Mediator : trois ans de prison avec sursis requis contre une ex-sénatrice accusée d’avoir modifié un rapport parlementaire

Mediator : trois ans de prison avec sursis requis contre une ex-sénatrice accusée d’avoir modifié un rapport parlementaire

Le parquet a requis trois ans de prison avec sursis contre l’ancienne sénatrice Marie-Thérèse Hermange accusée d'avoir modifié un rapport sur le Mediator pour minimiser la responsabilité du groupe pharmaceutique.
Public Sénat

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Le volet du trafic d’influence avait été séparé du reste du procès du Mediator (ouvert en septembre 2009 et clos en juillet 2020), mais il n’en est pas moins sensible, tant les accusations sont graves. Le parquet a requis le 17 septembre jeudi trois ans de prison avec sursis, et 75.000 euros d’amende, contre une ex-sénatrice UMP accusée d'avoir modifié un rapport sur le Mediator, publié en 2011, dans le but de minimiser la responsabilité des laboratoires Servier. Selon la procureure, certains faits étaient révélateurs de la « continuité de la pratique et de la culture du groupe Servier, prêt à utiliser en toute circonstance son réseau », pour influencer les politiques publiques, et « échapper à ses responsabilités ».

La phase de l’instruction avait révélé l’existence de liens entre l’entreprise et le monde politique. Marie-Thérèse Hermange est la seule à se trouver sur les bancs des prévenus. Cette ancienne sénatrice était au moment de la crise du Mediator, médicament tenu pour responsable de centaines de morts, une mission sénatoriale d’information avait été montée et avait auditionné durant des mois différents acteurs, pour améliorer la politique de contrôle du médicament en France, à l’aune de cette crise.

« J’ai fait changer pas mal de choses »

Auteur du rapport de la mission, Marie-Thérèse Hermange était en contact régulier par téléphone avec Claude Griscelli, un ancien directeur de l'Inserm dont elle demandait des conseils. Mais elle prétendait ignorer que ce dernier était consultant pour les laboratoires Servier depuis 10 ans et proche de l’ancien numéro 2 du groupe Jean-Philippe Seta. Des éléments que l’ex-sénatrice « ne pouvait ignorer », selon la procureure.

Dans ses réquisitions, celle-ci a souligné que Claude Griscelli avait poussé la sénatrice à auditionner des experts favorables à Servier. Mais pas seulement. Placé sous écoute, Claude Griscelli a raconté à Jean-Philippe Seta, l’ancien numéro 2, l’une de ses visites au Sénat au moment de la rédaction du rapport. « J'ai regardé des phrases-clefs, importantes, qui concernaient la responsabilité de Servier […] J'ai fait changer pas mal de choses », déclarait-il. A l’époque, la sénatrice Hermange démentait avoir rédigé son rapport sous la pression. « Je n’ai pas écrit un rapport sous la dictée. C’est absurde de pouvoir laisser penser cela. Il s’agit simplement d’une consultation. Je n’ai pas fait relire un rapport, j’ai simplement discuté de 3 ou 4 pages du rapport avec l’ancien directeur de l’Inserm. » Les deux hommes sont également passibles de trois d’emprisonnement avec sursis, selon les réquisitions.

« C’est tellement surprenant, presque impensable », réagit une sénatrice

Vice-présidente à l’époque des travaux de la mission d’information, la sénatrice centriste Nathalie Goulet raconte que ces révélations avaient été accueillies avec « surprise » à l’époque. « C’est tellement surprenant, presque impensable », déclare-t-elle. « J’ignorais tout de ses relations », confie un ancien membre de la mission. « Pendant les auditions, s’il y avait des choses à reprocher, on ne l’avait jamais ressenti. Les membres étaient l’impossibilité matérielle d’avoir une once de soupçon sur ce que la justice a découvert », se souvient-elle.

Près de dix après les faits incriminés, la sénatrice estime que le Parlement est désormais plus protégé de ce type de menaces. « S’il est avéré, ce type de dérapage ne devrait pas se reproduire », estime-t-elle. « On est plus armés en termes de prévention des conflits d’intérêt. On est tous plus vigilants depuis 2013. On est passés à autre chose en termes de transparence », souligne-t-elle. Même si les mesures de contrôle pourraient être encore renforcées, selon elle. « Quand ce sera fini, peut-être faudrait-il prendre, au niveau du règlement des assemblées, d’autres mesures pour viser les commissions d’enquête. »

Le procès doit reprendre ce vendredi avec les plaidoiries de la défense. Le jugement du procès Servier est attendu en mars.

Dans la même thématique