Loi climat : le Sénat veut « réconcilier la transition écologique et la transition économique »

Loi climat : le Sénat veut « réconcilier la transition écologique et la transition économique »

Après deux mois de travaux en commission, le Sénat a présenté ses principaux apports sur le projet de loi « Climat et Résilience ». Un texte, qui pour la Haute assemblée, manque de cohérence et ne concilie pas assez la transition écologique avec les enjeux économiques et sociaux. Les rapporteurs appellent solennellement le gouvernement à « écouter la voix du Sénat » afin d’aboutir à un accord avec les députés. Le projet de loi arrive en séance ce lundi 14 juin.
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2 mois de travaux, 180 auditions, une consultation des élus locaux, 218 articles, plus de 1 700 amendements examinés, pour un constat : « Ce texte n’est pas totalement à la hauteur de l’urgence climatique […] à l’échelle européenne, nous défendons une ambition de réduction nette des gaz à effets de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. La loi climat sécurise à peine un quart de ces objectifs », a regretté Jean-François Longeot président (centriste) de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, en introduction du point presse des rapporteurs des commissions permanentes saisies sur ce texte très technique qui couvre des pans entiers de la société : la consommation, la production, le travail, les transports, le logement, l’alimentation ou encore la publicité.

Du côté de la commission des affaires économiques, sa présidente, Sophie Primas (LR) présente la transition écologique comme « un formidable gisement de croissance, d’innovation, d’emploi […] et entend « faire confiance aux entreprises en comptant sur leur esprit de conquête et en responsabilisant les consommateurs ».

Mais si l’on devait résumer l’angle pris par la Haute assemblée pour aborder ce texte, c’est Marta de Cidrac (LR), la rapporteure pour la commission de l’aménagement du territoire qui a la formule la plus complète : « Réconcilier la transition écologique, sans perdre de vue la transition économique et sans perdre de vue l’aspect social des mesures qui nous ont été soumises pour examen ».

Soit la définition du développement durable telle que contenu à l’article 6 de la Charte de l’environnement qui concilie « la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

Un principe à valeur constitutionnel qui a semblé guider les sénateurs dans leurs travaux. Difficile d’être exhaustif au vu de l’étendue des enjeux que couvre ce texte (voir le dossier de publicsenat.fr). Les sénateurs ont supprimé l’interdiction des emballages en polystyrène ou autres polymères à l’horizon 2025 car elle ne prend pas en compte l’industrialisation dès 2023 en France d’une unité de recyclage des déchets en polystyrène ». Les sénateurs souhaitent que l’interdiction ne concerne que les emballages qui ne seront pas recyclables d’ici 2025. Le projet de loi qui pérennise le choix d’un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires est renvoyé au rang d’expérimentation sous la plume des rapporteurs. Dans le but de promouvoir une « alimentation souveraine et locale », la commission des affaires économiques a inclus dans la liste des produits à valoriser dans la restauration collective les produits locaux et issus de circuits courts.

« La forêt est quasiment ignorée du projet de loi initial »

En ce qui concerne la forêt, puits de carbone qui absorbe chaque année en France plus de 11 % des émissions de gaz à effet de serre, « elle est quasiment ignorée du projet de loi initiale », a pointé la rapporteure centriste pour les affaires économiques, Anne-Catherine Loisier. Là encore, le Sénat a voulu « concilier les objectifs environnementaux, sociaux et économiques », en autorisant par exemple le prélèvement du bois « pour séquestrer du carbone et ainsi répondre à l’objectif […] d’une augmentation des matériaux biosourcés dans la construction ». Un amendement visant à rétribuer les pratiques sylvicoles plus durables a également été adopté.

Le volet agriculture est également passé sous les corrections des sénateurs. Un amendement du rapporteur centriste, Pascal Martin ajoute « la prise en compte des activités humaines » à cet objectif de sanctuarisation de l’eau et sa protection dans les écosystèmes. La commission des affaires économiques a remplacé la taxation des engrais azotés qui aurait, selon elle, « accru les distorsions en faveur de produits importés moins écologiques », par un plan « Eco’Azot », plus incitatif et opérationnel ».

Sécurisation des centrales nucléaires

Plus symbolique, les sénateurs ont fait passer un amendement « fixant un principe selon lequel aucun réacteur nucléaire ne peut être arrêté en l’absence de capacités de production équivalentes fournies par des énergies renouvelables. Le Sénat souhaite aussi « sécuriser les procédures clefs pour les projets miniers » en instituant par exemple « une procédure contradictoire et une motivation explicite » à l’analyse environnementale, qui permet à l’État de refuser des projets en cas de « doute sérieux » quant à une « atteinte grave » aux intérêts environnementaux.

Le volet logement a été passablement retouché par la Haute assemblée. « L’ambition était d’être sûr d’être dans une stratégie bas carbone […] car en 2050, le parc devra être constitué essentiellement de logement A et B […] nous avons été très attentifs aux soucis des plus modestes […] Et nous avons souhaité rendre possible la gratuité des accompagnateurs pour la rénovation énergétique […] Nous souhaitons également baisser la TVA sur la rénovation des bâtiments en faveur des bailleurs sociaux à 5,5. Et nous souhaitons prendre des mesures juridiques et fiscales pour les propriétaires privés, occupants ou bailleurs pour faciliter la réalisation de leurs travaux » , a listé Sophie Primas.

Suppression de l’écotaxe régionale

La commission de l’aménagement des territoires a retoqué l’article 32 qui donne l’habilitation au gouvernement à légiférer par d’ordonnance sur la mise en place d’une écotaxe « assise sur le transport routier de marchandises » dans les régions volontaires. L’amendement du rapporteur Philippe Tabarot (LR) conditionne cette écotaxe à la « non-réalisation d’une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre par le secteur d’ici 2028. « On s’est dit que ça allait créer un certain nombre de problèmes entre les régions qui allaient la mettre en place et celles qui n’allaient pas le faire […] On prend nos responsabilités. On est dans un cadre européen et tant que les choses n’ont pas avancé à ce niveau-là, il semble très prématuré de mettre en place une écotaxe qu’elle soit nationale ou régionale », a souligné le rapporteur.

Enfin, la commission a supprimé le « délit d’écocide » jugé incohérent et ambigu, lui préférant la création de délits aggravés en fonction de l’intentionnalité de l’auteur (voir notre article)

« Que le gouvernement entende la voix du Sénat et nous permette d’arriver à une CMP positive »

Le vote solennel du projet de loi est prévu le 29 juin mais les sénateurs se font peu d’illusions sur le sort qui sera fait à leurs modifications. « Je pense que le travail qui a été fait conviendra à nos collèges députés » a d’abord avancé Jean-François Longeot. Le problème réside dans la date de la commission mixte paritaire (entre députés et sénateurs), prévu à ce jour, au 2 juillet. « Je vais essayer de rester poli mais ce 2 juillet, c’est se moquer du monde […] comment voulez-vous qu’on prépare en 2 jours les éléments nécessaires pour la mise en place d’une commission mixte paritaire ? […] Si cette date était maintenue, je pense que nous irions à l’échec mais cet échec ne viendrait pas de nous », a prévenu le président de la commission de l’aménagement du territoire.

En conclusion, sa collègue Sophie Primas « fait le souhait que le gouvernement entende la voix du Sénat et nous permette d’arriver à une CMP (commission mixte paritaire) positive ».

 

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