Sport et politique font généralement bon ménage. Si la présence d’Emmanuel Macron au Qatar ne semble pas avoir un effet négatif du point de vue de l’opinion publique, ses voyages durant cette Coupe du monde controversée donnent du grain à moudre à ses opposants.
« Macron va recevoir la facture politique de son opération de communication au Qatar »
Sport et politique font généralement bon ménage. Si la présence d’Emmanuel Macron au Qatar ne semble pas avoir un effet négatif du point de vue de l’opinion publique, ses voyages durant cette Coupe du monde controversée donnent du grain à moudre à ses opposants.
Par Clara Robert-Motta
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Ce lundi 19 décembre, les vidéos d’Emmanuel Macron sur la pelouse de Lusail au Qatar ont envahi les réseaux sociaux. On y voit le chef de l’Etat français, quelques minutes après la défaite des Bleus en finale après la séance de tirs au but, venir « consoler » les joueurs de l’équipe de France, abattus. Que ce soit sur le terrain où Mbappé apparaît hermétique aux (multiples) tentatives de contact du président ou dans les vestiaires où le discours de Macron laisse les joueurs de marbre, ces expressions ne convainquent pas les internautes qui y voient une intrusion malvenue.
Pour le professeur en communication politique à Sciences Po, Philippe Moreau-Chevrolet, cette obsession des politiques à investir le champ médiatique même dans le sport peut parfois se retourner contre eux. « A trop forcer, les politiques risquent de paraître intrusifs. D’autant qu’à ce moment-là, le politique n’était pas souhaité. Maladroit, ça a donc été perçu comme inapproprié par l’opinion publique. »
À la façon d’un spot publicitaire, Macron a fait une apparition imposée sur nos écrans, alors même qu’il avait déclaré quelques jours avant le début de la coupe du monde que « politiser le sport » était une mauvaise idée. Le football, notamment, est investi depuis des années par les politiques qui y voient un moyen de « toucher les classes populaires et d’incarner la France » analyse Philippe Moreau-Chevrolet. Tous tentent de faire revivre la communion de 1998 où Chirac a bénéficié de la victoire des Bleus en Coupe du monde.
Se détacher de son image de politique hors-sol
Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II, voit dans cet épisode la communication en silos adoptée depuis plusieurs années par l’équipe d’Emmanuel Macron. « Il ne s’adresse jamais à toute la population mais plutôt segment par segment. Quand il veut parler aux moins de 30 ans, il va chez Mcfly et Carlito ; quand il veut s’adresser aux plus de 65 ans, il adopte une attitude gaullienne. » Pour le spécialiste en sciences politiques, force est de constater que cette technique semble plutôt efficace jusqu’ici.
Cultiver son image de « fan de foot » est aussi une façon pour Macron de gommer son image de « président des riches » et de « snob ». « Emmanuel Macron incarne plutôt bien la fonction, à tort ou à raison, développe Benjamin Morel. Il n’a pas tant un problème de popularité mais il apparaît hors-sol et il traîne cette image comme un boulet. » Cette mise en scène quasiment théâtrale du président dans les gradins, très excité par le spectacle, tente ainsi de le rendre plus humain.
Pour les politologues, il est peu probable qu’il y ait un effet « Coupe du monde » sur l’opinion publique à l’égard du chef d’Etat français. La veille de la finale, un sondage d’Odoxa pour le Figaro assurait que 63 % des Français pensaient qu’Emmanuel Macron avait raison de se rendre au Qatar pour assister à la finale.
Une aubaine pour l’opposition ?
En revanche, l’utilisation politique de sa venue à Doha fait déjà les beaux jours de l’opposition. Yannick Jadot a déjà taclé le président pour son choix d’assister à la finale plutôt qu’à la COP 15 de la biodiversité à Montréal. « Macron va recevoir la facture politique de son opération de communication au Qatar », estime Philippe Moreau-Chevrolet, fondateur d’une agence spécialisée dans la communication politique.
Pour l’opposition, il s’agit aussi d’exister politiquement ajoute Benjamin Morel. « Critiquer Emmanuel Macron sur le coût écologique de sa venue ou sur les enjeux humanitaires au Qatar permet aux politiques de l’opposition de mobiliser leur électorat, sans forcément l’élargir. »
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