« Nécessaire », « territorialisé », « tardif » : la perspective d’un troisième confinement divise au Sénat

« Nécessaire », « territorialisé », « tardif » : la perspective d’un troisième confinement divise au Sénat

Face à la propagation des variants du covid-19, l’exécutif entend affermir les restrictions sanitaires en vigueur. Au Sénat, si la perspective d’un confinement général ne fait pas l’unanimité, la plupart des élus plaident pour des mesures plus territorialisées.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Depuis l’apparition des nouveaux variants du coronavirus, la question est lancinante : la France va-t-elle être reconfinée ? Les prochains jours seront « décisifs », argue l’exécutif un peu partout dans la presse. Mercredi, jour de conseil de défense sanitaire, Emmanuel Macron devra trancher après avoir reçu les résultats d’impact du couvre-feu à 18 heures pour endiguer la propagation des variants plus contagieux du covid-19. Mais la communication gouvernementale - parfois cacophonique - laisse peu de place au doute : des mesures plus restrictives seront prises rapidement, pour tenter d’éviter que la France ne se retrouve dans la même situation que certains de ces voisins européens comme le Royaume-Uni, qui enregistrait près de 1000 morts par jour la semaine dernière. « Des décisions seront prises cette semaine […], il ne s’agit pas de baisser la garde », a confirmé le Premier ministre Jean Castex lors d’une visite à l’Agence régionale de Santé d’Ile-de-France à Saint-Denis. Selon le Monde, trois scénarios sont sur la table : un statu quo avec le maintien du couvre-feu à 18 heures, un confinement plutôt « souple » comme celui d’octobre dernier, et un confinement « strict » à l’image du tout premier de mars 2020. Le nombre de nouvelles hospitalisations sur sept jours a franchi le cap des 11 000 dimanche. Au total, 26 357 malades du covid-19 sont hospitalisés dans le pays, dont 2955 en réanimation, un chiffre en constante augmentation. La semaine dernière, plus de 2700 personnes sont décédées du covid-19 en France.

Le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, s’est en tout cas montré très préoccupé par la situation et a appelé le gouvernement à ne pas tergiverser face à la menace des variants du virus, qui « changent complètement la donne », et alors que la vaccination est encore limitée. « Il faudra probablement aller vers un confinement », a prévenu celui qui conseille le gouvernement dimanche sur BFMTV, qualifiant lui-même cette mesure d’ « outil très barbare » mais efficace pour freiner l’épidémie. Sur un ton alarmé, il a prévenu que le variant britannique était « plutôt à des niveaux de 7, 8 ou 9 % dans certaines régions françaises », alors qu’une première enquête l’a mesuré à 1,4 % au niveau national les 7 et 8 janvier. « Si nous continuons sans rien faire de plus, nous allons nous retrouver dans une situation extrêmement difficile, comme les autres pays (européens), dès la mi-mars », a-t-il averti.

Malgré tout, le président (Les Républicains) du Sénat Gérard Larcher a appelé à tout tenter avant de décider d’un troisième confinement généralisé, soulignant les « conséquences humaines », parmi lesquelles de possibles « drames ». « Par ailleurs, en cas de retour à un reconfinement strict, la question se posera d’un vote du Parlement pour l’autoriser ou non », a-t-il ajouté dans un entretien donné au Figaro et mis en ligne dimanche soir. D’autres à droite se sont faits plus alarmistes. Xavier Bertrand, le président (ex-LR) de la région Hauts-de-France, a pour sa part dit sur RTL lundi, ne pas voir « comment nous éviterons un reconfinement », étant donné les nouveaux variants. Il a appelé à « prendre les mesures qui s’imposent le plus rapidement possible », pour « éviter d’avoir un temps de retard par rapport à une nouvelle explosion de l’épidémie ». S’il faut prendre la décision de reconfiner, « prenons-la » et « arrêtons de nous faire mal pendant des semaines avant et après », a exhorté ce lundi matin l’ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré dans la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous ». Il s’est toutefois dit « pas totalement pour le reconfinement car il faut également que nous pensions aujourd’hui aux conséquences économiques pour la France après cette période ».

Général, territorialisé… Quel type de confinement mettre en place ?

Au Sénat, les positions divergent mais tous s’accordent sur la nécessité de prendre en compte les spécificités des territoires ». Dans les rangs de la gauche, le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, considère qu’un nouveau confinement est « nécessaire au regard de la montée du variant britannique ». Pour preuve, en déplacement dans les Alpes-Maritimes, il observe « la même situation qu’à Paris ». « C’est un virus qui va aller très vite, il faut donc le prendre en étau. Je serai solidaire d’une décision qui vise à protéger nos citoyens. Un nouveau confinement aura bien sûr des conséquences économiques et psychologiques dramatiques. Mais entre deux périls, il faut prévenir le plus grand », tranche l’ancien ministre de François Hollande. Comme Gérard Larcher, il apprécierait que le Parlement soit associé à la mise en place d’un confinement général, s’il est restrictif. « C’est un plus pour une concorde nationale. Tout ce qui permet de mieux associer en amont le Parlement est bon à prendre ». Mais il n’y croit pas trop. « Nous avions demandé un article 50-1 dans le cadre de la stratégie vaccinale et il avait été rejeté… », rappelle-t-il.

