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Par Public Sénat
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« A l’époque, je fais l’un de mes premiers papiers à la fac de Kaboul et me retrouve au milieu d’un avortement qui dérape dans les toilettes des filles ». En 2011, Solène Chalvon-Fioriti a vingt-quatre ans et découvre le métier de journaliste en Afghanistan, point de départ d’une enquête qui commence donc au hasard d’une une rencontre « fondatrice » pour la jeune journaliste. « Les filles à l’intérieur de ces toilettes qui chapotaient un grand réseau clandestin de distribution de pilules sont devenues mes amies, raconte-t-elle, » et m’ont ensuite conduite à la fois dans ce pays et sur cette problématique de la condition des femmes en Afghanistan », où l’avortement est interdit.
« La condition des femmes est terrible et on la connaît car on a été très documenté ces 20 dernières années, mais elle n’est pas que terrible […] Le fait de projeter cette image en permanence de la burqa qui invisibilisait beaucoup les Afghanes n’a pas beaucoup aidé à produire un discours fort qui paradoxalement aurait permis à ces femmes de prendre plus la parole et d’être plus écoutées », analyse Solène Chalvon-Fioriti.
Notamment lors des négociations de paix au Qatar en 2020 où, rappelle la journaliste, on a surtout vu des femmes victimisées. Pour elle, « les féministes ont crié dans le désert et en racontant cette histoire, cela m’a permis de raconter les Afghanes dans leur pluralité, des individus comme les hommes, avec des caractères différents, des environnements et des envies multiples ».
Alors comment fonctionne ce réseau de pilules ? Et comment ce sujet nous permet-il d’appréhender cette histoire de l’Afghanistan contemporain où les fondamentalistes talibans ont repris le pouvoir en août 2021 ?
Rencontrer des gens extraordinaires qui sont devenus des amis, c’est avoir envie de raconter leur histoire explique la journaliste Solène Chalvon-Fioriti. « Elles m’ont embarquée avec elles aux quatre coins du pays dans des universités provinciales où j’ai pu découvrir des idées de reportages ».
La question de la contraception est complexe en Afghanistan. « Sous le premier régime des talibans, il y avait des cliniques itinérantes pour pratiquer des avortements, il y a une forme de contraception distribuée à certains moments, dans certaines provinces, ils n’en savaient rien ou laissaient faire ». Mais ce qui pose problème dans les mouvements fondamentalistes c’est l’honneur, c’est le qu’en-dira-t-on, « c’est le fait qu’une femme puisse être associée de près ou de loin à la sexualité ».
Mais alors sommes-nous impuissants en Afghanistan, notamment comme les Américains l’ont été ? Comme le rappelle Frédéric Encel, les Américains ont « quand même empêché pendant vingt ans les talibans de revenir au pouvoir. Vingt ans c’est peu dans l’Histoire mais c’est quand même une génération », c’est cette génération que Solène Chalvon-Fioriti a rencontrée dans les couloirs des universités, des millions d’hommes et de femmes qui pendant deux décennies ont pu vivre de manière partiellement émancipée « en tout cas s’ils le souhaitaient ». Une génération qui pourra peut-être changer les choses dans le pays, mais qui vit désormais soumise au danger que le retour au pouvoir des fondamentalistes implique.
Retrouvez l’intégralité de l’émission « Livres & vous » ici.
« La femme qui s’est éveillée – Une histoire afghane » de Solène Chalvon-Fioriti - Ed. Flammarion
« Voies de la puissance, penser la géopolitique au XXIe siècle » de Frédéric Encel - Ed. Odile Jacob
Dans le Pas-de-Calais avec Cathy Apourceau-Poly