Mélenchon chiffre son programme, des économistes l’analysent
102 milliards d’investissements, 173 milliards d’augmentation de la dépense publique pour arriver à la création de plus de 3 millions d’emplois à la fin de son quinquennat. Jean-Luc Mélenchon a chiffré un programme qui divise les économistes.

Mélenchon chiffre son programme, des économistes l’analysent

102 milliards d’investissements, 173 milliards d’augmentation de la dépense publique pour arriver à la création de plus de 3 millions d’emplois à la fin de son quinquennat. Jean-Luc Mélenchon a chiffré un programme qui divise les économistes.
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Par Simon Barbarit avec l'AFP

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Pendant 5H27 d’émission, estampillée « France Insoumise », Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens ont détaillé et chiffré  leur programme économique pour la présidentielle. Sur Youtube, son canal préféré depuis quelque mois, Jean-Luc Mélenchon a emprunté les codes d’une émission, certes fleuve, de débat télévisé : un public, des animateurs et des débatteurs autour d’une table, des duplex et des sujets). Tout était réuni sauf les éléments de contradiction.

« L’investissement peut être utile mais quand il est fait par l’Etat, il est de moins en moins efficace » (Robin Rivaton)

Epaulé par deux économistes proches de son mouvement, l’ancien député PS Liem Hoang-Ngoc et le professeur à Sciences-Po Paris, Jacques Généreux, le candidat de la « France Insoumise » a développé le « choc d’investissement » de 102 milliards d’euros, financé par l’emprunt  qu’il entend mettre en place dès le début de son quinquennat. La répartition de ces milliards sera ciblée sur « l’urgence sociale » : 45 milliards dont 18 pour le logement. 50 milliards seront alloués à « l’urgence écologique » parmi lesquels 25 milliards dédiés au développement des énergies renouvelables. Enfin, 7 milliards seront pour le renforcement des services publics. Il s’agit « d’injecter une masse suffisante qui remette en route l’activité », a-t-il expliqué, c’est-à-dire de choisir des projets pourvoyeurs d’activité afin d’obtenir l’effet multiplicateur de l’investissement escompté. Interrogé par publicsenat.fr, Robin Rivaton, membre du pôle projet de François Fillon et  auteur de « Quand l’Etat tue la Nation » (ed. Plon) considère que « l’investissement peut être utile mais quand il est fait par l’Etat, il est de moins en moins efficace. Par exemple, en matière de choix technologiques, l’Etat est de moins en moins en capacité de déterminer quel choix serait le plus optimum »

« Combattre cette vision qui consiste à croire que tout investissement public financé par l’emprunt tomberait dans un trou noir » (Thomas Porcher)

L’équipe de Jean-Luc Mélenchon annonce également 190 milliards de recettes supplémentaires grâce au plan de relance et un taux de croissance autour de 2% dès 2018. « Dans son mode calcul, cela veut dire que quand l’Etat met 1 euro, il en récupère 1,9. Sauf qu’on a vu par de nombreux exemples récents qu’il arrive à l’Etat de se tromper. Doit-on prendre le risque que ces erreurs soient financées par l’impôt et sur les générations futures. Il faut, au contraire, que l’Etat redonne les moyens aux entreprises d’investir, par un allégement des charges comme cela a été fait grâce au CICE. Il faut poursuivre cette trajectoire car les entreprises françaises ont les marges les plus faibles d’Europe » considère-t-il.  A contrario, Thomas Porcher professeur d’économie à la Paris School of Business et membre des économistes atterrés, vaut lui « combattre cette vision qui consiste à croire que tout investissement public financé par l’emprunt tomberait dans un trou noir ». « Si l’Etat investit dans les bons secteurs comme les énergies renouvelables, il y aura un retour sur investissement. Le problème de la compétitivité des entreprises françaises n'est pas qu'un problème de coûts, il est  également sur la qualité de notre spécialisation. Il faut pour cela en un véritable Etat stratège qui identifie des secteurs d'avenirs. On le voit avec EDF, l’Etat est actionnaire à 86% mais reste en retrait des choix stratégiques du groupe » poursuit-il.

« C’est moins un programme politique qu’un programme économique » (Henri Sterdyniak)

« Un choc d’investissement » auquel le candidat de la France Insoumise ajoute une augmentation de la dépense publique de 173 milliards d’euros. L’enveloppe est destinée à financer l’augmentation des salaires  ou encore  la réduction  du chômage.  En vertu de la sécurité sociale intégrale, un chômeur en fin de droits pourra se retourner contre l’Etat pour que ce dernier lui fournisse un emploi. Jean-Luc Mélenchon y ajoute une « révolution fiscale » constituée d’une baisse de l’impôt sur les sociétés à 25%, la progressivité de la CSG et un taux marginal de 90% sur la dernière tranche d’impôt sur le revenu au-delà de 400 000 euros par an.  Selon les experts de la « France Insoumise », cette politique économique permettrait d’abaisser la dette de 98% actuellement à 87% en 2022. Plus de 3 millions d’emplois seraient créés réduisant le chômage à 6% contre 3% aujourd’hui. Le déficit public serait lui réduit de 2,5% à la fin du quinquennat avec une incartade à 4,8% du PIB en 2018. « C’est moins un programme politique qu’un programme économique. A l’échelle européenne, son plan de relance aurait un sens, mais l’échelle nationale les entreprises françaises pourraient perdre en compétitivité, notamment à cause de l’augmentation des salaires. Pour y remédier, il faudrait prendre des mesures fortes en matière industrielle, cela supposerait des nationalisations et des mesures protectionnistes » juge Henri Sterdyniak  directeur du département Économie de la mondialisation à l'OFCE.

Pour Robin Rivaton « le programme de Jean-Luc Mélenchon est un plébiscite contre l’Union Européenne. Aucun de nos partenaires européens n’accepteront une renégociation des traités, donc c’est une sortie de fait de l’Union qui se profile ». « C’est une question de rapport de forces » estime quant à lui Thomas Porcher. « Il y a quelques années l’Allemagne  n’avait pas non plus respecté  la règle des 3% de déficits publics. La France est la deuxième puissance de la zone euro. Elle aurait la capacité de conduire une renégociation des traités ».

En ce qui concerne les dépenses de Santé, les candidats à la présidentielle sont invités à présenter leurs propositions, demain, à la Mutualité Française. Jean-Luc Mélenchon qui entend rembourser à 100 % les soins de santé prescrits est l’un des seuls avec Marine Le Pen à avoir décliné l’invitation, pour cause d’agenda.

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