Les « territoires zéro chômeur » : panacée ou fausse bonne idée ?

Les « territoires zéro chômeur » : panacée ou fausse bonne idée ?

Rares sont les régions françaises à connaître le plein-emploi. Certains vous diront même que c’est impossible. Pourtant, c’est bien l’ambition portée par le dispositif « territoire zéro chômage » , qui propose un CDI à chaque chômeur de longue durée. Mais, alors que l’Assemblée et le Sénat viennent de voter à l’unanimité l’extension du projet à 50 nouveaux territoires, ce dispositif est-il efficace ? C’est la question à laquelle tente de répondre le journaliste Fabien Recker avec son reportage : Territoires zéro chômeur.
Public Sénat

Par Hugo Ruaud

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Au lieu de dépenser de l’argent pour aider les personnes privées d’emploi, pourquoi ne pas plutôt financer des emplois utiles à la collectivité ? En 2016, dix territoires pilotes se sont lancés dans cette expérimentation d’une durée de cinq ans. Grâce à ce dispositif à Prémery dans la Nièvre, David, ancien chômeur de longue durée, a pu retrouver un emploi. Depuis trois ans, il est en CDI chez l’EBE 58 une entreprise « à but d’emploi » pour laquelle il répare des vélos : « Je suis resté 5 ans au chômage. Ici ça a été une aubaine, un travail à deux cents mètres de chez moi, fallait pas rater ça ! Quand vous ne travaillez pas, vous vous sentez inutile. » Depuis qu’il a commencé, David a retrouvé le moral : « ça fait du bien de bosser », et « surtout il y a un salaire qui tombe tous les mois ». 

Dans ces territoires on a décidé de subventionner l’activité plutôt que le chômage

Comme David, 90 anciens chômeurs travaillent à l’EBE58 à temps plein, ou à temps choisi, sur une dizaine d’activités. Ces emplois sont subventionnés par l’Etat, à hauteur de 18 000 euros par an et par poste soit à peu près le montant de l’indemnisation des chômeurs : « le coût du chômage longue durée en France pour l’Etat et les collectivités territoriales est d’environ 18 000 euros par an et par personne. Le coût d’un emploi rémunéré au Smic, c’est environ 20 000 euros. On crée donc dans les territoires des activités qui n’existaient pas, en se servant des 18 000 euros du chômage longue durée pour les financer. En fait on transforme un coût en un investissement » conclu celui qui a imaginé le concept.

Et ça fonctionne : auparavant sinistré Prémery connaît à nouveau un environnement socio-économique favorable. « On s’est rendu compte que c’était quelque chose d’extrêmement important d’avoir l’EBE à Prémery, car c’est la première entreprise de la commune et une bonne partie du salaire des employés est réinvestie ici, dans les commerces » se félicite Alexis Plissson, maire de Prémery. En effet, depuis l’installation de l’EBE 58, un magasin d’alimentation ainsi que deux boulangeries ont réinvesti le centre-ville. 

Une expérience déficitaire

Mais derrière ce succès, de nouvelles questions se posent, notamment celle de la gestion et du management des salariés. En 2019, un rapport commandité par le Ministère du travail a pointé une grande instabilité de l’organisation du travail à Prémery, et constate « une situation dégradée, face à des salariés plus difficiles à encadrer que dans des entreprises classiques ». « Offrir des emplois demande une organisation, un cadre. On ne pilote pas une entreprise de 80 salariés comme une entreprise de 5 » explique Marie-Laure Brunet, directrice de l’EBE 58. La formation doit donc également être au cœur du projet. Or justement, l’enjeu de la formation pose une autre question : quelles perspectives peut-on proposer aux personnes embauchées par les EBE ? « Tout le monde n’a pas la même vision des choses : Est-ce qu’on veut que ces personnes restent à vie dans des EBE, ou est-ce que c’est une période de transition vers une entreprise classique ? » s’interroge la sénatrice LR de l’Isère Frédérique Puissat.

D’autant que pour l’instant, malgré l’enthousiasme qu’elle suscite, l’expérimentation territoire zéro chômage demeure déficitaire d’un strict point de vue financier. Mais un service public doit-il être rentable surtout quand il redonne de l’estime de soi et de l’espérance ? « Le regard que nous porterons à cette expérimentation ne doit pas s’arrêter à cette réalité » estime Frédérique Puissat.

Le documentaire est rediffusé ce lundi 21 décembre à 17h00, sur Public Sénat, canal 13 de la TNT.

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