A quelques heures de l’examen du budget de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’engage à ce qu’il n’y ait pas de déremboursement des médicaments en 2025, accédant à une demande du Rassemblement national.
Le Sénat veut « endiguer » la « dérive vertigineuse » des comptes de la Sécurité sociale
Par Public Sénat
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C’est un reproche que l’on a beaucoup entendu lors des auditions menées par la commission des Affaires sociales du Sénat durant le mois d’octobre. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 ne fait qu’acter un déficit historique des comptes sociaux et ne prévoit pas grand-chose pour limiter la casse, selon l’avis de bon nombre de membres de la majorité sénatoriale de droite et du centre.
Réunie ce 4 novembre pour examiner le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale une semaine plus tôt, la commission des affaires sociales du Sénat a posé les futurs amendements qu’elle défendra en séance la semaine prochaine, bien décidée à trouver quelques pistes de recettes face au plongeon du déficit de la Sécurité sociale (régime général et Fonds de solidarité vieillesse) à plus de 48 milliards d’euros en 2020, et à plus de 26 milliards en 2021 (en prévision initiale).
« On propose que l’Etat reprenne des dépenses qui n’appartiennent pas à la Sécurité sociale »
Le coronavirus, avec l’effondrement des rentrées de cotisations sociales, auxquelles s’est ajouté cet été le Ségur de la Santé, avec des investissements et des revalorisations salariales réclamées depuis de longues années, ont envoyé le déficit du régime général à un niveau record cette année, loin du record atteint en 2010 à -28 milliards d’euros, au moment de la crise financière. Le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe (Union centriste), redoute les conséquences sur le long terme sur la dette, puisqu’en 2024 le déficit restera supérieur à 20 milliards d’euros. « Que fait-on au-delà du constat ? Nous proposons d’essayer d’endiguer cette dérive assez vertigineuse », explique-t-il à Public Sénat, à l’issue des travaux de la commission.
Les amendements sont de plusieurs ordres. Les principaux consistent à transférer certaines charges d’un budget à l’autre. « On propose que l’État exerce pleinement ses responsabilités et reprenne des dépenses qui n’appartiennent pas à la Sécurité sociale », détaille le rapporteur général. Les sénateurs visent notamment Santé publique France, l’établissement connu pour la gestion de stocks stratégiques de masques. Les sénateurs, qui s’étaient opposés dans le passé au transfert de l’ex-Agence nationale de santé publique dans l’escarcelle de l’Assurance maladie, demande que son coût réel soit réellement compensé dans les lois de finances. L’agence assume, selon eux, des missions de l’État et dès la première année du transfert son budget est passé de 150 millions d’euros à 4,8 milliards d’euros. Jean-Marie Vanlerenberghe réclame que la compensation atteigne « a minima » ces dépenses extraordinaires.
La contribution exceptionnelle des complémentaires santé est doublée
La logique est la même pour des mesures voulues par le gouvernement pour soutenir le pouvoir d’achat dans les derniers exercices budgétaires, mais qui ont eu des conséquences sur les recettes de la Sécurité sociale. C’est le cas de l’exonération de cotisations des heures supplémentaires ou encore la diminution du taux de CSG sur certains niveaux de pension. Selon la commission des Affaires sociales, il « importe de remettre en cause » ces non-compensations de l’État au budget de la Sécurité sociale, qui se chiffrent selon elle à quatre milliards d’euros chaque année. Régulièrement – c’était encore le cas l’an dernier – les sénateurs fustigent les entorses à la loi Veil de 1994, qui interdit pourtant ces non-compensations.
Autre piste de recettes, pour financer les dépenses liées à la Covid-19 : les complémentaires santé. Celles-ci sont toujours mises à contribution dans le projet de loi pour 2021, mais pas suffisamment pour les sénateurs, favorables à maintenir l’effort de 2020. Le rapporteur général préconise donc de doubler le taux de la contribution exceptionnelle pour l’an prochain, ce qui rapporterait un milliard d’euros à la Sécurité sociale, au lieu de 500 millions. L’opération resterait indolore pour les organismes complémentaires d’assurance maladie, qui ont vu leurs charges baisser cette année, sous l’effet du confinement, selon le sénateur Vanlerenberghe. « Tout le monde parle de deux milliards d’économies du fait de la baisse des actes médicaux et de la fréquentation des cabinets médicaux », justifie-t-il.
Relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans
Alors que se profile une baisse de la masse salariale en France dans les prochains mois, et donc des rentrées de cotisations, l’interruption des débats au printemps sur la réforme des retraites inquiète le rapporteur de la branche vieillesse de la Sécurité sociale, le sénateur LR René-Paul Savary. Dans un amendement, le sénateur de la Marne demande la réactivation de la conférence de financement des retraites et propose d’inscrire dans la loi des mesures d’économies en cas d’échec des partenaires sociaux : un report progressif de l’âge légal de départ à 63 ans en 2025 et une accélération de la réforme de Touraine de 2014, pour exiger 43 annuités dès la génération 1965.
Sur la cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, que le PLFSS pour 2021 consacre, le sénateur (LR) Philippe Mouiller entend « catalyser la prise de décision » sur la délicate question du financement. Depuis la naissance en juillet de cette nouvelle branche, les sénateurs pressent le gouvernement de présenter des pistes, et surtout, de dévoiler les grands axes du très attendu projet de loi relatif au grand âge. Un amendement demande qu’une conférence des financeurs soit réunie et formule des propositions avant le 1er avril 2021.
Au chapitre de l’Assurance maladie, le Sénat reste constant par rapport à cet été : il continue de s’opposer au transfert à la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale) d’un tiers de la dette des hôpitaux, soit 13 milliards d’euros. Un amendement de la rapporteure de la branche maladie, Corinne Imbert (LR), prévoit de supprimer l’article 27 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui vise à mettre en œuvre cette reprise. La majorité sénatoriale refuse toujours cette opération qui vise à apurer des investissements immobiliers d’État dans l’hôpital, et non des dépenses de fonctionnement.
La commission des affaires sociales défavorable à des IVG instrumentales pratiquées par les sages-femmes
En dehors, du champ budgétaire, plusieurs modifications sont également à attendre au Sénat. Le texte sorti de l’Assemblée prévoyait à l’article 33 de prolonger l’actuelle convention médicale, qui arrive à échéance le 24 octobre 2021, jusqu’au 31 mars 2023. Corinne Imbert comprend la nécessité de repousser ce texte, en raison de la tenue l’an prochain des élections professionnelles chez les professionnels de santé libéraux. Un délai de neuf mois doit précéder la signature de la convention, ce texte qui régit les liens entre l’Assurance maladie et les médecins. Qualifiée d’échéance « lointaine et « injustifiée », l’échéance de la convention devrait passer de 2023 à 2022 par voie d’amendement.
Un amendement soutenu par la commission des Affaires sociales veut aussi retirer l’article autorisant la réalisation par les sages-femmes d’interruptions volontaires de grossesse instrumentales (et non plus seulement médicamenteuses). Selon la rapporteure Corinne Imbert, cette disposition « ne fait pas l’unanimité », « pour des raisons de qualité et de sécurité des soins », et ne relève pas du PLFSS. La commission a en revanche soutenu l’un des grands apports du PLFSS, à savoir le rallongement du congé paternité à 28 jours.
Le PLFSS 2021 sera débattu en séance publique au Sénat les 9, 10, 12 et 13 novembre, avant un vote solennel le 17.