Le RN et la Ligue veulent être la “première force souverainiste” du Parlement européen
Ce ne sera pas un "super groupe" comme Marine Le Pen l'avait envisagé, mais en doublant ses effectifs la nouvelle formation emmenée par la Ligue...
Par Marine LAOUCHEZ
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Ce ne sera pas un "super groupe" comme Marine Le Pen l'avait envisagé, mais en doublant ses effectifs la nouvelle formation emmenée par la Ligue italienne et le Rassemblement national se revendique comme la "première force souverainiste" au Parlement européen.
Marine Le Pen et l'Italien Matteo Salvini, nouvel homme fort de l'extrême droite, avaient préparé le terrain en amont des élections, multipliant les rencontres pendant la campagne. Jeudi à Bruxelles, la première était présente, le second excusé, pour lancer cette nouvelle entité baptisée "Identité et démocratie" (ID).
Avec 73 membres issus de 9 pays de l'UE, ID est actuellement la cinquième force au Parlement européen, derrière le PPE (droite, 179 eurodéputés), les sociaux-démocrates (153), Renew Europe (nouveau nom du parti centriste où siègent les partisans du président français Emmanuel Macron, 106) et les Verts-ALE (75).
Il pourrait passer devant les Verts à la faveur d'une redistribution des sièges après le Brexit.
"Ce groupe est d'ores et déjà la première force souverainiste du Parlement européen", s'est félicitée Marine Le Pen lors d'une conférence de presse.
La cheffe de l'extrême droite française Marine Le Pen, lors d'une conférence de presse le 13 juin 2019 à Bruxelles
AFP
Constitué principalement autour des délégations italienne de la Ligue (28 élus) et française du Rassemblement national (22 élus), ID a rallié les 11 Allemands de l'AfD (dont les représentants siégeaient dans le Parlement sortant au sein du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFDD), les 3 Autrichiens du FPÖ, ainsi que des eurodéputés venus du Vlaams Belang belge, de République tchèque, du Danemark, de Finlande et d'Estonie.
Il supplante le groupe Europe des nations et des libertés (ENL), 36 élus au sein du Parlement sortant.
Le groupe n'a en revanche pas réussi à convaincre les Polonais du PiS, qui restent avec les conservateurs de CRE, les Espagnols de Vox, qui pourraient rejoindre CRE, ou le Parti du Brexit de Nigel Farage, grand vainqueur des européennes en Grande-Bretagne (29 élus).
- Les "portes restent ouvertes" -
"C'est vrai, on n'a pas pu constituer ce groupe grand et uni, pour différentes raisons", a reconnu le président de ID, l'Italien Marco Zanni, citant "la question du Brexit qui ne s'est pas encore matérialisé" et qui "a pesé".
Mais, a-t-il insisté, les "portes restent ouvertes". Le groupe "a vocation à grandir au fur et à mesure du mandat", a expliqué M. Zanni.
De plus, ID table sur des "coopérations" ponctuelles sur certaines thématiques.
L'Italien Marco Zanni, de la Ligue (extrême droite), lors d'une conférence de presse le 13 juin 2019 à Bruxelles
AFP
"On pourra faire valoir nos 73 voix en coopération avec les délégations avec qui nous pourrons partager des batailles politiques communes, même si on ne fait pas partie des mêmes groupes politiques. Je pense que ce sera une constante des cinq années à venir vu le paysage politique issu de ces élections", a prédit Marco Zanni.
Selon Marine Le Pen, un "bloc souverainiste" de 200 voix ou plus pourrait ainsi avoir "une influence majeure sur les futurs équilibres", sur des sujets tels que la migration, par exemple avec des élus hongrois.
Autre exemple selon Mme Le Pen: les "blocs qui vont se constituer contre la politique ultra-libérale menée par l'Union européenne". "Demain nous pourrions nous retrouver avec les Verts à voter contre les accords de libre-échange, comme nous l'avons fait d'ailleurs lors du dernier mandat", a-t-elle noté.
ID s'est constitué principalement autour de trois grands thèmes, a expliqué Marco Zanni: la sécurité, la migration et l'économie, en particulier la souveraineté budgétaire. Au-delà, certaines divergences de points de vue pourraient vite se faire sentir.
"Nous sommes très imprégnés de l'idée que nous sommes des nations différentes, sur des sujets nous pouvons avoir des sensibilités différentes", a reconnu Marine Le Pen, interrogée sur des divergences au sein du groupe sur des questions comme l'orthodoxie budgétaire ou le soutien à la Russie.
"Mais sur les grands sujets qui intéressent les peuples en Europe aujourd'hui, nous avons une vision commune", a assuré la cheffe de l'extrême droite française.
Leur priorité au Parlement sera d'obtenir ce qu'ils estiment leur revenir au vu des résultats: des postes clés au sein de l'institution, soit à la vice-présidence, soit au sein des commissions parlementaires.
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.