Législatives : les enjeux autour de la présidence de la commission des Finances

Législatives : les enjeux autour de la présidence de la commission des Finances

La tradition veut que la présidence de la commission des Finances aille au groupe parlementaire d’opposition le plus important. En toute vraisemblance, cela devrait être LFI, ce qui est loin d’enchanter la majorité présidentielle. Mais a-t-elle vraiment les moyens de l’empêcher ?
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet et François Vignal

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Même si la Nupes n’emporte pas de majorité à l’Assemblée nationale, la France Insoumise devrait – selon les résultats de dimanche – représenter le 1er groupe d’opposition. À première vue, cela peut ressembler à un détail, mais avec cette position viennent plusieurs privilèges qui ne sont pas tout à fait anecdotiques. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 menée par Nicolas Sarkozy, le règlement de l’Assemblée nationale reconnaît des « droits spécifiques » aux groupes d’opposition, et notamment certains postes clés. Actuellement groupe d’opposition le plus important de la législature, LR a par exemple bénéficié pendant la législature précédente de la première vice-présidence de l’Assemblée nationale, occupée par Annie Genevard, et de la présidence de la commission des Finances, occupée par Éric Woerth avant qu’il ne rejoigne la majorité présidentielle en fin de session, ainsi que la 3ème questure, qui est revenue à Éric Ciotti.

Tous ces postes qui ont échu à LR en 2017 sont particulièrement stratégiques. La première vice-présidence permet par exemple d’avoir la main sur le déroulement des débats pendant des séances particulièrement houleuses. Même si la fonction de président de séance s’accompagne d’un devoir de neutralité, on a en tête la guérilla parlementaire menée par LFI pendant la réforme des retraites, et les débats qu’il y avait pu y avoir sur les rappels au règlement ou le temps dont disposaient les intervenants pour présenter leurs amendements. On sait que le Président de la République a prévu de remettre le couvert lors du prochain quinquennat, et si les débats durent, un député LFI pourrait donc être celui qui a la main sur les formalités de la discussion, alors que son groupe utilise toutes les techniques pour essayer de compliquer la tâche à la majorité.

La majorité présidentielle veut « empêcher que ce soit un député LFI »

Mais le poste le plus en vue, c’est bien la fameuse présidence de la commission des Finances. Le rôle qu’il joue dans la mécanique budgétaire de l’Etat, en particulier, est tout à fait conséquent : le président de la commission des Finances fixe l’ordre du jour de cette commission, et notamment au moment de l’examen du projet de loi de finances. Cela peut paraître anecdotique, mais à la tête de l’Etat, on regarde le sujet de près, pour ne pas dire avec inquiétude. Au sein même de l’exécutif, on confie la volonté d’« empêcher que ce soit un député LFI » qui préside cette commission. La crainte : que le président de la commission des finances « plante », « bloque », ou du moins retarde au maximum, l’examen du budget. Comment ? En convoquant par exemple des réunions de la commission en plein examen du texte en séance.

Dans ce cas, il resterait toujours la possibilité du recours au 49-3 sur le budget, pour passer en force en cas de blocage, avec les risques politiques que cela comporte. Mais ce n’est pas seulement en novembre et décembre qu’un éventuel président de la commission des Finances LFI pourrait mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Il peut en effet demander à toutes les administrations de l’Etat les documents permettant de connaître le montant et l’affectation de leurs dépenses, et même « contrôler sur pièces » les comptes des administrations publiques. En clair, le président de la commission des Finances peut mettre le nez dans les finances de l’Etat, et à un niveau très précis.

La majorité présidentielle pourrait faire élire Valérie Rabault (PS) plutôt qu’un député LFI à la tête de la commission

Pour éviter ce cas de figure embêtant, la macronie cherche des solutions. Or il se trouve que si la tradition veut que ce poste-clé revienne au premier groupe d’opposition, ce n’est pas exactement ce qu’explique le règlement de l’Assemblée nationale, rappelle un ministre. L’article 39 dudit règlement explique en effet, seulement que « ne peut être élu à la présidence de la commission des Finances, qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. » L’exécutif pourrait ainsi faire une application à la lettre du règlement de l’Assemblée, et élire un membre d’un groupe de l’opposition, mais pas issu des rangs de LFI.

« Si le principal groupe d’opposition est la Nupes, il peut venir de là… » glisse un macroniste, citant le nom de la socialiste Valérie Rabault, au profil beaucoup plus compatible avec les marcheurs. Théoriquement, un membre des LR ou de l’UDI pourrait aussi être élu. Point important tout de même, « la tradition stipule que la majorité ne prend pas part au vote. » Dans l’état actuel des forces qui se dégagent du 1er tour des législatives, c’est la Nupes qui aurait en main cette nomination. Mais cette tradition n’est pas une obligation. Le règlement n’empêche explicitement personne de voter, et on peut imaginer les députés d’Ensemble membres de la commission des Finances rompre la tradition et prendre part au vote, afin de faire pencher la balance en faveur d’un député de l’opposition, mais qui ne s’oppose pas trop.

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