Ce mardi, Frédéric Valletoux, député Horizons de Seine-et-Marne, ancien ministre de la Santé, était invité de la matinale de Public Sénat. Au lendemain de l’engagement de la responsabilité du gouvernement par Michel Barnier, et à la veille du vote d’une motion de censure, il est revenu sur la méthode adoptée par le Premier ministre depuis sa nomination. Il pointe notamment un manque de dialogue entre les députés du socle commun et le gouvernement.
Loi sécurité globale : quelles sont les autres mesures polémiques ?
Par Steve Jourdin
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De nouvelles prérogatives pour la police municipale
C’est le titre premier du texte de loi. Dans son article 1, la proposition de loi élargit le champ de compétences des polices municipales. En langage juridique, on parle d’une « expérimentation ». Pendant trois ans, les policiers vont « expérimenter l’élargissement de leur domaine d’intervention sur la voie publique » dans les communes disposant d’une police municipale de plus de 20 agents. Alors que les rapporteurs du texte au Sénat, Marc-Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (UC), sont à première vue, favorables au dispositif, il est accueilli avec la « plus grande prudence » par la sénatrice communiste Cécile Cukierman. « Ma crainte est que l’État renvoie la balle aux collectivités, et se décharge de sa mission d’assurer la sécurité. A terme, on risque de vouloir se passer de la police nationale. Or, la sécurité est une prérogative régalienne, on ne remplacera jamais la police républicaine » juge la vice-présidente de la commission des lois.
Le dispositif est à l’inverse jugé positif par Philippe Dominati (LR), qui y voit la « consécration définitive de la police municipale ». Selon lui, l’article 1 est même le « seul article novateur de la proposition de loi. Pendant des années, la police nationale a regardé de haut la police municipale. Progressivement, les policiers municipaux se sont imposés dans les esprits. Qu’un ancien patron du RAID (Jean-Michel Fauvergue, NDLR) soit à l’origine de ce texte n’est pas anodin : cela veut dire que la police nationale n’a plus les moyens d’assurer seule la sécurité des Français, et qu’il faut désormais faire confiance aux policiers municipaux » note le sénateur de Paris.
Concrètement, les policiers municipaux pourront désormais constater davantage d’infractions comme l’ivresse publique, la vente à la sauvette, la conduite sans permis, les squats de halls d’immeubles, les tags ou encore l’occupation illégale d’un terrain communal. Ils pourront aussi participer à l’encadrement de manifestations sportives, récréatives ou culturelles.
Un meilleur encadrement de la sécurité privée
Ils seraient actuellement 165 000 en France. A l’approche de la Coupe du monde de rugby 2023 et des JO 2024, le gouvernement souhaite mobiliser davantage les agents privés de sécurité. L’emploi d’anciens policiers à la retraite par les sociétés sera favorisé (article 15).
Le domaine d’intervention des agents sera en outre élargi. Ils seront par exemple désormais autorisés à assurer des opérations de palpation de sécurité (article 8). Le préfet pourra par ailleurs leur confier des missions de surveillance des personnes contre les actes de terrorisme (article 18).
La vidéosurveillance, les caméras piétons et les drones
Le titre 3 est consacré à la « vidéoprotection ». L’article 20 élargit les services habilités à visionner les images de surveillance. Les forces de l’ordre pourront par exemple désormais exploiter les images tirées des caméras des bailleurs pour lutter contre les occupations de halls d’immeubles. Par ailleurs, alors que l’utilisation de caméras piétons sur les forces de l’ordre doit être généralisée d’ici juillet 2021, l’article 21 autorise les autorités à rendre public l’enregistrement de ces caméras, dans un but d’« information du public sur les circonstances de l’intervention ».
Les images pourront aussi être transmises en temps réel à la salle de commandement. « Il faudra rappeler dans le texte, le rôle important de la CNIL dans le contrôle de ces dispositifs » note Marc-Philippe Daubresse (LR), alors que son collègue Loïc Hervé (UC), lui-même membre de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), demande d’ores et déjà que le Sénat saisisse l’instance afin de recueillir l'« éclairage des spécialistes sur le plan juridique et technique ».
Si elle n’est « pas opposée par principe à la vidéosurveillance », Cécile Cukierman considère qu’elle ne permet pas de tout régler. « Il ne faut pas mentir aux gens. La vidéo est un outil, mais elle ne résout rien sur le fond. Si l’on veut s’attaquer aux fléaux dans nos quartiers, comme le trafic de drogue ou le trafic d’armes, il faut renforcer les effectifs sur le terrain », selon elle.
L’article 22, qui porte sur l’utilisation des drones par les forces de l’ordre, suscite lui aussi des réticences. Alors que lors du premier déconfinement le Conseil d’Etat avait ordonné au gouvernement de cesser la surveillance de Paris, le ministère de l’Intérieur souhaite désormais encadrer une pratique aux contours encore flous. Une nécessité reconnue par Marc-Philippe Daubresse (LR), qui insiste sur la nécessité de le faire « sans toucher aux libertés publiques ». Le socialiste Jérôme Durain va dans le même sens : « Le débat n’est pas d’ordre technique. Il s’agit d’une question de doctrine d’emploi. Les drones peuvent être utiles, à condition que leur utilisation soit bien encadrée ».
Renforcer la protection des « forces de sécurité intérieure »
Certaines dispositions du titre 4 répondent directement à la demande de syndicats de policiers. C’est le cas des articles 23, 24 et 25 de la proposition de loi. Alors que le débat s’est concentré ces derniers jours sur l’article 24, l’article 23 risque de susciter lui aussi des débats passionnés (mais techniques) dans l’hémicycle. Dans sa rédaction actuelle, il prévoit la suppression de certaines réductions de peine pour les personnes condamnées à la suite d’infractions commises à l’encontre d’élus, de militaires, d’agents de la police, de la gendarmerie et des pompiers.
Enfin, l’article 25, auquel Loïc Hervé (UC) se dit « d’emblée assez favorable », autorise les forces de l’ordre à accéder à des établissements recevant du public avec leur arme de service. Une mesure que Jérôme Durain (PS) juge disproportionnée. « Récemment, il y a eu des affaires dans lesquelles les policiers ont utilisé à mauvais escient leur arme en dehors de leurs heures de service. Il faut faire attention. Je ne suis a priori pas favorable à ce genre de mesures. Il faut qu’il y ait une utilité de service. Autoriser davantage de gens armés augmente les périls pour notre société ». Les débats en séance promettent d’être agités. Réponse au premier trimestre 2021.