Manifestations clairsemées et ronds-points délaissés, les “gilets jaunes” s’estompent

Manifestations clairsemées et ronds-points délaissés, les “gilets jaunes” s’estompent

Moins nombreux dans les rues comme sur les ronds-points, quasiment invisibles dans les urnes, les "gilets jaunes" semblent s'effacer de l'espace...
Public Sénat

Par Alice LEFEBVRE et Camille BOUISSOU avec les bureaux de l'AFP en région

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Moins nombreux dans les rues comme sur les ronds-points, quasiment invisibles dans les urnes, les "gilets jaunes" semblent s'effacer de l'espace public, victimes selon eux d'une "répression très forte" mais aussi du retour des "divisions sociales ordinaires", selon des experts.

Samedi, ils n'étaient que 12.500 dans les rues de France à manifester, plus de 22 fois moins qu'au plus haut du mouvement. "Les gens ont peur de la répression de la police", avance Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement, pour expliquer ces chiffres. "Et puis c'est le 7e mois de la mobilisation...".

Pour Raphaël Challier, sociologue, la "répression très forte qui a contribué à séparer une sorte d'+avant garde manifestante+ du reste des +gilets jaunes+ qui n'osaient plus aller en manif" a pesé sur l'essoufflement, comme "la répression au niveau local, la démolition systématique des cabanes, les expulsions...".

Au-delà des peurs, le retour de querelles anciennes a aussi contribué à vider les ronds-points.

Le mouvement a "fonctionné au début comme un puissant unificateur symbolique", avance M. Challier. "Mais au bout d'un moment les logiques de divisions sociales ordinaires ont repris leurs droits. Et plus le rond-point était populaire dans sa composition, plus une partie de l'opinion locale s'est détournée du mouvement, sur des ressorts assez méprisants".

"Les classes moyennes ont pu trouver dans le grand débat organisé par Emmanuel Macron une offre de participation plus conforme à leur rapport au politique que se mobiliser sur un rond-point des nuits entières", précise le chercheur.

Il reste pourtant des ronds-points jaunes à travers la France. Dans le Nord, une "petite dizaine" sont occupés, selon Alexandre Chantry, figure des "gilets jaunes" lillois.

Dans l'Ouest, les ronds-points du Croisic, de Pornic, sont toujours occupés, et une cabane a été reconstruite près du rond-point de l'aéroport de Nantes-Atlantique.

Maxime Nicolle, l'une des figures du mouvement des
Maxime Nicolle, l'une des figures du mouvement des "gilets jaunes", durant une manifestation à Nantes (Ouest) le 11 mai 2019
AFP

En Bourgogne, dans le Rhône ou en Isère, à l'inverse il n'y a plus de ronds-points occupés en permanence, selon les forces de l'ordre, mais certains "gilets jaunes" continuent de se réunir sur des terrains, privés ou prêtés par la mairie, comme à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), à Givors et à Genay (Rhône) ou à Meximieux (Ain).

- L'espoir du local -

Michèle Riot-Sarcey, historienne, et Maxime Gaborit, sociologue, se sont penchés sur le mouvement depuis ses débuts. Tous deux estiment qu'un "noyau dur", "déterminé" ne s'estime pas vaincu, mais s'est recentré sur le local.

Les "+gilets jaunes+ ne viennent plus le samedi, et restent dans des +fédérations+ comme à Saint-Nazaire, à Clermont-Ferrand ou à Commercy", avance l'historienne, quand M. Gaborit observe encore "une forte détermination sur les ronds-points" dans l'Oise, son terrain de recherche, "même s'il y a de moins en moins de personnes à certains endroits".

Pour la plupart des "gilets jaunes" interrogés, l'avenir se dessine aussi dans les municipales.

C'est "le combat politique à mener" estime Vlad (un nom d'emprunt), "gilet jaune" dans l'Essonne.

"Le mouvement se prépare aux municipales pour faire appliquer le Référendum initiative citoyenne au niveau local" abonde Maxime Nicolle, dit "Fly Rider", une des figures du mouvement, tandis que Jérôme Rodrigues évoque certains "gilets jaunes" prêts "à se mobiliser pour les municipales, à s'inscrire sur une liste et pas dans un mouvement à part".

Jérôme Rodrigues, l'une des figures des
Jérôme Rodrigues, l'une des figures des "gilets jaunes", donne une conférence de presse le 27 janvier 2019 à Paris
AFP

"Ce serait assez cohérent avec la sociologie et les pratiques du mouvement, qui pense la politique par le local, les liens personnels", analyse M. Challier.

Sans attendre le printemps 2020, les figures du mouvement espèrent remobiliser cet été.

"On va essayer d'organiser des rassemblements sur les plages, les lieux touristiques et les péages au moment des départs en vacances pour rester visibles", raconte M. Rodrigues. Quand "Fly Rider" assure: "Il y a un essoufflement des manifestations. Mais pas du mouvement".

Dans la même thématique

Nimes: CRS 8 deployed to combat drug trafficking in the Pissevin district
4min

Politique

Narcotrafic : comment fonctionne le statut de repenti en France ?

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti a annoncé ce week-end une évolution du statut de repenti afin de lutter contre le « haut du spectre » du narcotrafic. Ce statut existe en France depuis la loi Perben de 2004, mais n’a été que très peu utilisé. Explications.

Le

Manifestations clairsemées et ronds-points délaissés, les “gilets jaunes” s’estompent
3min

Politique

Convocation de Mathilde Panot pour apologie du terrorisme : « Il y a une volonté de faire taire, de la part du pouvoir en place », s’insurge Manuel Bompard

Invité de la matinale de Public Sénat, le coordinateur de la France Insoumise est largement revenu sur les accusations qui touchent son parti. La cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot doit être auditionnée, demain, pour apologie du terrorisme tandis que Jean-Luc Mélenchon est visé par une plainte du gouvernement pour injures publiques. 

Le

Paris: Marie Toussaint Les Ecologistes elections europeennes 2024
7min

Politique

Parole d’eurodéputé : « Le travail parlementaire au niveau européen n’a rien à voir avec ce qu’on fait en France », explique David Cormand

[SERIE] Le Parlement européen raconté par ses eurodéputés. Pour mieux comprendre le travail à Bruxelles et Strasbourg, la parole à ceux qui font vivre l’institution : les eurodéputés. L’écologiste David Cormand se souvient du « moment d’émotion » du Brexit, puis la « fierté », lors du vote du Pacte vert, où l’eurodéputé a eu le sentiment de « peser sur le réel ». « Si les Verts n’avaient pas été là, l’obsolescence prématurée n’aurait pas été interdite », illustre David Cormand.

Le