Lutte contre la prostitution des mineurs : « On peut annoncer des millions, mais il faut déjà appliquer les lois existantes », estime Annick Billon

Lutte contre la prostitution des mineurs : « On peut annoncer des millions, mais il faut déjà appliquer les lois existantes », estime Annick Billon

Le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance a présenté, lundi 15 novembre, un plan de lutte contre la prostitution des mineurs. Un fléau encore mal appréhendé qui concernerait entre 7 000 et 10 000 jeunes en France. Au Sénat, l’intention est saluée, mais les carences de la médecine scolaire sur l’éducation sexuelle et le peu d’effectivité des lois contre la prostitution laissent sceptiques.
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Par Héléna Berkaoui

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« Un phénomène grandissant que la société ne peut plus ignorer. » La prostitution toucherait de plus en plus de jeunes. Un fléau encore mal appréhendé par les pouvoirs publics. Le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance a présenté lundi 15 novembre un plan de lutte contre la prostitution des mineurs. Parmi les enjeux : « Une prise de conscience collective pour s’attaquer à cette menace récente, mais grandissante pour nos enfants », présente Adrien Taquet.

Un phénomène qui concerne tous les milieux sociaux

Ce plan doté de 14 millions d’euros s’est en partie construit à partir du rapport de la magistrate Catherine Champrenault. Si les données manquent sur le sujet, un profil se dessine : les jeunes concernés sont « très majoritairement des jeunes filles », « entre 15 et 17 ans » qui présentent une ou plusieurs « vulnérabilités ». Près de la moitié d’entre elles aurait connu des violences pendant leur enfance. Contrairement à ce qui peut être présumé, le phénomène concerne tous les milieux sociaux.

Une autre particularité avait été relevée par la magistrate au Sénat. Catherine Champrenault décrivait en effet des enquêteurs dépassés par les discours tenus par certains mineurs. « Alors que nous adultes, voyons ce phénomène comme de l’exploitation, elles (les prostituées mineures, ndlr) le voient comme la revendication d’un pouvoir. Elles ont le sentiment d’un choix personnel, qui se concrétise par une certaine disponibilité d’argent, massive » (lire notre article).

Le rôle des réseaux sociaux dans l’expansion de ce phénomène est largement pointé du doigt. Le gouvernement entend « renforcer les procédures de repérage, de modération et de signalement des situations prostitutionnelles susceptibles de concerner les mineurs (utilisateur vers plateforme, et plateforme vers autorités) ». Le plan du gouvernement a prioritairement pour but de mieux cerner le phénomène et « mieux repérer les enfants victimes de ce fléau, les accompagner dans une reconstruction de leur parcours de vie, mieux réprimer les clients et les proxénètes ».

Lire aussi. Confinement : une sénatrice alerte sur la prostitution des mineurs

Au Sénat, où le sujet a déjà fait l’objet de travaux au sein de la délégation aux Droits des femmes, on salue la mise en place de ce plan. La présidente de la délégation, Annick Billon (UC), soulève seulement que les dispositifs existants ne sont pas au point. La loi sur la prostitution du 13 avril 2016 présente toujours de nombreuses lacunes, « avec 1 300 « clients » verbalisés par an, les attentes ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous ».

« Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens d’agir. On peut annoncer des millions tous les jours mais il faut déjà appliquer les lois existantes », pointe la sénatrice de la Vendée. Outre la politique globale de l’Etat en matière de prostitution, Annick Billon estime également que la médecine scolaire connaît trop de lacunes : « Les heures obligatoires d’éducation sexuelle ne sont pas réalisées aujourd’hui ». Un constat qui donne une idée de l’ampleur du travail à accomplir pour lutter contre la prostitution des mineurs.

La délégation aux Droits des femmes auditionnera, jeudi prochain, la procureure Générale auprès la cour d’appel de Paris, Catherine Champrenault, au sujet du rapport, dont elle a présidé le groupe de travail « Combattre la prostitution des mineurs ».

 

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