Made in France : « Il faut trouver une solution au problème de la formation professionnelle dans ce pays », s’alarme Arnaud Montebourg
La mission d’information du Sénat sur l’égalité des chances auditionnait mercredi 9 juin Yves Jégo et Arnaud Montebourg. Elle est revenue sur les difficultés que connaît l’industrie française, dont s’est notamment alarmé l’ancien ministre du redressement productif de François Hollande.

Made in France : « Il faut trouver une solution au problème de la formation professionnelle dans ce pays », s’alarme Arnaud Montebourg

La mission d’information du Sénat sur l’égalité des chances auditionnait mercredi 9 juin Yves Jégo et Arnaud Montebourg. Elle est revenue sur les difficultés que connaît l’industrie française, dont s’est notamment alarmé l’ancien ministre du redressement productif de François Hollande.
Public Sénat

Par Jules Fresard

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

« Si ça continue comme ça, on est mort ! On va finir comme le prédit Houellebecq dans La carte et le territoire, un pays magnifique avec des boutiques fermées, et juste des employés dans les stations de skis et les musées pour accueillir les touristes étrangers huppés ». Tel est le constat fait par Arnaud Montebourg, entendu mercredi 9 juin par la mission d’information égalité des chances au Sénat lors d’une audition dédiée au Made in France et aux industries françaises. Laissant présager de la gravité avec laquelle il juge la situation actuelle.

« C’est un constat édifiant que vous dressez là » n’a d’ailleurs pas manqué de réagir Jean Hingray, sénateur LR des Vosges et président de la mission d’information.  « Signifiant ! » lui a rétorqué celui qui fût ministre de l’Économie et du redressement productif de 2012 à 2014. Car au cœur des échanges qui se sont tenus lors de l’audition, Arnaud Montebourg comme Yves Jégo, président d’honneur et fondateur de la certification Origine France Garantie, n’ont pas manqué d’alerter les sénateurs et sénatrices présents sur la nécessité de redonner un second souffle à l’industrie française, et par là même à la formation professionnelle.

Le déclin de l’industrie française

Pour appuyer ses propos, Arnaud Montebourg a apporté plusieurs chiffres, qu’il a présentés comme illustrant le déclin du secteur industriel français. « Si on regarde ce que l’on devrait relocaliser en outils de production pour retrouver un PIB à peu près similaire aux autres puissances européennes… L’Allemagne est à 23 % de PIB industriel, l’Italie 19 %. La France, elle, à 11,5 %, c’est très mauvais », a-t-il fustigé. « Il faudrait qu’on arrive à relocaliser 75 milliards de chiffres d’affaires sur le sol français ».

Comment ? Il prône la mise en place de politiques à l’échelle microéconomique, c’est-à-dire en travaillant avec les entreprises elles-mêmes, et critique les approches macroéconomiques, c’est-à-dire des initiatives à l’échelle du pays. « Moi, j’ai une expérience personnelle microéconomique, et une expérience ministérielle macroéconomique. Tout ce qui est macro, ça ne marche pas. Parce que c’est général, impersonnel, et ce n’est jamais suivi d’effets ou de mise en œuvre ».

Un constat d’autant plus cinglant que, toujours selon Arnaud Montebourg, la France possède un réservoir de main-d’œuvre qui attend d’être formée et de travailler. Mais qui reste réticente à travailler dans l’industrie, de par l’image qu’elle possède dans la société.

Travailler sur la communication

Pour remédier à problème, Yves Jégo appelle à travailler sur la communication. « On souffre d’un déficit d’image. J’ai recueilli le témoignage d’une responsable de l’entreprise de chaussures Mephisto, qui m’a dit avoir beaucoup de mal à recruter des piqueuses, qu’elle est pourtant prête à former et à payer. Les candidates préfèrent être moins bien payées comme caissière dans un supermarché, tout ça parce qu’elles refusent de travailler à l’usine », analyse-t-il. Un constat sur lequel la sénatrice socialiste Michelle Meunier n’a pas manqué de réagir, évoquant l’impossibilité qu’a connue son frère pour trouver un repreneur à la cordonnerie familiale.

Avec, comme principal angle de bataille, la télévision. « Combien y a-t-il d’émissions qui valorisent ces questions-là ? On valorise la téléréalité, des jeunes qui se baladent dans les plages du monde entier… Moi, je rêverai qu’on valorise plutôt les jeunes entrepreneurs, l’ouvrière du textile… Il y a une méconnaissance sur ce pays est un blocage », a résumé Yves Jégo. Un point de vue partagé par Arnaud Montebourg, « dans l’agriculture, il y a des problèmes de main-d’œuvre énorme, sans doute avec une méconnaissance de ce monde et une absence de lien culturel ». L’ancien ministre appelle donc à mettre sur pied des écoles spécialisées, à l’image de celle qu’il a ouverte, l’EHEA, l’École des Hautes Études en Apiculture, face au manque de main-d’œuvre dans cette filière.

Des initiatives à encourager

Mais Arnaud Montebourg comme Yves Jégo voient dans une nouvelle génération d’entrepreneurs la volonté de remettre au cœur le Made in France. Le fondateur de la certification Origine France Garantie s’enthousiasme d’ailleurs « qu’une génération made in France est en train de monter. Elle souhaite produire en France avec un socle éthique. Il faut en faire des héros de demain, pour que les métiers de la production soient remis au cœur, que l’attractivité des usines soit importante. Il faut en faire un projet de société, avec une mobilisation forte ».

D’autant que, comme le conclut Arnaud Montebourg, la France risque, face à l’appétit de certaines nations, de se voir relayer encore plus loin dans le rang des nations industrielles. « Il faut trouver une solution au problème de la formation professionnelle dans ce pays. Ça va nous coûter cher ce cirque. Les États-Unis dirigent leurs talents vers les secteurs prioritaires, en faisant s’envoler les salaires, et la Chine en est à son 14e plan quinquennal. Ils sont en train de nous prendre nos futures parts de marché, comme ils nous ont déjà tout pris ».

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01059366_000001
7min

Politique

Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, mais un modèle démocratique contre un modèle illibéral »

Le paysage audiovisuel français est en train de se fracturer en deux blocs. L’animateur vedette, Pascal Praud a accusé la patronne de France Télévision, Delphine Ernotte de mettre « une cible » sur les journalistes sa chaîne, après que cette dernière a qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite ». A moins de deux ans de l’élection présidentielle, l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, subit une pression inédite. Son président, Martin Ajdari sera, auditionné dans quelques jours au Sénat.

Le

Made in France : « Il faut trouver une solution au problème de la formation professionnelle dans ce pays », s’alarme Arnaud Montebourg
5min

Politique

Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.

Le

SIPA_01229633_000009
1min

Politique

Info Public Sénat. Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : une délégation de sénateurs LR reçue à Radio France le 30 septembre

Alors que le ton se durcit entre les dirigeants de l’audiovisuel public et la chaîne CNews de Vincent Bolloré, qualifiée « d’extrême droite » par Delphine Ernotte, une délégation de sénateurs LR sera reçue par la patronne de Radio France Sibyle Veil le 30 septembre. Le 1er octobre, le président de l’Arcom, Martin Ajdari sera, lui, auditionné par la commission de la culture et de la communication de la chambre haute.

Le