Néonicotinoïdes réautorisés pour les betteraves : « un nouveau retour en arrière » pour les écologistes

Néonicotinoïdes réautorisés pour les betteraves : « un nouveau retour en arrière » pour les écologistes

Un syndicat agricole rattaché à la FNSEA, CGB, demandait le retour des néonicotinoïdes dans la production de betterave pour faire face à une maladie qui ravage les cultures. Ce pesticide « tueur d’abeilles » était interdit depuis 2018. Les écologistes dénoncent un « nouveau recul » du gouvernement.
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

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Les producteurs de betteraves peuvent crier victoire. Le ministère de l’Agriculture vient d’annoncer qu’il autoriserait de nouveau des semences enrobées de pesticides, dits « néonicotinoïdes ». Ces insecticides, souvent présentés comme des « tueurs d’abeilles », avaient été interdits par la loi sur la biodiversité de 2016, à compter du 1er septembre 2018.

La majorité sénatoriale s'en réjouit, par la voix du président de la commission des lois, Philippe Bas :

 

Mais les écologistes dénoncent un « retour en arrière », comme Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, interviewé par Public Sénat.

 

Comment réagissez-vous à l’annonce du ministre de l’Agriculture réautorisant l’utilisation de néonicotinoïdes pour la production de betterave ?

C’est un nouveau recul, un nouveau retour en arrière. Face à un problème qui est lié spécifiquement à la betterave, on revient sur une décision de bon sens. Tout d’abord, je ne pense pas que cela change la donne actuelle. Ce n’est pas avec ce type de produit qu’on risque de sortir de la crise de la betterave. Ce sont des monocultures avec des producteurs qui ne dépendent que de la betterave. Or, on est en surproduction de sucre, produit à base de betterave, que ce soit au niveau national ou international.

Tant qu’on n’aura pas une réflexion sur le modèle agricole, on en arrivera à répondre à une crise conjoncturelle et on reviendra à des réflexes primaires : on remet des néonicotinoïdes. On ne va pas sauver la culture de la betterave avec des néonicotinoïdes. Et même si on y arrive ponctuellement, on met en péril l’apiculture et la biodiversité. J’espérais beaucoup du nouveau ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Je pensais qu’il avait une réflexion un peu plus l : large sur ce sujet-là.

Mais peut-on apporter des réponses structurelles à un problème aussi urgent ?

Je comprends tout à fait la détresse des exploitants agricoles. Mais on en revient toujours à dire, ce que disait l’ancien ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, à savoir qu’on peut faire cohabiter deux types d’agriculture : bio pour quelques-uns et une agriculture intensive pour les autres. Ce n’est pas tenable. Il faut qu’on aide les agriculteurs dans leur transition écologique et c’est justement ce qui n’a pas été fait. On ne fait que répondre à des urgences.

Dans le cas présent, on voit bien que ce n’est pas durable : on connaît parfaitement l’impact des néonicotinoïdes à la fois sur les pollinisateurs, à la fois sur la santé humaine. Et les solutions, on les connaît : il faut s’engager pour un autre type d’agriculture.

Ces situations de crise se multiplient en ce moment. Comment le gouvernement peut-il alors envisager des réponses structurelles à ces problématiques ?

S’il continue à réagir dans l’urgence, et uniquement dans l’urgence… Il n’y arrivera jamais ! L’agriculture, telle q : on l’a imaginé depuis cinquante ans, est dans une impasse. Aujourd’hui, c’est la question des betteraves mais, demain, ce sera autre chose.

Par exemple, je suis actuellement dans le Sud et je vois des champs de maïs à perte de vue. Or, cela nécessite un arrosage constant et une énorme quantité d’eau… Et cela pose problème en période de sécheresse. Donc on crée des bassins pour constituer des réserves d’eau, de l’eau qui ne va pas dans les nappes phréatiques… Et on ne fait que reculer le problème. On ne se pose jamais la question : pourquoi a-t-on besoin de tant d’eau ?

Si on ne transforme pas radicalement notre manière de produire de la nourriture pour les animaux, si on continue de cultiver des céréales qui nécessitent autant d’eau, on se retrouvera toujours confronté au même problème.

En ce moment, il y a les négociations de la Politique agricole : commune (PAC). On voit bien que cela ne va pas forcément dans le bon sens et qu'on repart vers un système d’agriculture intensive, avec des aides qui se concentrent sur les grandes surfaces et qui favorisent la monoculture. Or, c’est à ce niveau-là qu’il faut agir ! Et je ne suis pas sûr que l’ex-ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, ait été très performant dans les négociations de la PAC, vu ce que l’on a pu obtenir jusqu’à présent.

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