Emmanuel Macron demande la renégociation des contrats d’électricité « excessifs » pour les TPE : les sénateurs dubitatifs

Emmanuel Macron demande la renégociation des contrats d’électricité « excessifs » pour les TPE : les sénateurs dubitatifs

Les très petites entreprises frappées par la hausse des prix de l’énergie vont pouvoir renégocier leurs « contrats excessifs » avec leur fournisseur d’énergie, a annoncé Emmanuel Macron. Cette mesure, annoncée mercredi pour les boulangers, est donc étendue à l’ensemble des artisans. Les sénateurs regrettent des dispositifs d’urgence et de court terme, mais ne voient pas comment contraindre les fournisseurs d’électricité.
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Par Tam Tran Huy

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Les très petites entreprises frappées par la hausse des prix de l’énergie vont pouvoir renégocier leurs « contrats excessifs » avec leur fournisseur d’énergie, a annoncé Emmanuel Macron. Cette mesure, annoncée mercredi pour les boulangers, est donc étendue à l’ensemble des artisans. Les sénateurs regrettent des dispositifs d’urgence et de court terme, mais ne voient pas comment contraindre les fournisseurs d’électricité.

Une renégociation de contrat possible pour les TPE

Lors de la traditionnelle cérémonie de la galette de l’Epiphanie, Emmanuel Macron ne s’est pas contenté de s’adresser aux boulangers. Alors que l’accent a été mis sur les difficultés de cette profession ces derniers jours, d’autres font face aux mêmes difficultés. « Pour nos bouchers, nos artisans et l’ensemble de nos TPE, tous ceux qui sont au-dessus des prix de référence donnés par la Commission de régulation de l’énergie [280 euros/MWh]. Ce qu’on va demander aux fournisseurs d’énergie, c’est de revenir vers les artisans pour remettre ces contrats dans le lit de la rivière » a expliqué le président de la République en une image. Selon le moment où ils ont renégocié leurs contrats, certains artisans ont en effet vu le prix de leur électricité multiplié par 5 ou 10.

Alors que Gérard Larcher a refusé un nouveau « quoi qu’il en coûte » dans cette situation de crise ce matin sur BFM-TV, Emmanuel Macron a précisé : « Ce n’est pas l’Etat qui va renégocier ces contrats, on demande aux fournisseurs de le faire. »

« On improvise, c’est une mesure d’urgence »

Une mesure que les sénateurs de gauche trouvent largement insuffisante. Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône et vice-président de la Délégation aux entreprises estime « qu’on improvise, c’est une mesure d’urgence ». Pour lui, le dispositif reste timide : il concerne les contrats au-delà de 280 euros/MWh, alors que désormais, les Etats européens se sont mis d’accord pour plafonner le prix de gros du gaz à 180 euros/MWh rappelle le parlementaire. « On a oublié tout outil de régulation de maîtrise publique du coût de l’énergie » regrette-t-il encore. Même son de cloche chez le socialiste Franck Montaugé, Premier vice-président du groupe d’étude sur l’énergie : « On a levé tous les mécanismes de protection, de régulation et dès qu’on est dans une situation exceptionnelle comme aujourd’hui, tout nous échappe. » Et de rappeler : « Le problème des prix et des tarifs est antérieur à la crise ukrainienne. »

Un dispositif d’aide décentralisé au niveau des préfectures

Catherine Dumas, sénatrice LR de Paris, seule parlementaire présente à l’Elysée au milieu des boulangers, des MOF et des apprentis, car présidente du comité de soutien pour le classement de la baguette par l’Unesco, salue, elle, le travail de pédagogie d’Emmanuel Macron. « C’est la première fois, et je l’ai dit au Président de la République, que j’entendais un discours très clair. » Il est vrai que le chef de l’Etat a explicité, aussi simplement que possible, des dispositifs d’aide dont les mécanismes échappent à beaucoup. Objectif de sa démonstration : justifier l’efficacité de l’aide proposée par l’Etat, qui prendra en charge 40 % du surcoût supporté par les TPE et mettre en avant l’aide plus méthodologique et psychologique qui sera apportée par les préfectures pour que les artisans puissent renégocier leurs contrats avec leur fournisseur d’électricité.

« Le Président du Sénat l’avait demandé, c’est une des annonces les plus importantes, le fait que le dispositif soit décentralisé pour mesurer les problèmes humains et la complexité des situations. » juge la sénatrice. Gérard Larcher, ce matin, a en effet regretté sur BFM-TV : "Le gouvernement ne nous a pas assez écoutés sur la simplicité des mesures, sur leur accessibilité, sur le fait qu’il fallait décentraliser les guichets d’aide au niveau des préfectures des départements… » Il semble donc avoir été écouté, au moins sur la dernière partie de ses propositions. Une mesure aussi saluée à gauche par Thomas Dossus : « le déploiement dans les préfectures, cela permet une réponse rapide. On sait faire, ça a été efficace pendant le covid-19. »

"J’en ai comme vous assez qu’on ait des gens qui, sur la base de la crise, fassent des profits excessifs »

 

Lors de ses vœux, Emmanuel Macron a critiqué vertement ceux qui profitent de la situation : « J’en ai comme vous assez qu’on ait des gens qui, sur la base de la crise, fassent des profits excessifs » a lancé le chef de l’Etat à la fin de son propos. Une critique qui ne suffit pas à convaincre Franck Montaugé. « On ne pas se contenter de discours et de belles paroles. On attend des résultats. » Le Premier vice-président du groupe d’étude sur l’énergie s’interroge aussi sur la façon dont l’Etat peut contraindre les fournisseurs d’électricité. « Je ne vois pas dans quel cadre juridique, en vertu de quel principe d’exception, on pourrait contraindre les fournisseurs d’électricité. Si ce n’est pas sur une base volontaire, on ne peut pas les obliger ». Thomas Dossus renchérit : « Je vois bien la carotte, avec la prise en charge par l’Etat des 40 % de surplus, mais je ne vois pas le bâton pour contraindre. »

Réformer le prix de l’électricité au niveau européen

Nœud du problème pour les parlementaires, également abordé ce matin par Emmanuel Macron : la formation du prix de l’électricité au niveau européen. « On a un marché de l’électricité mal fichu en Europe : le prix de l’électricité dépend complètement de celui du gaz. Ce problème structurel, on est en train de le régler. » a évacué assez rapidement le président de la République. Mais cette promesse de découpler le prix de l’électricité de celui du gaz tarde à se concrétiser et les parlementaires sont plus que dubitatifs. « Moi, je ne vois rien. Rien ne s’est passé. Il n’y a eu que quelques intentions vagues. » résume Franck Montaugé, qui s’inquiète des effets en cascade sur l’ensemble de l’économie : « Les Américains ne sont pas dans le libre marché avec l’Inflation Reduction Act, ils sont patriotiques. Il faut arrêter avec le dogme de la concurrence non faussée. Je ne suis pas pour une économie administrée, une économie soviétique mais il faut que les Etats reprennent la main où on va tout casser. »

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