Alors que le gouvernement s’apprête à tomber, chacun réfléchit à la suite. A droite, « le nom de François Baroin recircule », glisse le sénateur LR Roger Karoutchi. Au PS, on tend la main. « Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat. Pour le centriste Hervé Marseille, il faut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord ». Les grandes manœuvres ont commencé.
Marine Le Pen reprend l’offensive sur l’insécurité avant un congrès délicat
Par Anne RENAUT
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Marine Le Pen, discrète depuis son échec à la présidentielle, a repris l'offensive cette semaine contre le gouvernement sur l'insécurité et l'immigration, thèmes fondamentaux de son parti, à deux mois d'un congrès délicat.
Dernier exemple en date: la présidente du Front national et députée du Pas-de-Calais a immédiatement dénoncé jeudi après-midi "l'ultraviolence" de l'agression de trois gardiens à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), légèrement blessés par un Allemand considéré comme le cerveau des attentats de Djerba en 2002, Christian Gantzarski.
Elle se rendra sur place vendredi matin avec Bruno Bilde, député du même département, pour soutenir le personnel pénitentiaire, ont précisé les deux élus, dénonçant les "agressions régulières d'agents par des détenus radicalisés" dans ce centre pénitentiaire qui s'apprête, rappellent-ils, à accueillir Salah Abdeslam, seul survivant des attentats de Paris de novembre 2015.
La veille, la dirigeante frontiste avait revêtu un gilet pare-balles pour suivre une tournée de nuit de la brigade anticriminalité (BAC) du 10e arrondissement de Paris et dénoncer "un manque de moyens humains et matériels" dans la police.
Les auteurs des violences contre les forces de l'ordre "ne sont pas traités avec la sévérité qu'on pourrait attendre", estime Marine Le Pen, qui prône des peines planchers, un durcissement des conditions d'incarcération des individus radicalisés ou encore "l'expulsion" des étrangers coupables d'actes terroristes.
Ces violences sont "la conséquence de l'immigration", qui "va s'accélérer avec le projet de loi du gouvernement" sur l'asile et l'immigration, ajoute-t-elle, à rebours des critiques que ce texte suscite parmi les associations d'aide aux étrangers.
- 'Resserrer les rangs' -
Marine Le Pen, dont l'échec à la présidentielle a suscité des interrogations y compris au sein du parti sur sa capacité à diriger le mouvement, a ironisé sur l'installation de téléphones dans les prisons, "seule" mesure pénale du gouvernement, lors d'une conférence de presse consacrée à l'insécurité.
La députée du Pas-de-Calais, dont la candidature à la présidentielle a particulièrement séduit les zones rurales, a opportunément lancé une pétition contre la limitation à 80 km/h de la vitesse sur les routes secondaires - qui a recueilli jeudi 32.000 signatures, avec une vidéo qui a généré 1,2 million de vues -, contre la "persécution" des automobilistes" par un gouvernement qui "ne fait rien pour lutter contre les délinquants" ou "les terroristes".
Marine Le Pen veut être perçue comme la "seule" voix d'opposition à Emmanuel Macron, avant que le président des Républicains Laurent Wauquiez, dont le parti avance des propositions parfois proches de celles du FN, ne fasse sa rentrée sur France 2 le 25 janvier.
"Entre nous et Macron, il n'y aura rien", martèle-t-elle.
Ces thèmes traditionnels du FN, très fédérateurs dans le parti, sont aussi "une manière pour Marine Le Pen de montrer qu'elle est la boss et de resserrer les rangs" des militants, à deux mois du congrès des 10 et 11 mars à Lille, explique le politologue Sylvain Crépon.
Son retour sur les scènes médiatique et politique lui permet de retrouver "la motivation" car "son image a été écornée après le débat de l'entre-deux-tours, et il faut maintenant rebondir", ajoute-t-il.
- Débat sur le nom -
Les militants reconduiront certes Mme Le Pen à la tête du parti, où elle est seule candidate. Mais ils voteront aussi sur un changement de noms du FN et de ses instances, qui fait débat et l'expose à une forme de désaveu s'ils votaient "non".
Mme Le Pen considère qu'il faut changer d'appellation pour changer le Front national. Mais son père Jean-Marie, cofondateur du parti, estime que l'abandon du nom, qui date de la création du parti en 1972, serait une "véritable trahison" des militants et des électeurs.
Sébastien Chenu, porte-parole du FN, "espère" que le parti sera rebaptisé tandis que le député apparenté FN du Gard Gilbert Collard a changé d'avis et juge que "ça ne servira strictement à rien".
Pour l'ancienne eurodéputée, il s'agit aussi de fédérer les militants en vue de la prochaine échéance électorale des européennes en 2019, qui suscite des questions en interne. Certains cadres poussent Marine Le Pen à conduire la liste, qui sera nationale, tandis que d'autres avancent qu'elle pourrait être menée par quelqu'un d'extérieur au FN.