Les services publics « s’effacent peu à peu » alerte le défenseur des droits

Les services publics « s’effacent peu à peu » alerte le défenseur des droits

Dans son rapport annuel, le défenseur des droits pointe un repli des services publics, et une « banalisation de la « non-réponse ». Parallèlement, Jacques Toubon note un renforcement de la sécurité et de la répression face à la menace terroriste, aux troubles sociaux et à la crise migratoire.
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« Dans de nombreux cas, les difficultés que doivent surmonter les usagères et usagers pour accéder à leurs droits de manière effective s’apparentent moins à des défaillances qu’à des obstacles mis en place plus ou moins délibérément par les pouvoirs publics » souligne Jacques Toubon dans son rapport annuel. En 2018, le défenseur des droits et ses 501 délégués présents dans toute la France ont constaté « les effets néfastes de l’évanescence croissante des services publics ». Avec un total de 96.000 dossiers en 2018, le Défenseur des droits a vu les réclamations augmenter de 6,1% sur l'année et de 13% sur deux ans.

« Les effets néfastes de l’évanescence croissante des services publics »

L’année dernière, les réclamations liées aux services publics ont, dans une très large part (93%), le plus occupé le Défenseur des droits : retards dans le versement de certaines retraites, suppression du guichet dans les préfectures pour délivrer le permis de conduire, déserts médicaux, réorganisation des juridictions.

La pression budgétaire sur les administrations et leur dématérialisation « à marche forcée » prônée par l’exécutif, inquiète le Défenseur des Droits. Il alerte particulièrement sur « l'exclusion numérique ». Environ 7,5 millions de personnes restent « privées d'une couverture internet de qualité », rappelle-t-il. En guise d’exemple, l’institution souligne l’impossibilité d’obtenir un certificat d’immatriculation (car les pièces jointes exigées dépassent 1 mégaoctet), entraînant l’abandon des démarches.

« C’est plus qu’une fracture numérique. C’est en fait une organisation des services publics, des procédures, des effectifs, qui font qu’il y a de moins en moins de présence humaine dans les administrations en face des usagers, des prestataires, des justifiables… Toutes les personnes qui ont besoin des services publics » a pointé Jacques Toubon lors de son point presse ce mardi (voir la vidéo). Il ajoute : « Il existe entre 20 et 25% de la population qui ne peut pas accéder aux services publics et donc à ses droits au travers des demandes en ligne ».

Le rapport annuel observe également « un repli » des services publics considérés comme « de plus en plus distants ». « Confrontés à l’essor de la pauvreté, les services publics, en particulier sociaux, ont tenté de faire face à l’afflux des demandes en développant le traitement de masse des dossiers (…) Or, les situations individuelles des personnes les plus précaires, qui constituent des cas d’urgence majeure, sont souvent complexes. Elles exigent à la fois du temps et des capacités d’adaptation, ainsi que des contacts humains avec des interlocuteurs » note le rapport.

Un tableau noir que Jacques Toubon relie également au ras-le-bol fiscal exprimé par les « gilets jaunes ». Selon lui, « en s'effaçant peu à peu, les services publics qui, en France, constituent un élément essentiel du consentement à l'impôt, hypothèquent la redistribution des richesses et le sentiment de solidarité, sapant progressivement la cohésion sociale ». « La banalisation de la non-réponse, le repli des services publics, obstacles dans l’accès aux droits : les transformations du service public, présentées comme porteuses d’amélioration pour tous les usagers, peuvent donner le sentiment de faire disparaître la protection qu’apportait jusqu’à présent la puissance publique ».

« Le nombre, jamais vu, d'interpellations et de gardes à vue intervenues de manière préventive »

Autre inquiétude, Jacques Toubon s’interroge sur « le nombre, jamais vu, d'interpellations et de gardes à vue intervenues de manière préventive » lors de certaines manifestations. Selon lui, les directives des autorités pour gérer la contestation sociale « semblent s'inscrire dans la continuité des mesures de l'état d'urgence », décrété après les attentats du 13 novembre 2015.

Ce régime d'exception, resté en vigueur pendant deux ans et dont certaines dispositions ont été conservées dans la loi, a agi comme une « pilule empoisonnée » venue « contaminer progressivement le droit commun, fragilisant l'État de droit », estime l’institution.

Pour le Défenseur, il a « contribué à poser les bases d'un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion, au sein duquel les droits et libertés fondamentales connaissent une certaine forme d'affaissement ».

Cette logique sécuritaire imprègne également, selon lui, le droit des étrangers. La France mène « une politique essentiellement fondée sur la police des étrangers, reflétant une forme de criminalisation des migrations » peut-on lire.

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