Lutte contre le terrorisme : la « task force » est-elle vraiment nouvelle ?

Lutte contre le terrorisme : la « task force » est-elle vraiment nouvelle ?

La création d’un « centre national du contre-terrorisme » a été actée ce mercredi, en Conseil de défense. Il s’agit de la « task force »  chargée de coordonner les services de renseignement, mesure phase du programme d’Emmanuel Macron en matière de lutte contre le terrorisme. Ses contours ont à peine été précisés que déjà la crainte d’une structure de plus dans le « millefeuille » déjà existant se fait entendre.
Public Sénat

Par Alice Bardo

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Emmanuel Macron s’était engagé à créer une « task force » pour assurer la coordination des services de renseignement, c’est désormais chose faite. Ce matin, le Conseil de défense a acté la création d’un « centre national du contre-terrorisme ». Cette nouvelle structure sera placée au sein du Conseil national du renseignement (CNR), créée en 2008, dont le rôle est … d’assurer la coordination des services de renseignement français. « Si l’objectif est de renforcer le pouvoir du CNR c’est plutôt une bonne orientation (…) Le CNR était une bonne idée mais a eu beaucoup de mal à fonctionner », commente Gilles Sacaze, ancien de la Direction générale du renseignement extérieur (DGSE) et dirigeant du groupe Gallice, une société spécialisée et dédiée à la protection des personnes en France et à l’international.

« Il est indispensable d’avoir une coordination mais celle-ci n’est pas inexistante »

Mais comme  Pierre Martinet, lui aussi ancien de la DGSE, il craint qu’il s’agisse de « rajouter une couche au millefeuille ». En effet, comme le souligne Nathalie Cettina, chargée de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), « il est indispensable d’avoir une coordination mais celle-ci n’est pas inexistante ». Elle cite ainsi le CNR, mais également l’Unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLA), rattachée au ministère de l’Intérieur. Gilles Sacaze regrette d’ailleurs que l’exécutif ait choisi de nommer la « task force » centre national du contre-terrorisme, ce qui acte une mission plus ou moins similaire à celle de l’UCLA. « Il ne faut pas limiter la problématique au terrorisme car d’autres choses nourrissent le terrorisme (…) L’approche devrait être plus large et faire du terrorisme une priorité », explique le dirigeant de Gallice.

Nathalie Cettina regrette, quant à elle, qu’il s’agisse d’une « structure de coordination assez institutionnelle alors qu’il y a aussi besoin de coordination opérationnelle, au plus près de la collecte et de la recherche de renseignements », sur le terrain. Une position partagée par Gilles Sacaze : « C’est important de rappeler que les moyens opérationnels méritent toute notre attention et nos efforts. Ils ont été dimensionnés en temps de paix puis renforcés, mais pas encore suffisamment. » Ce matin, l’Élysée a en effet précisé que l’équipe du « centre national de renseignement », composée d’une vingtaine de personnes, sera chargée du « pilotage stratégique des services de renseignement », pour assurer leur bonne coordination, mais « en aucun cas de leur direction opérationnelle ».

« Trois nominations concomitantes pour créer une osmose »

Si ses contours sont encore flous au point que certains doutent tant de sa singularité que de sa plus-value, le « centre national du renseignement » sera, à la différence de l’UCLA, rattaché au président de la République. Et de nouvelles têtes vont faire leur apparition : Pierre Bousquet de Florian, ex-numéro 1 de la Direction de la surveillance du territoire (DST, ex DGSI) qui sera à la tête de cette « task force », ainsi que Laurent Nunez et Bernard Emié, qui dirigeront respectivement la DGSI et la DGSE. « Trois nominations concomitantes (…) pour créer une osmose totale dans notre capacité de renseignement », a précisé Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement. Et d’ajouter : « Ce sont trois personnalités qui travailleront ensemble, qui  se connaissent. » Pour Gilles Sacaze, il s’agit de « gens qui ont incontestablement une expertise. »

Castaner précise les contours de la task force
01:09

Pour sa part, Guillaume Farde, directeur d’Althing Sécurité et Intelligence économique, résume le « centre national du renseignement » en « une force très concentrée avec des correspondants rassemblés pour aider le Président dans un temps très court à prendre la meilleure décision ». Cette nouvelle structure créée par l’exécutif fonctionnera en effet 24 heures sur 24, et sera installée au Palais de l’Élysée, au plus près du chef de l’État. Il soulève cependant une question : « Est-ce que les directeurs de renseignement vont accepter de traiter avec cette structure plutôt que directement avec le Président ou les ministres ? »

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