Marine Le Pen rompt avec son père sans rebaptiser tout de suite le parti
La direction du Front national a adopté de nouveaux statuts, étape de plus dans la refondation du parti engagée par sa présidente Marine Le Pen,...

Marine Le Pen rompt avec son père sans rebaptiser tout de suite le parti

La direction du Front national a adopté de nouveaux statuts, étape de plus dans la refondation du parti engagée par sa présidente Marine Le Pen,...
Public Sénat

Par Anne RENAUT

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La direction du Front national a adopté de nouveaux statuts, étape de plus dans la refondation du parti engagée par sa présidente Marine Le Pen, qui rompt avec son père mais se montre prudente sur un changement sensible à venir, celui du nom.

Les nouvelles règles d'organisation du parti, adoptées lundi par le bureau politique, suppriment le poste de président d'honneur, occupé actuellement par le co-fondateur du parti, Jean-Marie Le Pen.

Elles rebaptisent aussi les instances du mouvement, qui portaient des appellations inspirées de celles du Parti communiste dans les années 70.

Ces statuts, soumis au vote des militants réunis en congrès les 10 et 11 mars à Lille, vont permettre au FN "d'être plus performant et mieux organisé" pour les élections à venir, veut croire le secrétaire général Steeve Briois.

Ces changements s'inscrivent en effet dans la refondation lancée par l'ancienne candidate à la présidentielle. Artisane de la dédiabolisation d'une formation à l'image et à l'histoire sulfureuse, elle veut aussi rebondir après l'échec de sa campagne face à Emmanuel Macron avec un nouveau parti de "gouvernement".

- Bataille judiciaire -

La rupture majeure consiste en la suppression du poste de président d'honneur, créé en 2011 quand Jean-Marie Le Pen avait cédé la place à sa fille à la tête du parti, et qui lui permettait de participer aux réunions du bureau politique.

Ce changement "entérine une situation réelle: Jean-Marie Le Pen a pris un chemin totalement opposé non seulement à sa fille mais au parti", selon le politologue Jean-Yves Camus.

La disposition a fait l'objet d'une longue bataille judiciaire entre le père et la fille, quand cette dernière l'a exclu du FN en août 2015 après de nouveaux propos polémiques sur la Shoah.

En juin 2015, le bureau politique du FN avait décidé l'organisation d'un congrès extraordinaire par courrier pour soumettre aux adhérents de nouveaux statuts où ne figurait plus cette fonction. Mais les juges avaient estimé que le FN violait ses règles internes en organisant ce congrès par correspondance, et non sous forme physique.

Cette fois les adhérents présents à Lille s'exprimeront sur les statuts. Marine Le Pen a souhaité à cet égard "une belle unanimité" de vote.

Pour Mme Le Pen, il s'agit d'une clarification "bienvenue" avant la publication début mars des mémoires de son père, qui "va ajouter un peu de friction" à l'approche du congrès, note M. Camus.

D'ici là, Jean-Marie Le Pen sera fixé sur son sort devant les tribunaux le 9 février, date à laquelle la cour d'appel de Versailles doit rendre une décision sur sa présidence d'honneur.

- "Marque" FN -

Les nouveaux statuts ont été adoptés "à la quasi unanimité", selon un membre du bureau politique. Le député européen Bruno Gollnisch s'est toutefois abstenu, car il aurait "préféré une réconciliation (du parti) avec Jean-Marie Le Pen", a-t-il dit à l'AFP.

Marine Le Pen et son père à La Trinité-sur-Mer (Morbihan) le 17 décembre 1987
Marine Le Pen et son père à La Trinité-sur-Mer (Morbihan) le 17 décembre 1987
AFP/Archives

Les instances changent en outre d'appellations pour la première fois depuis la création du FN en 1972. Elles s'inspiraient de celles du PCF, qui était au FN "jugé détestable dans son idéologie mais remarquable dans son organisation", rappelle M.Camus. Le comité central, actuel "parlement" du parti qui compte une centaine de membres, devient un "conseil national", et le bureau politique, un "bureau national".

"Il y avait besoin d'oxygène", expliquait récemment Sébastien Chenu, porte-parole du FN.

Mais aucun nouveau nom ne figure dans les nouveaux statuts. La prudence est de mise car ce changement est, lui, loin de faire l'unanimité.

La question est "un petit peu anxiogène parfois", admet David Rachline, responsable de la communication du parti.

Les cadres frontistes sont eux-mêmes divisés. Outre Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch ne veut pas changer "une étiquette" qui incarne "beaucoup de sacrifices" et une "marque attachée à une clientèle" politique.

Le baptême est reporté à après le congrès, ce qui permettra à Marine Le Pen de prendre la température avant d'organiser une consultation par internet ou par courrier, comme l'autorisent les nouveaux statuts.

La dirigeante frontiste fait valoir que l'ensemble des militants du FN --et pas seulement ceux du congrès-- pourront ainsi se prononcer sur ce qu'elle considère comme "l'aboutissement" de sa refondation.

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