En cette semaine de l’agriculture, la commission de l’aménagement du territoire du Sénat auditionnait Julien Denormandie sur le projet de loi « Climat et Résilience », qui arrive en séance publique à la Haute assemblée à partir du 15 juin. « J’ai une vision politique […] qui est véritablement ancrée sur cet objectif de souveraineté agroalimentaire » a rappelé le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, en introduction.
Hasard du calendrier cette audition se tenait le même jour que le « Grand rendez-vous de la souveraineté alimentaire » organisé en visioconférence par le Conseil de l’Agriculture française (CAF). Un évènement au cours duquel le chef de l’Etat a indiqué, en visioconférence, vouloir agir pour permettre l’instauration de « clauses miroirs » dans les accords commerciaux de libre-échange, afin que les normes des produits agricoles importés soient conformes aux standards européens.
« La cantine, c’est un lieu profondément républicain »
En attendant, le projet de loi fixe un minimum de 60 % de viande et poisson de « qualité » (sous label) dans les cantines scolaires, à compter de 2024, pour éviter les produits transformés ou importés et interdit de recourir à des viandes de synthèse ou issues de cultures cellulaires. « Le défi, c’est celui de l’équilibre nutritionnel de ce qui est présenté dans les cantines des enfants de la République. C’est le ministre qui parle mais c’est aussi le père de 4 enfants », a souligné Julien Denormandie rappelant que 60 % de la viande actuellement servie dans les cantines était importée. « Dans certaines cantines, le poulet servi est du poulet brésilien ou ukrainien […] le fait est que le poulet ukrainien n’a pas du tout le même apport nutritionnel qu’un poulet français », a-t-il comparé.
Le projet de loi vise aussi à pérenniser la mesure instaurée par la loi Égalim : le choix d’un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires. Sur la base du volontariat, une option végétarienne quotidienne sera mise en place dans les restaurants collectifs des administrations, des établissements publics et entreprises publiques en 2023, en cas de menus multiples. « La cantine, c’est un lieu profondément républicain. Le seul angle qui doit nous guider, c’est celui de l’apport nutritionnel pour nos enfants […] Et puis, il y a un deuxième principe qui doit nous guider, c’est de laisser le choix. Le dogmatisme, c’est d’imposer. Le choix, c’est la démocratie ».
« Le texte ne donne en aucun cas la possibilité au gouvernement de mettre en place une redevance sur les engrais azotés »
Un autre point sujet à polémique a suscité des précisions du ministre, celui des objectifs européens de réduction des émissions liées aux engrais agricoles azotés : pour le protoxyde d’azote -15 % en 2030 par rapport en 2015, pour l’ammoniac -13 % en 2030 par rapport à 2005. Le texte instaure la possibilité de mettre en place une redevance sur ces engrais, si la trajectoire n’était pas atteinte pendant deux années de suite à partir de 2024. « Le texte dit clairement que si un jour il devait y avoir une redevance, ça devra être fait par le Parlement. Le texte ne donne en aucun cas la possibilité au gouvernement de mettre en place une redevance sur les engrais azotés », a-t-il rappelé.
Le corapporteur centriste du projet de loi, Pascal Martin a voulu savoir quels étaient les effets juridiques de certaines dispositions concernant l’eau. En première lecture, les députés ont inscrit la qualité de l’eau parmi les compartiments de l’environnement faisant partie du patrimoine commun de la nation. Dans le cadre de la volonté affichée de préservation et de restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques, les députés ont également précisé que les zones humides et les écosystèmes marins faisaient partie de ce grand ensemble. « Il s’agit d’une disposition forte susceptible de faire peser une charge lourde sur les finances publiques nationales et locales, le débiteur de cette obligation de restauration n’étant pas à ce jour clairement identifié », a fait valoir le sénateur. Julien Denormandie a indiqué que certains articles concernant l’eau devaient être retravaillés « pour éviter les risques ».
En ce qui concerne les retenues d’eau pour l’agriculture, « ça fait 10 ans que les règles les encadrant n’existent pas et neuf fois sur dix pour ne pas dire dix fois sur dix, l’arrêté est attaqué et cassé par le tribunal administratif », a exposé le ministre de l’Agriculture se félicitant de la sortie prochaine d’un décret sur les débits d’usage de l’eau.
« Chèque alimentation durable » : « Ce n’est pas une politique sociale »
Un certain nombre de sénateurs, dont la sénatrice centriste, Anne-Catherine Loisier, a souhaité connaître les implications du « chèque alimentation durable » prévu à l’article 60. Une proposition issue de la Convention citoyenne pour le climat, permettant aux ménages les plus modestes de pouvoir acheter des produits alimentaires de qualité, bio et en circuit court.
Le projet de loi ne prévoit à ce stade qu’un rapport du gouvernement remis au Parlement dans les 6 mois de la promulgation de la loi définissant les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur, la durée, le financement du dispositif. « Ce n’est pas une politique sociale […]. Le chèque nutrition, c’est autre chose. Ce qui est interrogé, c’est la capacité à avoir accès à des aliments dont la qualité nutritionnelle est celle dont on a le droit de s’attendre. C’est une politique de santé si je puis dire […] Une fois qu’on a dit ça, il y a beaucoup de défis, des défis de mise en œuvre, d’identification du public, financiers » a consenti le ministre de l’Alimentation.