Loi antiterrorisme : le Sénat soutient globalement le texte, mais regrette « le temps perdu »
Mardi après-midi, le Sénat examinera le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Ses dispositions sont globalement soutenues par la majorité sénatoriale qui rejette néanmoins le dispositif de suivi administratif des anciens détenus terroristes, qu’elle juge inconstitutionnel.

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Mardi après-midi, le Sénat examinera le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Ses dispositions sont globalement soutenues par la majorité sénatoriale qui rejette néanmoins le dispositif de suivi administratif des anciens détenus terroristes, qu’elle juge inconstitutionnel.
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C’est avec une satisfaction non dissimulée que la majorité de droite et du centre de la Haute assemblée voit revenir dans l’hémicycle certaines mesures qu’elle avait déjà votées l’année dernière.

Le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement vise à pérenniser et élargir plusieurs dispositions temporaires de la loi pour renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », qui tombent en désuétude le 31 juillet prochain. Pour rappel la loi SILT a vu le jour le 1er novembre 2017, lorsque l’état d’urgence décrété après les attentats de 2015 a pris fin.

« Le texte que vous nous proposez est celui qu’on vous proposait le 22 octobre dernier à quelques exceptions près »

Or, en octobre dernier, la commission mixte paritaire n’avait pas mis d’accord députés et sénateurs. Les premiers avaient refusé de pérenniser certaines mesures votées au Sénat préférant ainsi prolonger leur caractère temporaire jusqu’au 31 juillet 2021. « Vous n’avez pas retenu la plupart de nos observations parce que finalement le texte que vous nous proposez est celui qu’on vous proposait le 22 octobre dernier à quelques exceptions près […] On a perdu huit mois », n’avait pas manqué de faire remarquer Le rapporteur du texte, Marc-Philippe Daubresse (LR), lors de l’audition de Marlène Schiappa, le 9 juin dernier.

Présenté en Conseil des ministres, en avril dernier, quelques jours après le meurtre d’une fonctionnaire de police à Rambouillet, ce texte technique vise à faire entrer définitivement dans le droit quatre mesures principales. La mise en place de périmètre de protection d’un lieu ou d’un événement, « depuis le 1er novembre 2017, 617 ont été mis en place », avait rappelé la ministre déléguée à la Citoyenneté. Il permet de procéder à la fermeture administrative de lieux de culte (5 lieux de culte ont été fermés depuis 2017), d’effectuer des visites domiciliaires et les saisies (481 visites dont 304 après l’assassinat de Samuel Paty), enfin et surtout, il autorise des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) qui s’apparentent à une assignation à résidence.  « 452 ont été édictées depuis le 1er novembre 2017, 73 en vigueur », avait listé Marlène Schiappa.

Anciens détenus terroristes : « Mesure judiciaire de réadaptation sociale », plutôt qu’extension du contrôle administratif

C’est ce dernier point, l’article 3, qui fait tiquer les sénateurs. Selon le texte tel que voté par l’Assemblée nationale, les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme (ou trois ans en récidive) pour terrorisme pourront désormais faire l’objet de contraintes administratives jusqu’à deux ans après leur sortie de prison, contre un an aujourd’hui. Mais l’extension des délais des MICAS a déjà fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel. L’année dernière, en effet, la proposition de loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine » de la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (LREM) et du député LREM Raphaël Gauvain, n’avait pas résisté à la censure des Sages. Elle autorisait des MICAS jusqu’à un maximum de dix ans après la sortie de prison de l’ancien détenu. « Nous sommes très inquiets de la constitutionnalité de cet article 3 », a déjà prévenu le sénateur Marc-Philippe Daubresse.

En commission des lois, les sénateurs ont réécrit cet article et ont substitué l’extension des MICAS à « une mesure judiciaire à visée non pas seulement de réadaptation sociale, mais également de surveillance de l’individu ». Elle reprend une proposition de loi du président de la commission des Lois François-Noël Buffet (LR) déjà votée par le Sénat en première lecture il y a un mois.

« Nous avons voté, il y a quelques jours, un texte qui assure l’équilibre entre d’une part la mesure administrative qui est limitée dans le temps et d’autre part, la mesure judiciaire qui vient prendre le relais jusqu’à trois ans ou 5 ans », avait souligné lors de l’audition de Marlène Schiappa, François-Noël Buffet.

Le gouvernement estime pour sa part que l’extension des MICAS « est indispensable » et a déposé un amendement en séance pour revenir à la version initiale du texte. « La sortie de détention de 188 condamnés terroristes islamistes d’ici 2025, dont beaucoup demeurent ancrés dans une idéologie radicale, représente un enjeu sécuritaire majeur et nécessite que le gouvernement se dote de moyens efficaces de prévenir la récidive […] Pour ces profils présentant une dangerosité élevée, la limite de 12 mois se révèle toutefois inadaptée », peut-on lire dans les motifs de l’amendement.

Extension de la technique de l’algorithme aux URL : le sénat veut une expérimentation

Sur le volet renseignement, le projet de loi pérennise et étend le recours à la technique de l’algorithme, introduite par la loi Renseignement de 2015 et prolongée par la loi SILT. Le texte entend améliorer l’efficacité des algorithmes en l’étendant aux adresses web (« URL ») complètes.

Les sénateurs ont accepté en commission de pérenniser la technique dite de l’algorithme qui permet d’analyser des données de navigation sur internet fournies par les opérateurs télécoms. Concernant son extension aux URL de connexion (article 13), les sénateurs ont préféré se limiter à une expérimentation.

La gauche du Sénat, le groupe CRCE à majorité communiste et le groupe écologiste ont déposé des amendements de suppression de cet article 13, qu’ils jugent « attentatoire à la protection de la vie privée et des données personnelles ». Globalement, ce sont deux motions de rejet de l’ensemble du texte que ces deux groupes ont déposé.

L’article 15 oblige les opérateurs à conserver les données de connexions pendant une durée d’un an « pour les besoins de la lutte contre la criminalité grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale ». Une disposition qui suscite un conflit de jurisprudences.

Dans une décision d’octobre 2020, la Cour de Justice de l’Union européenne avait jugé contraire au droit de l’Union, cette conservation généralisée et proposait de les limiter aux besoins d’une enquête en matière de criminalité grave. Une distinction inopérante pour le Conseil d’Etat qui dans sa décision du 21 avril, s’en tient au « principe de proportionnalité entre gravité de l’infraction et l’importance des mesures d’enquête mises en œuvre, qui gouverne la procédure pénale ».

La commission des lois a adopté cet article 15 afin de « conserver les capacités opérationnelles des services de renseignement et celles de l’autorité judiciaire en cas de criminalité grave ». Un article qui lui aussi fait l’objet d’amendements de suppression du groupe CRCE et écologiste. Comme l’a relevé la commission des lois, le groupe PS note que l’application de cet article 15 « risque d’impacter sensiblement » une large partie des investigations du quotidien et propose d’en clarifier la portée en définissant les infractions pénales « graves ».

Le texte est examiné en séance publique au Sénat le 29 et 30 juin.

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