Les pistes du Sénat pour améliorer l’efficacité et la solidarité des métropoles

Les pistes du Sénat pour améliorer l’efficacité et la solidarité des métropoles

Une mission sénatoriale a rendu son rapport les métropoles, nées dans les années 2010. Elle souhaite encourager des « relations gagnant-gagnant » entre les métropoles et les territoires qui les entourent. Mais aussi mieux clarifier la répartition des pouvoirs entre les métropoles et les communes qui les composent.
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Des voix s’élèvent régulièrement au Sénat contre les excès de la métropolisation, qui entraîne une concentration des activités et des décisions dans certains points du pays. Mais l’heure n’était pas ce 10 juin au procès des métropoles, la dernière famille de collectivités locales née il y a un peu plus de dix ans. « Les métropoles sont un fait ancré dans notre organisation territoriale, elles ont toute leur légitimité et sont nécessaires. Il ne s’agit pas de les critiquer et de les bouleverser », a mis au clair la sénatrice Françoise Gatel (Union centriste), présidente de la délégation aux collectivités locales du Sénat.

Cette instance clé du Sénat a récemment mené une mission d’information « flash » pour dresser un bilan provisoire des premières années de fonctionnement des métropoles. La mission a formulé des recommandations, dans la perspective de l’examen du projet de loi 4D en juillet. Elles figurent dans un rapport intitulé « Métropoles : pour de nouvelles dynamiques territoriales », préparé par quatre sénatrices (la centriste Françoise Gatel, Dominique Estrosi Sassone (LR), la socialiste Sylvie Robert et la communiste Michelle Gréaume). Elles ont voulu retrouver l’objectif d’efficacité dans l’action publique ou encore de cohésion territoriale, que devaient favoriser les dernières réformes territoriales de 2014 et 2015.

Déjà, lors de sa grande consultation d’élus locaux menée au printemps, la délégation aux collectivités avait observé que le statut de métropole recouvrait des réalités différentes. Elles sont au nombre de 22, dont trois avec un statut particulier (Grand Paris, métropole de Lyon, métropole d’Aix-Marseille). Les sénateurs avaient encouragé à répartir de façon différente, en fonction des nécessités de chaque territoire, les compétences entre communes et intercommunalités.

Le flou de la répartition des rôles entre métropoles et communes

Première grande question : les métropoles agissent-elles seulement là où elles sont le plus efficaces ? La répartition des pouvoirs entre la métropole et les communes qui la compose n’est pas toujours évidente. Plusieurs familles de responsabilités sont exercées de plein droit par les métropoles (le développement économique, social et culturel, l’aménagement de son territoire et la voirie, l’habitat, la politique de la ville, la gestion des services d’intérêt collectif, et l’environnement ou cadre de vie). S’y ajoutent des champs d’action optionnels, comme la santé. Mais le rapport note que le périmètre de ces compétences facultatives est « relativement flou » et varie suivant les métropoles.

Cependant, certaines compétences obligatoires de la métropole doivent cocher ce qui est appelé « l’intérêt métropolitain », c’est-à-dire qu’il y doit y avoir une réelle « plus-value » par rapport aux mêmes politiques qui seraient menées à l’échelle des communes. Mais si ce fameux « intérêt métropolitain » n’a pas été défini au préalable par la métropole, celle-ci exercera l’intégralité des compétences obligatoires. Sans définition, l’intérêt métropolitain est réputé présumé. En décembre, la Cour des comptes a d’ailleurs souligné que les métropoles avaient eu « des difficultés à définir clairement ce qui relève de l’intérêt métropolitain par rapport à celui de leurs communes membres ». Le rapport sénatorial estime par conséquent qu’il pourrait être « intéressant » de fixer plusieurs critères dans le Code général des collectivités territoriales, pour définir ce fameux intérêt métropolitain, difficile à cerner. Par exemple, la répartition des compétences pourrait être étudiée en fonction de leur technicité, des économies d’échelle ou encore des besoins de la population.

Dans la logique d’une « répartition efficace » des compétences, le rapport préconise que les compétences exercées au niveau de la métropole doivent faire l’objet d’une reconnaissance de leur intérêt. Exception faite de la compétence du développement économique, où la plus-value de la métropole est jugée « incontestable ».

De « l’avion de chasse » à « l’avion-cargo »

Pour la sénatrice LR Dominique Estrosi Sassone, il faut offrir une « agilité » aux métropoles et aux communes qui les composent. « Sans vouloir détricoter aujourd’hui ce qui relève des compétences obligatoires ou facultatives, on pense qu’on peut amener, à travers cette redéfinition du champ de l’intérêt métropolitain, plus de souplesse. »

L’efficacité des politiques ne vient pas toujours de la métropole. Vu de loin, les transports et la voirie, le développement d’axes de communication structurants, sonnent à l’évidence comme une compétence qui doit s’exercer par les métropoles. Cependant, la gestion de la voirie est parfois plus efficace au niveau des communes, et surtout plus réactive. « Le nid-de-poule n’a rien de rayonnant, son intérêt métropolitain, nous le cherchons encore », fait remarquer Françoise Gatel.

L’exemple du nid-de-poule prête à sourire, mais en réalité les métropoles ont endossé trop de responsabilités, nuisant ainsi à l’efficacité de certains dossiers. « Les métropoles ont été conçues comme des avions de chasse, un outil de frappe économique. On les a transformées un peu en avions-cargos », compare Françoise Gatel. La tour de contrôle sénatoriale appelle donc à ne pas trop charger les métropoles, ni à trop dégarnir les communes dans leur rayon d’action.

Un accompagnement financier pour développer les solidarités entre les métropoles et leurs territoires

Le rapport a également répondu à une deuxième grande question : les métropoles ont-elles encouragé un développement des territoires environnants ? Les sénatrices ont étudié les apports que les métropoles ont su ou non insuffler. Là encore, il y a une grande hétérogénéité de situations, mais le bilan est un peu en demi-teinte. « Toutes les métropoles n’ont pas eu un effet d’entraînement sur les territoires voisins », constate Françoise Gatel. La loi Maptam de 2014 (loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) était très claire sur le sujet : les métropoles doivent « concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional ». La solidarité et les enrichissements mutuels se matérialisent par des contrats de coopération métropolitaine et des contrats de réciprocité ville-campagne. Le rapport en a recensé 17, et souligne que ces coopérations sont réussies lorsque la volonté politique locale est forte et qu’il y a le sentiment que les engagements profitent aux deux parties. Le rapport encourage à inscrire dans la loi l’obligation pour les contrats de plan État-région de faire figurer un volet sur la coopération entre la métropole et son entourage.

Pour systématiser les contrats de coopération, le rapport préconise de développer des mécanismes incitatifs. Un encouragement financier est préconisé, et pourrait être défendu dans un amendement dans le prochain budget. Les sénatrices recommandent d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux métropoles qui développent des coopérations territoriales. Le tout, sans bien sûr pénaliser les fonds disponibles pour les autres collectivités.

Si le nombre de coopérations apparaît encore « limité », la sénatrice Michelle Gréaume reconnaît qu’il faut « aussi saluer les bonnes pratiques », témoignant des retours d’un questionnaire adressé à 675 communes membres de métropoles. « Il y a 57,4 % d’entre elles qui estiment que la métropole développe suffisamment de coopération avec les territoires voisins. »

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