Solennel, vertical, le ton posé, presque martial Emmanuel Macron a le 16 mars, prononcé une allocution durant laquelle il a annoncé de nouvelles mesures de confinement de la population sans jamais en prononcer le mot. Un exercice qui n’est pas sans rappeler l’appel lancé par le général de Gaulle le 18 juin 1940 depuis Londres. Hélène Risser décrypte cette intervention avec le sémiologue Denis Bertrand, fidèle de l’émission Hashtag.
Hélène Risser : Emmanuel Macron a beaucoup cité le mot guerre dans son allocution. « Nous sommes en guerre », a-t-il répété et, comme de Gaulle, dans son appel du 18 juin, il a donné rendez-vous aux Français auxquels il s’adresserait régulièrement. Y a-t-il un parallèle entre l’appel du premier résistant de la Seconde Guerre mondiale et celui du Président dans cette crise sanitaire, également mondiale ?
Denis Bertrand : En effet, Emmanuel Macron reprend le registre du général de Gaulle dans son fameux appel du 18 juin. Il répète six fois, « Nous sommes en guerre », comme cela a été beaucoup relevé. Mais, au-delà, ce qui donne de la consistance à cette figure de la guerre est que chaque paragraphe succédant à l’anaphore « nous sommes en guerre » décrit une facette de ce combat : l’appel à l’union nationale ; la réunion de tous les Français dans le vocable « enfant » pour en faire les « enfants de la nation » comme on le disait des soldats ; l’évocation des médecins et infirmiers qui « se trouvent en première ligne » ce qui évoque la ligne de front ; le déploiement d’un hôpital de campagne en Alsace qui rappelle évidemment le front Est de nos anciennes guerres, d’autant que le thème qui suit est celui de la frontière ; et enfin le sacrifice, mais cette fois non pas de vies, mais de notre mode de vie afin de sauver des vies.
Hélène Risser : Cette évocation de la guerre correspond à une crise sanitaire inédite. Mais elle pose une question. Celle du ton d’Emmanuel Macron qui est apparu très calme, sans dramatisation, comme s’il restait confiant malgré la gravité de cette guerre qu’il décrit. Il n’a d’ailleurs pas prononcé le mot « confinement », ce qui peut faire penser qu’il voulait minimiser l’impact de ses annonces. Est-ce là le registre d’un chef de guerre ?
Denis Bertrand : Oui. Je rappelle que le Général de Gaulle était calme et confiant lorsqu’il prenait la parole depuis la radio de Londres. Concernant Emmanuel Macron, cette impression de sérénité vient d’abord de l’image. Il est au centre, frontal, parfaitement immobile, à l’exception de quelques mouvements de sourcils et d’épaules, qui sont, précisons-le, des mouvements verticaux, synonymes de droiture ou encore d’élévation. Cette verticalité se retrouve dans le décor de moulures et de drapeaux, ainsi que dans son physique. Il est mince, sans rondeur. Il se tient droit. Cette verticalité du corps et du décor est coupée à angle droit par certaines lignes de moulures, si bien que son visage apparaît au centre d’une croix dessinée derrière lui. Quant à l’ellipse du mot « confinement » que vous évoquiez, j’ai noté qu’il en donnait la définition, en listant tous les actes de cette réalité : sortir uniquement pour ses courses, ne pas voir d’amis etc. Ce choix rhétorique s’explique, selon moi, par le fait que le « confinement » est un état passif, une situation subie, alors que l’appel à la guerre (contre le virus) implique une attitude active, dynamique, conquérante, qu’il résume dans la phrase : « Plus nous agirons ensemble et vite, plus nous surmonterons cette épreuve. Nous y arriverons
En 2017, Hélène Risser et Denis Bertrand décryptaient déjà les mots d'Emmanuel Macron lors de sa campagne
Hélène Risser : Quand il évoque la possibilité de sortir faire de l’exercice, ce qui dédramatise la notion de confinement, ou qu’il incite à lire et à se cultiver, on a l’impression qu’il nous présente ce moment comme une opportunité de transformation du corps de la nation. On n’est plus dans la guerre, là ?
Denis Bertrand : Il y a tout un pan de son discours qui évoque le monde d’après, lequel ne sera pas un retour au monde d’avant. Emmanuel Macron affirme que nous serons alors plus fort moralement, à la fois collectivement et individuellement. Il s’agit donc d’une guerre paradoxale, d’un genre nouveau, qui associe à la dimension physique traditionnelle, une dimension intellectuelle et relationnelle.
Hélène Risser : Dans cette guerre, les enfants de la nation ne sont donc plus la chair à canon des grands conflits traditionnels ?
Denis Bertrand : Dans son injonction « lisez » suivie de « retrouvez le sens de l’essentiel », il y a le désir de renouer avec la culture au sens traditionnel du terme, celle d’avant la communication panique des réseaux sociaux véhiculant les rumeurs et mettant à l’honneur ceux qu’il a qualifiés de « demi experts et faux-sachants ».
Hélène Risser : Si je vous comprends, il évoque un retour aux sources de la culture pour s’élever au-dessus de la trivialité, qu’il s’agisse de la panique ou, à l’inverse, de l’insouciance. Ce faisant, n’est-il pas un brin paternaliste, adoptant la posture d’un chef traditionnel, père de la communauté ?
Denis Bertrand : Oui et cela contraste avec certaines de ses attitudes jugées parfois péremptoires ou provocatrices. Comme les Français, individuellement et collectivement, il s’inclut lui-même dans la transformation qui sortira de cette crise. « Rien ne sera plus comme avant, dit-il. Nous aurons appris et je saurai aussi en tirer toutes les conséquences. » Ainsi, il laisse entendre qu’il remet en question certaines de ses propres convictions idéologiques antérieures.
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