Législatives : l’abstention s’aggrave-t-elle toujours au second tour ?

Législatives : l’abstention s’aggrave-t-elle toujours au second tour ?

Depuis 25 ans, l’abstention nationale au second tour des élections législatives a toujours été supérieure à celle enregistrée au premier tour. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Décryptage.
Guillaume Jacquot

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Après une abstention record pour un premier tour des législatives le 12 juin (52,5 %), la désertion des urnes pourrait-elle s’aggraver au second tour ? Il faudra attendre la fin de la semaine pour avoir quelques éléments de réponse avec des études d’opinion, et surtout la journée électorale de dimanche. D’ici là, un coup d’œil dans le rétroviseur permet de voir quelles dynamiques ont eu lieu d’un tour à l’autre.

Des duels qui réduisent l’offre politique et donc la mobilisation

Sur les quatre dernières élections législatives, l’abstention s’est à chaque fois aggravée au second tour. « Cela s’explique assez simplement : au second tour, l’offre politique s’est réduite à un duel dans la grande majorité des cas. Donc quand votre camp politique est exclu, des électeurs considèrent que ça ne vaut plus la peine de se déplacer », analyse Mathieu Gallard, directeur d’études à l’institut Ipsos.

Ces quatre élections où l’abstention s’est aggravée d’un tour à l’autre ont toutes eu lieu après l’inversion du calendrier électoral entre présidentielle et législatives. La démobilisation a été particulièrement élevée lors du second tour des législatives 2017. L’abstention est passée de 51,3 % à 57,36 % au second tour (un record pour des législatives), soit une progression de six points.

Une étude d’Ipsos-Sopra Steria réalisée dans la semaine précédant le second tour des législatives 2017, s’est penchée sur le comportement des électeurs du premier tour et sur les raisons qui pouvaient expliquer leur abstention au second tour. 28 % ont indiqué qu’ils pourraient ne pas aller voter car « aucun des candidats présents au second tour ne correspond à [leurs] idées ».

Mais l’histoire politique compte également plusieurs élections législatives où, inversement, un sursaut de mobilisation a été observé entre le premier et le second tour. C’était le cas en 1997, 1988 ou encore 1978. « Ce sont des élections législatives où il y a eu une vraie incertitude sur les résultats à l’issue du premier tour », détaille Mathieu Gallard.

Des scrutins incertains qui ont provoqué un sursaut de mobilisation

L’exemple de 1997, dans un contexte de dissolution surprise par le président Jacques Chirac, est un exemple frappant. Rappelons qu’à une semaine du premier tour de ces législatives, les instituts de sondage n’anticipaient pas une majorité de gauche à l’Assemblée nationale (exemple du sondage Ipsos réalisé les 13 et 14 mai 1997). L’affiche du second tour était marquée par un nombre record de triangulaires, 79 pour être précis, avec une présence du FN dans la majorité des cas.

Les législatives de 1988 sont un autre épisode où l’abstention a reculé entre le premier et le second tour. Et pour cause, elles ont été très disputées entre le Parti socialiste et la majorité sortante RPR-UDF. Au premier tour, le PS de Lionel Jospin a obtenu 37,53 % des suffrages, contre 40,54 % pour le RPR de Jacques Chirac. Au second tour, les socialistes ont emporté le plus grand nombre de sièges, mais aucune force n’a conquis de majorité absolue (relire notre article).

Le premier tour des législatives de 1978 laissait aussi entrevoir un scrutin très ouvert : la majorité présidentielle de droite est arrivée en tête de 46,46 %, au coude-à-coude avec les forces de gauche (45,24 %). De quoi favoriser un recul de l’abstention. Elle a décliné de 1,7 point.

Et dimanche prochain ? Le second tour, avec la présence d’une gauche unitaire, la percée du Front national et le risque d’une majorité relative pour La République en marche, va-t-il s’inscrire dans ce cas de figure ? « Nous n’avons pas encore d’éléments qui permettent de voir dans quel contexte on se situe », répond à cette heure Mathieu Gallard, d’Ipsos.

Ce 15 juin, une note de la Fondation Jean Jaurès a dressé le portrait des électeurs qui se sont le plus abstenus au premier tour des législatives, le 12 juin. L’étude souligne que la démobilisation a touché « deux publics en particulier : les jeunes et les catégories populaires ». « Sans surprise, ce sont donc les candidats dont l’électorat est le plus dépendant de ces catégories qui en ont le plus pâti : la gauche et le Rassemblement national », résume Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion au sein de la fondation.

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