Les pluri-actifs, déçus d’une classe politique « dépassée »
Ils sont en même temps cuisinier et animateur, architecte et professeur ou encore vendeuse en magasin bio et responsable culturelle: leurs...

Les pluri-actifs, déçus d’une classe politique « dépassée »

Ils sont en même temps cuisinier et animateur, architecte et professeur ou encore vendeuse en magasin bio et responsable culturelle: leurs...
Public Sénat

Par Tiphaine HONORE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Ils sont en même temps cuisinier et animateur, architecte et professeur ou encore vendeuse en magasin bio et responsable culturelle: leurs profils sont très divers, mais ces pluri-actifs considèrent tous à l'approche de la présidentielle que les candidats ont "un train de retard sur l'emploi".

"Les politiques n'ont pas compris que le monde du travail est en pleine révolution", regrette Marielle Barbé, écrivaine, consultante en communication et coach en entreprise.

Comme 1,4 million de personnes recensées par la Dares, le service des statistiques du ministère du Travail, elle cumule plusieurs activités et juge "l'environnement juridique inadapté à ceux qui ne rentrent pas dans les cases".

"Il faut créer un statut souple qui ne soit pas un frein au travail et donne un minimum de protection", assène cette autodidacte hyperactive qui craint par dessus tout de tomber malade, sa couverture santé étant "réduite".

Cette "slasheuse", comme elle aime se décrire, reprenant un terme qui s'applique aux actifs multipliant les emplois, n'attend "pas grand chose de la présidentielle". Le coworking ou le développement des start-up sont pour elle des indices "d'un tsunami imminent" qu'aucun candidat "ne voit venir". "Les politiques doivent avoir un électrochoc" résume-t-elle.

Baptiste Bernier, architecte, urbaniste et professeur d'université à Paris, le 5 avril 2017
Baptiste Bernier, architecte, urbaniste et professeur d'université à Paris, le 5 avril 2017
AFP

"Les politiques font preuve d'une inertie folle", abonde Baptiste Bernier, architecte, urbaniste et professeur d'université à Paris. "Le schéma peine à se renouveler, contrairement à mon environnement de travail, souple et réactif", juge le trentenaire.

De retour d'Allemagne où il a vécu plusieurs années, il considère qu'"il ne faut pas tout déréglementer mais plutôt instaurer une sorte de droit à l'expérimentation. Pour lui, le revenu universel, proposé par le socialiste Benoît Hamon "pourrait aller dans ce sens" car être pluri-actif indépendant est "un sacrifice financier". "Pendant deux ans je n'ai perçu aucun salaire, le temps de lancer mes activités. Cela n'incite pas les gens qui ont des idées à les mener à bien", relève-t-il.

- Une forme de précarité -

Créateur du Salon SME à l'origine d'une étude sur les "slasheurs", Alain Bosetti juge, lui, que "la liberté ne peut être séparée de la prise de risque".

"On est assez grand pour se prendre en main sans avoir besoin des politiques" estime-t-il, considérant le statut d'auto-entrepreneur comme "un bon véhicule juridique" pour développer plusieurs activités en parallèle.

Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
AFP

Pour s'assurer une protection sociale satisfaisante, la moitié des pluri-actifs conserve un emploi salarié comme activité principale selon le Salon SME. Ses chiffres indiquent que 70% d'entre eux cumulent plusieurs emplois par choix et non par obligation financière.

Une situation nuancée par la Dares. Dans une étude d'octobre 2016, elle relevait que les pluri-actifs "subissent souvent un temps partiel contraint" et une forme de précarité, comme en a fait l'expérience Alexandre Schiratti, cuisinier et formateur.

Dans la grande cuisine de son espace de travail partagé, il jongle avec les casseroles comme il le fait avec ses emplois. "Multiplier les boulots n'était pas voulu au départ mais cela me permet d'avoir un salaire décent". "J'attends de pouvoir travailler avec un minimum de sécurité" résume-t-il, sans croire qu'elle viendra des postulants à l'Elysée.

Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
AFP

Une réalité que partage également Charline Fortin, jeune titulaire d'un Master de politique culturelle à Paris 7. Depuis deux ans, elle mène de front un mi-temps dans un magasin d'alimentation bio et des contrats de courte durée dans un théâtre. "La possibilité d'obtenir un CDI à temps plein dans le secteur culturel me parait lointaine", regrette-t-elle.

"J'ai l'impression que je ne trouverai que des petits jobs d'exécutant, pas en lien avec mes études", décrit la jeune femme. Les échéances électorales à venir lui laissent déjà un goût amer: "je n'ai pas envie d'être toujours plus flexible, d'avoir des contrats à la journée".

Elle ira voter le 23 avril mais se dit résignée: "s'il y a des changements à venir, ils émergeront de la base".

Partager cet article

Dans la même thématique

Les pluri-actifs, déçus d’une classe politique « dépassée »
4min

Politique

711 jours otage au Mali : « C’est l’histoire la plus extraordinaire et terrible de ma vie » raconte Olivier Dubois

C’est un journaliste pas comme les autres. Parti interviewer un lieutenant djihadiste à Gao au Mali en mars 2021, il n’en revient que près de deux ans plus tard, après avoir été capturé par des terroristes. Une expérience marquante qui a chamboulé sa vie. Sa passion du journalisme est-elle toujours intacte ? Comment tenir dans de telles conditions, mais surtout comment se reconstruire ? Olivier Dubois répond à ces questions dans l’émission Un monde, un regard de Rebecca Fitoussi.

Le

Les pluri-actifs, déçus d’une classe politique « dépassée »
3min

Politique

Fin des moteurs thermiques en 2035 : « Si on n’a pas de période de transition, c’est du suicide économique » selon l’eurodéputé belge Benoît Cassart

D’ici à 2035, la vente des ventes de voitures thermiques neuves sera interdite. Un objectif remis en cause par la droite européenne et les défenseurs de l’automobile. Un enjeu majeur pour l’Union, où 8 véhicules neufs sur 10 roulent encore à moteur thermique. Voiture thermique stop ou encore on en débat dans l’émission Ici L’Europe présentée par Caroline de Camaret et Alexandre Poussart.

Le

MIGRANTS – CALAIS – CLASK DUNES
8min

Politique

Accord franco-britannique sur les migrants : « On va se renvoyer à la frontière les migrants dans un jeu de ping-pong », dénonce l’écologiste Guillaume Gontard

L’accord sur les migrants annoncés par Emmanuel Macron et le premier ministre britannique Keir Starmer est accueilli froidement au Sénat, à droite, comme à gauche. Du côté de Calais, « la situation est lourde à supporter », rappelle le sénateur LR du Pas-de-Calais, Jean-François Rapin.

Le