Malus auto : le Sénat étale la hausse de la taxe sur le CO2 sur cinq ans
La majorité sénatoriale a adopté un amendement du rapporteur LR qui défend à la fois « ambition et pragmatisme » pour faire changer les comportements en matière d’écologie. La gauche et les écologistes dénoncent « la timidité, voire la duplicité du gouvernement » qui rejette plusieurs propositions issues de la Convention citoyenne.
Mener la transition écologique en temps de crise, sans oublier la question de l’acceptation sociale et de l’urgence pour le climat. C’est au fond le débat – et l’équation – qu’ont eu à résoudre les sénateurs sur l’article 14 du projet de loi finances (PLF) 2021. Il porte sur malus automobile sur les émissions de CO2 pour les véhicules neufs.
Le montant minimum de la taxe est de seulement 50 euros pour les voitures les moins polluantes. Mais assez vite, il augmente. Quant au plafond, il sera en 2022 de 40.000 euros pour les véhicules les plus polluants (voitures de luxe ou sportives), puis de 50.000 euros en 2023.
« Sans forcer la main bêtement et par entêtement »
Dans la version initiale de son texte, le gouvernement souhaitait augmenter ce malus en deux ans, à compter du 1er janvier 2021. A l’Assemblée, cette hausse de la taxe sur les gaz à effet de serre a déjà été étalée sur trois ans. Pas assez, aux yeux des sénateurs de la majorité sénatoriale. Ils ont adopté un amendement du rapporteur LR, Jean-François Husson, qui porte à cinq ans la durée pour appliquer totalement l’augmentation de la taxe (voir la première vidéo).
L’idée est de « permettre aux constructeurs et équipementiers d’adapter leurs outils et chaînes de production », et de l’autre, laisser plus de temps pour faire accepter par les Français la mesure, « sans forcer la main bêtement et par entêtement ».
Rappel de la crise des gilets jaunes
Jean-François Husson rappelle les (mauvaises) expériences passées : l’écotaxe, finalement retirée, puis la hausse de la taxe carbone sur les carburants. « Ici même, nous sommes un certain nombre à avoir tiré la sonnette d’alarme sur l’acceptation des Français sur cette pente trop verticale » de la hausse de la taxe, et « le résultat des courses, on s’en souvient, c’est la crise des Gilets Jaunes ». Jean-François Husson parle en réalité de lui-même et de l’écologiste Ronan Dantec. Ils avaient alerté un an avant le début de la crise démarrée sur les ronds-points. Mêmes causes, mêmes effets ? Toujours est-il que le rapporteur entend aujourd’hui « à la fois faire preuve d’ambition et de pragmatisme ». Soit une hausse en cinq ans.
Le gouvernement maintient le principe d’une hausse sur trois ans, y voyant un bon équilibre. « Que ce soit sur la trajectoire carbone ou le malus au poids, nous prenons nos responsabilités, à un rythme qui est autant compatible que possible avec la transformation de notre filière » soutient la ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui insiste sur les autres mesures prises par le gouvernement comme « la prime à la conversation », ou le développement « massif » de l’électrique (voir la vidéo ci-dessous).
« Bien aidée par nos collègues de la majorité sénatoriale, vous ne faites les choses qu’à moitié »
Pour la gauche, l’exécutif comme la majorité de droite du Sénat sont à mettre dans le même panier. « Le lissage sur trois ans est un exemple de votre manque d’ambition. Malheureusement, bien aidée par nos collègues de la majorité, vous ne faites les choses qu’à moitié. Vous avez édulcoré les ambitions de la Convention citoyenne », dénonce Thierry Cozic, sénateur PS de la Sarthe, qui demande :
Comment allez-vous réduire de 40 % les émissions de CO2 avec des mesures si timorées ?
Pour le socialiste, « l’article 14 symbolise la timidité, voire la duplicité du gouvernement ». « Ce PLF est une nouvelle occasion manquée pour le gouvernement. La question environnementale ne doit pas passer au second plan » conclut Thierry Cozic. « A force de vouloir trouver des compromis, diminuer, allonger, le risque est de ne pas être efficace » insiste son collègue socialiste Rémi Féraud.
« Toutes les propositions qui viennent de la Convention citoyenne sont bananées »
Tirs croisés venant de la partie gauche de l’hémicycle. C’est Ronan Dantec qui prend le relais. « Toutes les propositions qui viennent de la Convention citoyenne sont bananées, à l’Assemblée nationale ou ici » dénonce le sénateur écologiste de la Loire-Atlantique. Il rappelle au passage que « le Conseil d’Etat […] vient de condamner l’Etat français pour son inaction sur les objectifs climatiques, par rapport à l’engagement de l’Accord de Paris » (voir vidéo ci-dessous). Il continue :
Nous ne tenons pas aujourd’hui nos objectifs […] et les gains en motorisation ou en carburant alternatif sont totalement annihilés par le développement des SUV.
C’est pourquoi, selon Ronan Dantec, « si nous n’avons pas un malus très clair et sur des délais courts, pour que les constructeurs comprennent enfin le signal, car ils jouent la montre, […] nous allons encore perdre plusieurs années. Or nous n’avons pas ce temps-là » lance l’écologiste, qui a soutenu l’amendement du socialiste Rémi Féraud. Il propose une taxe selon le poids des véhicules, dès 1,3 tonne, et non 1,8 tonne comme adopté à l’Assemblée. Le niveau voté par les députés ne concerne que 2 à 3 % des immatriculations. Le sujet reviendra plus tard dans le PLF. Dans l’immédiat, l’article 14 a été adopté, tel qu’amendé par le rapporteur.
Mais pas seulement. La majorité sénatoriale a également adopté un amendement LR en faveur de la filière bioéthanol, pour lui appliquer des exonérations de taxe. Le sénateur LR de la Marne, René-Paul Savary, a défendu « la juste reconnaissance de la filière ». « Je mets en garde sur idée que les biocarburants sont des carburants verts », a rétorqué le sénateur EELV Daniel Salmon. Il souligne que pour produire « un litre de biocarburant », des études montrent qu’« un litre de pétrole est nécessaire en amont », voire « 1,2 litre quand on compte tous les engrais pour faire pousser les betteraves » utilisées pour la production d’éthanol.
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