Macron demande un rapport… puis supprime l’ENA

Macron demande un rapport… puis supprime l’ENA

Il aura ménagé le suspense jusqu'au bout: dans le long propos liminaire de sa première grande conférence de presse solennelle à l'Elysée,...
Public Sénat

Par Hervé ASQUIN

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Il aura ménagé le suspense jusqu'au bout: dans le long propos liminaire de sa première grande conférence de presse solennelle à l'Elysée, Emmanuel Macron s'est contenté de confier à "Monsieur Thiriez" une mission sur une "réforme ambitieuse" de la haute fonction publique.

Puis une demi-heure plus tard, répondant à une question de l'AFP, il lâche une bombe : pour que cette réforme porte ses fruits, "il faut supprimer entre autres l'ENA", l'Ecole nationale d'administration.

Emmanuel Macron a ainsi confirmé ce qu'il avait qualifié lui-même de "rumeurs" quelques minutes plus tôt, allant jusqu'à laisser entendre qu'il renonçait à faire tomber le couperet sur cette école considérée par beaucoup comme le creuset de la technocratie française.

"Il ne s'agit pas simplement de supprimer telle ou telle chose pour en faire des symboles", avait lâché, sibyllin, le chef de l'Etat.

Volte-face ou non, plusieurs médias, dont l'AFP, avait déjà évoqué la suppression de l'ENA parmi les réponses à la crise des "gilets jaunes" que le chef de l'Etat aurait dû apporter dès son allocution du 15 avril si l'incendie de Notre-Dame n'avait pas contrarié ses projets.

Alors pourquoi supprimer l'ENA, s'est lui-même interrogé ? "Pas pour le plaisir" mais "pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux".

L'ENA, école du pouvoir
Infographie des les memebres du gouvernement et de l'équipe du Président Emmanuel Macron qui ont étudié à l'École nationale d'administration (ENA)
AFP

Foin donc des "rafistolages", du serpent de mer de la réforme du classement de sortie "tenté par à peu près tous (s)es prédécesseurs"... L'heure est à une réforme radicale parce que "si vous gardez les mêmes structures, les habitudes sont trop fortes", a-t-il asséné.

Quant à "la mission de Monsieur Thiriez, ce sera de soumettre au gouvernement des propositions très claires pour refonder le recrutement de nos hauts fonctionnaires (...), les modes de formation et la gestion des carrières", a-t-il détaillé.

Pour Gaspard Gantzer, ancien conseiller communication de François Hollande, Emmanuel Macron a d'abord "peut-être eu du mal (à annoncer une suppression pure et simple) parce qu'il avait senti que ça avait suscité la polémique avant de revenir finalement à son intuition initiale".

- "Suppression symbolique" -

En lice pour la Mairie de Paris, Gaspard Gantzer connaît bien Emmanuel Macron pour l'avoir côtoyé sur les bancs de l'ENA. Tous deux faisaient partie de la promotion Senghor, de 2002 à 2004.

Et pour lui, la décision présidentielle relève plutôt d'une "suppression symbolique" puisque, fait-il valoir, Emmanuel Macron a affirmé dans le même temps que les locaux -une ancienne prison pour femmes de Strasbourg- et le personnel de l'école devraient être conservés.

"C'est plus une réforme en profondeur avec un changement de nom qu'une destruction de l'école", toujours selon Gaspard Gantzer qui s'est souvenu de cette formule empruntée au "Guépard" de Lampedusa: "Il faut que tout change pour que rien ne change".

Quoi qu'il en soit, les multiples exhortations ces derniers jours des anciens élèves de l'école ou de la classe politique n'y auront donc rien changé.

"Ne cassons pas ce qui est regardé par beaucoup de pays comme une référence", implorait encore mercredi François Hollande qui tout comme Emmanuel Macron, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, a fréquenté l'ENA.

Prenant la plume pour la défendre, son directeur, Patrick Gérard, s'est également évertué à infléchir la volonté présidentielle en tentant d'en corriger l'image.

"L'actuelle promotion Molière ne compte aucun enfant d'énarque, de ministre ou de parlementaire", a-t-il relevé dans une tribune publiée par le Figaro, tout en admettant que l'on puisse "regretter que seuls 19% des élèves actuels aient un parent ouvrier, commerçant, employé, agriculteur, artisan ou chômeur".

Mais rien n'y aura donc fait. Emmanuel Macron, se disant "profondément attaché au modèle méritocratique" et à "un élitisme républicain", a voulu "un geste large".

Dans la même thématique

Macron demande un rapport… puis supprime l’ENA
4min

Politique

Mobilisations propalestiniennes à Sciences Po : Sylvie Retailleau annonce réunir les présidents d'université jeudi matin

Interrogée dans le cadre des questions au gouvernement au Sénat sur les mobilisations propalestiniennes à Sciences Po, la ministre de l’enseignement supérieur a défendu la nécessité de « veiller au respect du cadre républicain », tout en permettant un espace « pour avoir du vrai débat et de la controverse ». A ce titre, elle annonce réunir les présidents d’université ce jeudi 2 mai, afin de bâtir un calendrier.

Le

Port-Marly: Youth meeting with Les Republicains
5min

Politique

[Info Public Sénat] les sénateurs LR se sont opposés à la présence de Nadine Morano et Brice Hortefeux en places éligibles aux Européennes

Ce mardi, la commission nationale d’investiture des Républicains a désigné la liste de ses candidats aux places éligibles, parmi lesquelles les sortants Nadine Morano et Brice Hortefeux. Selon nos informations, une très grande majorité des sénateurs LR avait cosigné un courrier pour plaider pour que la sortante, Anne Sander, soit plus haut sur la liste.

Le