« Mon père a fait Sciences Po, ma mère a fait Sciences po, mes deux grands-parents aussi » Comment les élites se reproduisent générations après générations.
Ils sont huit, huit jeunes gens à s’être confiés devant la caméra de Julie Gavras, de leur entrée en seconde au lycée Victor Duruy à Paris à leur entrée dans la vie active. Pendant 15 ans Constance, Raphaël, Antoine, Victoria, Christophe, Clotilde, Marie et Victor ont raconté leurs doutes, leurs difficultés, leurs envies, mais d’abord leurs parcours. Un documentaire touchant mais qui détaille aussi les mécanismes de reproduction des élites françaises.

« Mon père a fait Sciences Po, ma mère a fait Sciences po, mes deux grands-parents aussi » Comment les élites se reproduisent générations après générations.

Ils sont huit, huit jeunes gens à s’être confiés devant la caméra de Julie Gavras, de leur entrée en seconde au lycée Victor Duruy à Paris à leur entrée dans la vie active. Pendant 15 ans Constance, Raphaël, Antoine, Victoria, Christophe, Clotilde, Marie et Victor ont raconté leurs doutes, leurs difficultés, leurs envies, mais d’abord leurs parcours. Un documentaire touchant mais qui détaille aussi les mécanismes de reproduction des élites françaises.
Public Sénat

Par Pierre Bonte-Joseph

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Assise sur son canapé, le visage penché, dans un demi-sourire Clotilde égraine ses rendez-vous de la semaine. En seconde au lycée Victor Duruy à Paris, elle enchaîne les cours et les activités. Le cheval, la musique, les arts plastiques. Tout s’enchaîne sur un rythme qui ne laisse pas beaucoup de place au hasard et à l’oisiveté.

Pour elle comme pour ses camarades, suivis par la caméra de Julie Gavras, tout semble tracé. « Être » à Victor Duruy c’est l’assurance d’en sortir avec un sésame pour des études supérieures brillantes. Situé à proximité des principaux lieux de pouvoirs, ce lycée ouvre les chemins de la réussite. Et les élèves le savent.

Je suis d’un milieu bourgeois, très bourgeois 

Marie

Si la plupart se disent conscients de la situation privilégiée qui est la leur - « Mon père a fait Sciences po, ma mère a fait Sciences po, mes deux grands-parents aussi, et l’ENA » raconte Victoria - et qu’ils veulent parfois vouloir s’en extraire, la force de la reproduction sociale finit souvent par l’emporter.

« Quand il y a des réunions de famille on me demande ce que je fais et ma mère dit : "de la musique". Alors on me dit "tu sais c’est très dur" et celui qui parle c’est un avocat, un médecin... je suis un peu regardée de haut, je suis d’un milieu bourgeois, très bourgeois », raconte Marie.

Des tâtonnements qui sont le privilège d’une classe

Car échapper à la réussite, renoncer à un destin brillant n’est pas chose aisée. C’est l’un des enseignements du film. Tous ou presque finiront par revenir sur le chemin qui s’est ouvert très tôt à eux. Le récit que livre Christophe est à ce titre intéressant.

Passionné de musique dès la seconde il décide, devenu adulte, de s’y consacrer entièrement pendant plusieurs mois, abandonnant même ses études de droit, avant d’y revenir en fin de film. Des tâtonnements qui sont le privilège d’une classe. Confortés par l’héritage culturel de leurs parents, aidés financièrement, tous ont le temps d’hésiter avant de choisir.

Dans ce tableau, un parcours dénote. Celui de Raphaël, polytechnicien, qui parle avec gourmandise des connaissances que ces écoles lui ont apportées, et avec vertige de celles qui lui restent à découvrir. Un exemple de ce que l’excellence à la française fait de mieux.

La promesse de la réussite n’empêche pas les doutes

Au fil des rendez-vous on a plaisir à retrouver ses personnages, changeants de style et de physique au fil des années, parfois des mois. Des situations privilégiées qui n’empêchent pas les peines, et les doutes.

Comme Victoria qui raconte la difficulté pour une jeune femme de se faire une place dans le milieu dur de l’Opéra et qui dès le début du film raconte sa peur de réussir : « Dès que j’aime quelque chose il faut que je m’angoisse. J’aime l’opéra, et j’ai peur de devenir sourde, si j’aime lire, j’ai peur de devenir aveugle. Je me gâche la vie c’est bête ». Des doutes universels, qui rapprochent finalement ces adolescents de beaucoup d’autres.

Victor est devenu dentiste, Constance travaille dans la communication, Raphaël est chercheur, Christophe avocat. Quinze ans ont passé lorsque le film s’achève et ceux qui étaient promis à devenir « l’élite » ont désormais pris la place qui leur était promise.

Un film comme une confession qui décrypte le mécanisme intime de la reproduction des classes.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

controle ok
6min

Société

La France condamnée pour contrôle au faciès par la CEDH : « Que faut-il pour que la France prenne en main le sujet ? » s’indigne Corinne Narassiguin

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour un contrôle d’identité discriminatoire, une première. « Tout ça ne peut pas continuer », dénonce la sénatrice PS Corinne Narassiguin, auteure d’une proposition de loi sur le sujet. Elle pointe le « ciblage » sur les sans-papiers, qui a été demandé à la police par le ministre Bruno Retailleau. « Ça, c’est du contrôle au faciès », dénonce la sénatrice de Seine-Saint-Denis.

Le

« Mon père a fait Sciences Po, ma mère a fait Sciences po, mes deux grands-parents aussi » Comment les élites se reproduisent générations après générations.
4min

Société

Egalité femmes-hommes : « Si nous avons une réduction de moyens, je ne serai pas en mesure de réaliser le travail qui m’est demandé », alerte Bérangère Couillard

Auditionnée par la délégation aux droits des femmes du Sénat, la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Bouillard s’inquiète de l’avenir de l’institution à la veille des débats budgétaires au Parlement, et des échéances électorales.

Le

« Mon père a fait Sciences Po, ma mère a fait Sciences po, mes deux grands-parents aussi » Comment les élites se reproduisent générations après générations.
3min

Société

Intelligences artificielles : « On ne peut pas leur faire confiance », prévient le concepteur de l’assistant vocal Siri

Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat, l’informaticien Luc Julia, concepteur de l’assistant vocal Siri a démystifié les idées reçues sur l’intelligence artificielle. S’il conçoit cette nouvelle technologie comme un « outil » permettant de dégager du temps, il alerte sur le manque de fiabilité des informations.

Le