« Nous avons réussi le pari de l’enracinement », déclarait ce matin sur France Inter la porte-parole de France insoumise, Raquel Garrido. Pourtant, le score obtenu par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon n’est pas celui escompté. Avec 11,02% de suffrages exprimés, LFI se place derrière le Front national (13,2%) et loin derrière l’alliance REM-Modem (32,32%) et celle LR-UDI-DVD (21,56%).
Raquel Garrido : « Nous avons réussi le pari de l’enracinement »
« Jean-Luc Mélenchon espérait beaucoup plus. Il avait prévu d’être la première force d’opposition », rappelle Serge Cosseron, historien et auteur du Dictionnaire de l’extrême-gauche. Pour sa part, le leader de La France insoumise estime avoir accompli un « boulot magnifique ». « C’était prévisible qu’on ait une moindre mobilisation », assure-t-il. L’abstention au premier tour des législatives est en effet historique : un électeur sur deux n’est pas allé voter dimanche. Mais il n’empêche que le score obtenu par LFI est huit points en dessous de celui obtenu à la présidentielle.
69 candidats Insoumis seront présents au second tour des législatives, qui se tiendra dimanche prochain. « Un score qui ouvre la porte à un groupe à l’Assemblée » selon l’ex-députée Parti de gauche Martine Billard. Jean-Luc Mélenchon est encore plus optimiste : « Je pense que je vais avoir un groupe à l’Assemblée nationale. »
Mélenchon : « Je pense que je vais avoir un groupe à l’Assemblée nationale. »
Rien de certain si on s’en tient aux projections établies par les instituts de sondage pour le second tour : alors que 15 sièges sont nécessaires pour former un groupe, LFI devrait obtenir 10 à 23 fauteuils au Palais Bourbon, PCF compris, mais seulement 8 à 18 sans le parti de Pierre Laurent.
« Ce n’est pas moi qui ai imposé au PCF l’humiliation de se retrouver à 3 % »
Or les relations entre le leader communiste et Jean-Luc Mélenchon ne sont pas au beau fixe. « Ce n’est pas moi qui ai imposé au PCF l’humiliation de se retrouver à 3 % ce soir », certifiait ce dernier après l’annonce des résultats. De son côté, Pierre Laurent rejette la responsabilité de la « contre-performance » de son parti sur le leader de la France insoumise : « Nous payons les divisions de la gauche et des forces qui avaient mené la campagne présidentielle derrière Jean-Luc Mélenchon. » Faute d’accord trouvé entre les deux dirigeants de parti, chacun avait finalement porté ses propres candidatures aux législatives. Et cela s’est particulièrement fait au détriment des communistes. La candidate LFI Mathilde Panot a ainsi éliminé le PCF Pascal Savoldelli à Ivry-sur-Seine. Mais Pierre Laurent ne se décourage pas pour autant : « Il reste une vingtaine de candidats communistes en lice pour le second tour et la constitution d’un groupe à l’Assemblée reste possible. »
À l’évidence, LFI sort victorieuse de cette dissension avec le Parti communiste. « Avec le PCF Jean-Luc Mélenchon avait voulu maintenir une ligne personnelle. Il a gagné car le PC a sauvé seulement quelques députés », confirme Serge Cosseron. Et ce n’est pas la seule victoire du leader Insoumis : « Son premier objectif était d’abattre le PS. Il a complètement réussi. » L’historien remarque toutefois que « beaucoup d’électeurs de gauche n’ont pas adhéré à son jeu de destruction », d’où son score de 11%. Il n’a pas réussi à entraîner les électeurs de gauche dans sa dynamique. Il n’a pas réussi à être lider maximo. »
« Éliminer d’un côté mais ne pas rassembler »
Selon l’auteur du Dictionnaire de l’extrême-gauche, le mouvement des Insoumis a peu à espérer du second tour, qui va mettre au jour « la contradiction énorme dans laquelle il s’est mis lui-même : éliminer d’un côté mais ne pas rassembler ». Une analyse que partage Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble, qui regrette l’absence de candidature commune dans sa ville : « Vouloir porter le drapeau de la gauche tout seul n’est pas une stratégie gagnante », avait-il confié à France Info à la veille du premier tour.
Raquel Garrido fait fi des critiques et n’exprime aucun regret : « Le fait qu’il y ait une pluralité au premier tour n’a pas empêché la France insoumise d’être au second tour », a-t-elle assuré sur France Inter ce matin. Jean-Luc Mélenchon écarte, lui, toute responsabilité dans la défaite du Parti socialiste. « Le PS il a été écarté par les électeurs, pas par moi, ni par mes amis », revendique-t-il.
« Attention à ne jamais permettre l’élection d’un député FN »
Pour Serge Cosseron, la seule issue possible pour le leader de la France insoumise est de « changer d’attitude ». Il considère que le second tour est « l’occasion de faire un discours de rassemblement contre Le Pen ». Or pour l’instant, le candidat dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône maintient la ligne qu’il avait établie au lendemain du premier de l’élection présidentielle : « Attention à ne jamais permettre l’élection d’un député FN. » De là à appeler à voter pour la candidate REM qu’affrontera Marine Le Pen…
L’historien ne croit pas non plus en un accord de réciprocité entre La France insoumise et le PS, pourtant demandé par le socialiste Julien Dray ce matin : « Je suis pour le rassemblement de la gauche sans condition, mais il faut qu'il y ait de la réciprocité », a affirmé le conseiller régional d'Ile-de-France sur CNews. Et d’ajouter : « A Marseille, Jean-Luc Mélenchon a besoin pour être élu des électeurs socialistes", a déclaré Julien Dray. Le leader de LFI est en ballottage favorable (34,3%) face à la candidate de La République en Marche Corinne Versini (22,7%). Le candidat socialiste Patrick Mennucci, éliminé au premier tour, n’a pour l’instant donné aucune consigne de vote : « Je n’ai pas envie de voter pour une représentante du Medef et il est hors de question d’aider Mélenchon. » Si celui-ci ne devrait pas avoir besoin de son aide pour conquérir la circonscription marseillaise, son mouvement devrait pâtir de sa volonté de faire cavalier seul.