Législatives : la Nupes et le RN se disputent la présidence de la commission des Finances

Législatives : la Nupes et le RN se disputent la présidence de la commission des Finances

Dans la course à la présidence de la commission des finances, le Rassemblement National (RN) avec 89 députés élus au Palais Bourbon, dispose d’un léger avantage, en devenant le premier groupe d’opposition. La tradition veut que la présidence la commission aille au groupe parlementaire d’opposition le plus important de l’Assemblée nationale. La Nupes souhaite également ce poste hautement stratégique. Le vote est prévu le 30 juin.
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Par Louis Dubar

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Les résultats des élections législatives ont chamboulé les équilibres parlementaires et la composition du Palais Bourbon. Le Rassemblement National devient le premier groupe d’opposition avec 89 députés devant la France Insoumise. Le parti d’extrême gauche peut compter sur 84 parlementaires élus à l’issue du second tour. Après avoir fait campagne ensemble, les principales forces de la Nupes (socialistes, écologistes et Insoumis) devraient disposer de leur groupe à l’Assemblée nationale. Il manque 3 députés au PCF (12 élus) pour former un groupe à l’Assemblée. Interrogé sur France 3 le soir du second tour sur la formation d’un possible groupe, Fabien Roussel a indiqué que le Parti Communiste « aura son groupe. » L’ex-candidat à la présidentielle attend le ralliement de plusieurs élus d’Outre-mer.

Toutefois à 14h40, le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon propose la constitution « d’un groupe unique à l’Assemblée », permettant à la Nupes de devenir le premier bloc d’opposition. Cette configuration inédite et fragmentée des oppositions laisse planer le doute sur la couleur politique du prochain président de la commission des finances, poste hautement stratégique, accordé traditionnellement à un député l’opposition.

Qui pour succéder à Éric Woerth ?

Poste le plus en vue des différents groupes d’opposition, le président de la commission des Finances jouera un rôle stratégique au cours de la prochaine législature. Il fixe l’ordre du jour de cette commission, et notamment au moment de l’examen du projet de loi de finances. Il peut également demander à n’importe quelle administration de l’Etat, les documents permettant de connaître le montant et l’affection de leurs dépenses, et même de « contrôler sur pièces » les comptes des administrations publiques.

L’article 39 du règlement de l’Assemblée nationale explique que « ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. » La tradition veut que la présidence de la commission aille au groupe parlementaire d’opposition le plus important. « Il y a le droit et la perception d’un état juridique et la convention mise en place entre les différents acteurs politiques, une convention ressentie comme un ordre légitime par les différents groupes », explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II, et docteur en science politique à l’ENS Paris-Saclay. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 menée à l’époque par Nicolas Sarkozy, le règlement indique donc que la présidence doit revenir à un membre de l’opposition, mais pas forcément au principal groupe d’opposition.

Le RN en pole position pour le poste

Réélue députée de la onzième circonscription du Pas-de-Calais, Marine Le Pen entend bien faire prévaloir le « droit » de son mouvement aux postes et fonctions revenant traditionnellement au principal groupe d’opposition au Palais Bourbon. « Nous demanderons […] tout ce qui aurait été accordé au premier groupe d’opposition, c’est-à-dire la présidence de la commission des finances et la vice-présidence de l’assemblée. Notre groupe ne transigera sur aucun des moyens qui lui sont accordés par la tradition ou les règles républicaines », a-t-elle expliqué sur BFMTV depuis Hénin Beaumont. Même son de cloche chez les autres responsables politiques du RN, interrogé dans la matinale de FranceInfo, le député de l’Oise, Philippe Ballard réclame à son tour la présidence de la commission des finances, un poste selon lui, « dévolu depuis une quinzaine d’années au parti d’opposition majoritaire. »

Interrogé également sur FranceInfo sur la possibilité de voir la commission des finances présidée par un député RN, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a indiqué que « cela me choquerait mais la Constitution s’impose à nous. » « La présidence de la commission des finances à l’Assemblée nationale revient au groupe le plus important de l’opposition », souligne-t-il.

La Nupes revendique également la présidence de la commission des Finances

Les déclarations du RN ont le don d’irriter les responsables de la Nupes qui considèrent cette demande comme illégitime et infondée. Sur Twitter, la députée de la onzième circonscription de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain revendique le poste. Selon elle, la Nupes serait la mieux placée, du fait d’une « légitimité démocratique », acquise dans les urnes. « Ce n’est pas le plus gros groupe d’opposition mais la candidature qui reçoit le plus de suffrages, les députés de la majorité ne votant pas. La Nupes est donc la mieux placée. » Questionné sur la possibilité d’une présidence RN de la commission des finances sur LCI, Adrien Quatennens réélu député dans la première circonscription du Nord s’insurge contre un tel scénario. « Nous avons aujourd’hui 84 parlementaires [députés LFI à l’Assemblée nationale ; ndlr], tout cela doit s’affiner. Nous sommes la première force d’opposition [Nupes, ndlr] avec 150 députés et donc la présidence de la commission des finances nous revient », souligne-t-il.

Dans le cas où la Nupes se constituerait comme un groupe parlementaire unifié à l’Assemblée nationale, l’hypothèse d’une candidature plus « consensuelle » à la présidence de la commission rassurerait la majorité présidentielle. Le nom de la députée de la première circonscription du Tarn-et-Garonne, Valérie Rabault, réélue dimanche est évoqué.

Un député LR à la tête de la commission des finances avec le soutien de la majorité présidentielle ?

« D’un point de vue conventionnel, la désignation du président de la commission des finances représente un accord tacite entre les différents groupes parlementaires et cela ne fonctionne que si l’ensemble des acteurs s’accordent sur ce sujet », précise Benjamin Morel. Rien n’oblige, Ensemble à respecter cette coutume parlementaire. Les députés de la majorité présidentielle pourraient jeter leur dévolu sur un député LR, « Macron compatible. » « Le problème est que LR risquerait de se trouver dans une position très délicate. Ils ne constituent ni le premier, ni le second groupe d’opposition », souligne Benjamin Morel. Avec 64 députés, le groupe LR est une possible force d’appoint pour le gouvernement sur certains textes et projets de loi, afin d’obtenir une majorité absolue, même si, au soir des résultats le 19 juin, Christian Jacob a exclu tout rapprochement avec la majorité présidentielle.

La désignation d’un député LR à la tête de la commission des finances et la possible collaboration même ponctuelle entre LR et Ensemble sur certains textes constitueraient « une double trahison à l’égard de cette convention et du règlement de l’Assemblée nationale. » Cette possible décision de la majorité présidentielle de soutenir un député LR risquerait également de renforcer le RN et la Nupes dans leur opposition à la majorité présidentielle. « Cette convention a pour but de faciliter les relations avec les oppositions, d’éviter l’obstruction, pour qu’elles ne jouent pas le jeu de paralyser les travaux de l’assemblée », souligne Benjamin Morel.

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