. Pour les soignants interrogés dans le film sont d’abord des victimes.

"Les malades sont prioritairement des victimes"
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« La société tolère souvent très mal que certaines personnes échappent à la sanction judicaire », Daniel Zagury, psychiatre.

Une affaire qui met en lumière les fragilités du secteur psychiatrique

Des malades dangereux dont l’hôpital a de plus en plus de mal à s’occuper. Pour accueillir de nouveaux patients, il faut parfois libérer de la place. Dans une interview étonnante, à propos du manque de lits, l’un des psychiatres de l’hôpital se confie : « On a des choix très difficiles à faire, on fait sortir le moins dangereux", explique Pierre Murry.

Manque de place, de personnel et d’argent, la psychiatrie souffre aussi du regard d’une société qui supporte de moins en moins ce type d’affaires pourtant rares. Elles représentent moins d’une dizaine de cas par an.

 

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