« L’état d’urgence sanitaire autorise le gouvernement à prendre ces mesures. Le niveau d’échange avec le Parlement et le gouvernement est très négatif », abonde le sénateur apparenté socialiste Bernard Jomier, qui fustige un manque de « débats » et une stratégie gouvernementale « opaque ». Membre de la commission des affaires sociales, ce médecin de formation va d’ailleurs prendre la présidence de la nouvelle mission d’information du Sénat sur la crise du covid-19. Il estime que « des mesures plus restrictives auraient dû être prises depuis deux ou trois semaines », compte tenu du caractère exponentiel des variants, et que les nouvelles mesures doivent être « plus adaptées aux territoires ».

À droite, à l’image de Gérard Larcher, on est plus circonspect sur la nécessité d’un nouveau confinement général. « Je pense qu’il faut encore attendre quelques jours pour qu’on voie les résultats du couvre-feu. C’est une mesure qui peut avoir des effets. Hormis le confinement général, il y a le confinement parcellaire (le week-end), le confinement territorialisé, ou par tranche d’âge. Avant d’envisager une décision très lourde, il faut étudier toutes les pistes pour éviter le confinement général. Le virus, on va l’avoir des mois et des mois. C’est l’arme à utiliser à bon escient », argumente René-Paul Savary (LR), qui déplore toujours la lenteur des vaccinations. Lundi, son département de la Marne n’avait pas reçu les 5000 doses promises pour la semaine. Si elle estime, elle aussi, un nouveau confinement « inéluctable », la sénatrice LR de l’Essonne Laure Darcos aimerait « qu'on laisse travailler ceux qui le veulent », a-t-elle plaidé lundi matin dans la matinale de Public Sénat. Bernard Jomier acquiesce, d’autant plus pour le domaine culturel à l’arrêt forcé depuis des mois : « Il faut regarder toutes les activités dans le détail. On pourrait rouvrir les salles de cinéma, les théâtres, mais pas l’arène de Paris Bercy avec 2 000 personnes », argue-t-il, estimant que certaines décisions ne sont pas fondées sur le volet « sanitaire ».

Faut-il allonger les vacances scolaires ?

L’horizon d’un nouveau confinement s’accompagne de la question de l’ouverture des écoles. Dans le JDD, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer s’est dit favorable à garder les établissements scolaires ouverts. « Si c’est un confinement comme en octobre, elles seront ouvertes », observe Patrick Kanner. « Ce qui est également certain, c’est qu’elles vont être fermées pour les vacances scolaires, profitons de cette période », poursuit-il. « Le virus circule beaucoup dans les écoles parmi les enfants, et les mesures mises en place sont inopérantes. La solution c’est d’allonger les vacances scolaires puis de rattraper plus tard, comme cet été », croit savoir Bernard Jomier, soulignant que Jean-François Delfraissy appelait lui aussi à modifier le calendrier scolaire. Allonger les vacances s ? La question divise. Vice-présidente de la commission culture, de l’éducation et de la communication, Laure Darcos n’y est pas du tout favorable. « Ce ne serait plus des vacances, mais bien un confinement strict », rétorque-t-ell

« Si on ne modifie pas les vacances scolaires, il faut laisser ouvertes au maximum les écoles, tout en étant draconiens sur les gestes barrières », estime quant à lui René-Paul Savary.

Des mouvements de révolte à craindre ?

Lundi, le Medef et CCI France, l’organisation nationale des Chambres de commerce d’industrie, ont plaidé pour le maintien des commerces ouverts en cas de reconfinement, pour des raisons économiques, mais aussi car les commerçants sont « moralement extrêmement atteints ». Sur les réseaux sociaux, le hashtag « #JeNeMeReconfineraiPas » a fleuri et beaucoup de commerçants témoignent de leur volonté de ne pas mettre un terme à leur activité. Plusieurs restaurateurs restent déjà ouverts clandestinement. Faut-il y voir l’émergence de mouvements de révolte comme aux Pays-Bas ? Vendredi dernier, le chanteur Francis Lalanne a publié sur le site complotiste France Soir, un texte fleuve dans lequel il exhorte l’armée à renverser Emmanuel Macron et son gouvernement. Bernard Jomier n’y croit pas. « Les Français ont un niveau de discipline extrêmement élevé. Qu’il y ait un sentiment d’injustice, c’est normal. Mais je veux croire que le gouvernement ne va pas prendre des décisions aveugles », espère-t-il. René-Paul Savary est moins serein : « On est à l’abri de rien. Les gens sont impatients. Ça fait un an qu’on est dans cette situation. Et puis le gouvernement leur a fait tellement de promesses… »

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