Mayotte : « Les Mahorais ont besoin de plus d’État »

Mayotte : « Les Mahorais ont besoin de plus d’État »

Alors que Mayotte entre dans sa quatrième semaine de grève générale, la ministre des Outre-mer a été accueillie par des habitants à bout de nerfs. Annick Girardin a annoncé des mesures concernant la sécurité et l’immigration mais la tension reste palpable.  
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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La sécurité, « c’est la goûte d’eau qui a fait déborder le vase », explique le syndicaliste CGT et président de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, Salim Nahouda. Ce dernier regarde la venue de la ministre des Outre-mer avec scepticisme : « On s’attendait à des négociations sur la base de la table revendicative » établie par l’intersyndicale et le Collectif de citoyens de Mayotte.

Salim Nahouda explique avoir reçu un message dimanche le conviant au discours d’Annick Girardin. « On n’est pas là pour assister un meeting », s’agace-t-il avant de préciser que son organisation a boycotté le discours de la ministre dans l’attente de réelles négociations. L’intersyndicale regrette par ailleurs que ni le chef de l’État ni le Premier ministre ne se soient rendus sur l’archipel.   

De son côté, le sénateur LREM, Thani Mohamed Soilihi, qui a accompagné Annick Girardin, tempère. « Rien n’empêche que des discussions aient lieu », assure-t-il tout en soulignant que la ministre est venue avec des émissaires qui, à son départ, continueront d’auditionner la société civile et les élus afin de trouver des solutions pérennes. Lors de sa conférence de presse, Annick Girardin a annoncé un renforcement des dispositifs de sécurité  et de lutte contre l’immigration clandestine (voir son tweet).

Sécurité, accès aux services publics : la détresse des Mahorais

« Moi qui ai voté la confiance au gouvernement, je leur demande de comprendre la détresse des Mahorais », déclare le député LR de Mayotte, Mansour Kamardine. Joint par Public Sénat, l’élu demande solennellement à l’exécutif de considérer la colère des Mahorais qui s’exprime depuis le 20 février dernier.

L’archipel, voisin des Comores, est le plus jeune département de France. Contrairement aux îles voisines, Mayotte a choisi par référendum en 1974 de ne pas prendre son indépendance. En 2009, 95 % des Mahorais votent pour la départementalisation de l’archipel, faisant de Mayotte le 101e département français. « On s’est assez battu sur le statut de l’île » maintenant on veut des actions pour « le développement économique de Mayotte », témoigne Salim Nahouda. « Les Mahorais ont besoin de plus d’État », abonde le député Les Républicains, Mansour Kamardine.

« On veut avoir les mêmes droits »

L’effort budgétaire de l’État en faveur de Mayotte est inférieur à celui octroyé aux autres départements d’Outre-mer. « Les enfants de Mayotte représentent une dépense de 4 000 euros pour l’État contre 8 000 euros pour un enfant de métropole », s’insurge Salim Nahouda.

Celui qui préside le conseil de la caisse de sécurité sociale de Mayotte s’emporte contre les difficultés d’accès aux services publics les plus élémentaires, « les assurés sociaux n’ont pas les soins auxquels ils ont droit, on veut avoir les mêmes droits. Nous voulons une préfecture qui fonctionne », martèle-t-il. Et de déplorer que le seul droit assuré soit celui de payer les impôts. À Mayotte, 85 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage atteint 27,1 % et 47 % chez les jeunes et chez les femmes. « Il faut un effort budgétaire, notamment sur l’éducation, il faut que ces enfants aient des perspectives d’avenir », s’alarme le sénateur LREM Abdallah Hassani. 

Les Républicains veulent une réforme globale du droit du sol

Selon Mansour Kamardine, les questions prioritaires sont : le rétablissement de la sécurité et l’endiguement du flux migratoire. Le député LR réclame « un plan de sécurisation qui suppose la création d’une compagnie départementale d’intervention et le déploiement de forces de sécurité aux frontières ». Mansour Kamardine souhaite également que le gouvernement agisse sur la question migratoire. Il veut que l’institution des dossiers des demandeurs d’asile se fasse dans les pays d’origine et non à Mayotte tout en renforçant la coopération avec les pays voisins.

En outre, le député défend l’idée d’une réforme du regroupement familial et du droit du sol dans l’archipel. Une position déjà formulée par la porte-parole des Républicains, ce lundi, sur Public Sénat. Alors que le gouvernement a évoqué l’idée de donner à la maternité de Mayotte un statut extraterritorial – ce qui permettrait de ne pas donner la nationalité française aux bébés nés de parents étrangers -, Laurence Sailliet réclamait, elle, une réforme globale du droit du sol qui s’étendrait à tout l’archipel (voir la vidéo ci-dessous). Une proposition polémique et périlleuse sur le plan juridique.

Il faut revoir le droit du sol à Mayotte dans son intégralité, selon Laurence Sailliet
01:25

« La situation de Mayotte ne doit pas servir à faire de la politique politicienne »

« La situation de Mayotte ne doit pas servir à faire de la politique politicienne », s’agace le syndicaliste Salim Nahouda. Lui, plaide pour qu’il y ait une répartition des mineurs isolés –dont il souligne la détresse - sur l’ensemble du territoire et le renforcement de la police maritime. Le sénateur LREM de Mayotte, Abdallah Hassani rejette également la proposition des Républicains même s’il affirme qu’il faut trouver un moyen pour endiguer le flux migratoire. « Si on continue comme ça, on ne s’en sortira pas », assure Abdallah Hassani.  

Dans son avis, remis en septembre 2017, la commission nationale consultative des droits de l’homme appelait le gouvernement « à un changement radical de politique migratoire » en Guyane et à Mayotte et encourageait « le gouvernement à promouvoir immédiatement une nouvelle dynamique prenant en considération ce contexte d’exception ».

La ministre des Outre-mer a affirmé qu’elle resterait sur l’archipel mardi pour poursuivre la concertation. Après ses premières annonces concernant la sécurité et la lutte contre l'immigration illégale, les mesures économiques et sociales sont très attendues.

 

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